Viol dans une autopatrouille: «Aucune faute», dit la police

La policière du Grand Nord québécois qui interrogeait un témoin pendant qu'une mineure menottée se faisait violer dans son autopatrouille par un prédateur sexuel n'a commis «aucune faute susceptible de mériter les dommages réclamés», selon son employeur.

«Le seul fautif qui a directement causé du tort» à la jeune femme est l'agresseur lui-même, ajoute le Corps de police régional Kativik (CPRK), qui souligne à gros traits l'«état d'intoxication très avancé» et l'«agitation» de la victime.

L'organisation vient de faire valoir pour la première fois ses arguments dans la poursuite de 400 000$ intentée par la victime du viol.

Le CPRK estime que «plusieurs des impacts [psychologiques du viol] allégués par la plaignante sont liés à des situations personnelles, et non pas aux événements débattus» et que sa réclamation est donc «grossièrement exagérée».

La jeune femme, âgée de 17 ans au moment des faits en 2011, avait été expulsée d'une maison d'un petit village inuit parce qu'elle était agitée après avoir consommé de l'alcool. La policière, qui patrouillait seule, l'a menottée et installée sur le siège arrière de son autopatrouille. Joe Kritik, un dangereux délinquant sexuel condamné pour cinq crimes sexuels en six ans, s'y trouvait déjà, les mains libres. Il a plaidé coupable à des accusations d'agression sexuelle relativement à ces événements. L'adolescente a affirmé avoir été victime d'une agression sexuelle avec pénétration.

Comme la victime était mineure au moment des faits, la loi nous interdit de révéler son identité.

La policière «n'a jamais cessé de surveiller»

Selon la défense conjointement soumise par le CPRK, le gouvernement régional du Nunavik et la policière elle-même, cette dernière n'avait «aucune obligation» de vérifier les lourds antécédents criminels de Joe Kritik au moment où il s'est assis sur le siège arrière de l'autopatrouille. Il n'était pas en état d'arrestation, mais simplement isolé d'un autre homme avec lequel il venait d'avoir une altercation.

La policière a ensuite reçu l'appel visant l'expulsion de la mineure de 17 ans d'une maison privée. Elle a arrêté la jeune femme, qui «troublait la paix publique», l'a menottée et l'a fait s'asseoir à côté de Kritik. C'est pendant qu'elle interrogeait un témoin à la suite de cette arrestation que l'agression sexuelle a eu lieu.

L'agresseur et sa victime «ont été laissés seuls dans la voiture pour un maximum de deux minutes», assure la défense déposée au palais de justice. De plus, la policière «n'a jamais cessé de surveiller l'autopatrouille».

«Étant donné l'état d'intoxication avancé de la victime, le personnel médical n'a pu lui faire subir l'analyse d'échantillon [rape kit] avant la matinée suivante», continue le CPRK.

L'avocat de la victime s'est dit étonné par la défense produite par ses adversaires. Si la policière n'a commis aucune faute, «je me demande pourquoi elle a démissionné deux jours après», s'est interrogé Me Jacques Stuart. Dans un document précédemment déposé par l'avocat, il disait ne plus entretenir d'espoir de voir cette cause faire l'objet d'une solution négociée.

L'administration locale n'a pas voulu commenter le dossier. «Cette affaire étant devant les tribunaux, l'Administration régionale Kativik et le Corps de police régional Kativik ne peuvent pas faire de commentaires», a écrit Émilie Courtemanche, responsable des communications.

L'agression s'est produite dans le petit village nordique de Tasiujaq, au Nunavik, qui compte environ 250 habitants. La policière impliquée était seule en fonction ce soir-là.