Affrontements meurtriers à Kiev: au moins 16 morts

Thibauld MALTERRE et Oleksandr SAVOCHENKO / AFP

Publié le: mardi 18 février 2014, 8H11 | Mise à jour: mardi 18 février 2014, 19H28

KIEV - Seize personnes, civils et policiers, ont été tués mardi au cours des violences à Kiev, selon un dernier bilan disponible.

Quatre manifestants ont été tués au cours de l'assaut donné mardi soir par les forces de l'ordre contre le Maïdan, haut lieu de la contestation dans le centre de Kiev occupé depuis près de trois mois.

«Quatre manifestants ont été tués lors du ratissage du Maïdan», a déclaré à l'AFP Sviatoslav Khanenko, responsable des services médicaux de l'opposition.

Le précédent bilan officiel, publié avant l'assaut, faisait état de cinq civils et sept policiers tués depuis mardi matin.

Deux corps autres ont été par ailleurs retrouvés dans la zone des affrontements, la police assurant qu'ils ne comportaient de traces de mort violente.

Des caméras en direct en Ukraine.

Des heurts violents

Cartons, panneaux de bois, tentes: un rideau de flammes tenait provisoirement les policiers à distance, ralentissant leur progression sur le Maïdan, la place de l'Indépendance, symbole de la contestation.

En face, précédés de trois véhicules blindés, plusieurs centaines de Berkout, les membres redoutés des forces antiémeute, progressaient très lentement et le long de plusieurs axes, utilisant canons à eau, grenades lacrymogènes et assourdissantes, pour faire reculer les manifestants, qui ripostaient à l'aide de pavés et de cocktails Molotov, et ont mis le feu à un blindé.

Équipés de porte-voix, les policiers avaient auparavant demandé aux femmes et aux enfants de quitter les lieux, évoquant le déclenchement d'une «opération antiterroriste».

Sur la place, plusieurs milliers de contestataires refusaient de bouger et entonnaient l'hymne national ukrainien.

«On ne partira pas d'ici, c'est un îlot de liberté», a promis à la foule l'un des leaders de l'opposition, Vitali Klitschko.

«Le pouvoir a déclenché une guerre contre son propre peuple», a asséné l'ancien champion de boxe, qui s'est ensuite rendu à la présidence pour rencontrer Viktor Ianoukovitch.

Même des soutiens traditionnels du régime, comme l'oligarque Rinat Akhmetov, l'homme le plus riche d'Ukraine et le principal parraineur du parti de M. Ianoukovitch, ont critiqué les événements en cours.

«Les victimes humaines du côté des manifestants et des forces de l'ordre sont un prix inacceptable pour des erreurs politiques», a déclaré M. Akhmetov dans un communiqué, appelant à «cesser l'effusion de sang».

L'assaut a eu lieu dans la soirée, après une journée d'affrontements, les plus meurtriers depuis le début de la contestation, qui ont fait au moins onze morts mardi, cinq civils et six policiers, «tués par balle», selon le ministère de l'Intérieur.

L'un des civils tués est un employé du Parti des régions du président Ianoukovitch, dont le corps a été retrouvé au siège de cette formation politique, pris d'assaut et brièvement contrôlé par les contestataires, qui l'ont partiellement incendié.

Assaut à Lviv

Les corps de deux autres personnes ont été découverts dans la zone des affrontements, mais la police a affirmé que leur mort n'était pas liée aux violences.

Par ailleurs, au moins 150 manifestants ont été blessés, dont 30 grièvement - l'un ayant eu la main arrachée en ramassant une grenade assourdissante -, selon Oleg Moussiï, chef du service médical de l'opposition.

Et 159 policiers ont été hospitalisés, dont 35 dans un état grave, a-t-on appris de source officielle.

Les violences menaçaient de s'étendre au reste de l'Ukraine.

À Lviv, un bastion de la contestation dans l'Ouest, les manifestants ont pris d'assaut les sièges de l'administration régionale et de la police.

Le mouvement de protestation, né en novembre de la volte-face du pouvoir qui a préféré un rapprochement avec la Russie plutôt qu'un accord avec l'UE, s'est rapidement transformé en un rejet pur et simple du régime.

Le procureur général Viktor Pchonka a promis mardi soir «les peines les plus sévères» pour les responsables et les instigateurs des violences.

Le pouvoir a aussi imposé une sorte d'état d'urgence qui ne dit pas son nom: le métro de Kiev a été fermé et les autorités ont annoncé que le trafic routier en direction de la capitale serait «limité» à partir de minuit, afin d'éviter «l'escalade des violences».

Quant à la chaîne de télévision d'opposition Kanal 5, qui diffusait en direct les évènement sur le Maïdan, sa direction a indiqué qu'elle n'était plus reçue en Ukraine et ne pouvait plus émettre que sur internet.

Les affrontements sont survenus après plusieurs semaines d'accalmie, à l'occasion d'un défilé en direction du Parlement, qui a dégénéré en affrontement avec les forces de l'ordre postées devant les accès au quartier gouvernemental.

L'Occident inquiet

De précédents heurts fin janvier avaient fait quatre morts et plus de 500 blessés.

La Russie a aussitôt condamné ce regain de violences, qu'elle a attribué à la politique des Occidentaux, qui «ferment les yeux sur les actes agressifs des forces radicales en Ukraine».

De son côté, Washington s'est dit «consterné» et a appelé le président Ianoukovitch à «mettre fin aux affrontements» et à renouer le dialogue avec l'opposition, tout comme le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, «extrêmement inquiet».

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a brandi la menace de «sanctions» de l'Union européenne contre des dirigeants ukrainiens.

L'opposition à Kiev accuse le pouvoir de céder aux pressions de la Russie, qui a octroyé en décembre à l'Ukraine, au bord du défaut de paiement, un crédit de 15 milliards de dollars, dont trois milliards ont déjà été versés, et un important rabais sur le prix du gaz.

Mais l'opposition s'impatiente, les négociations avec le pouvoir étant au point mort, qu'il s'agisse d'une réforme constitutionnelle réduisant les pouvoirs du président ou de la formation d'un nouveau gouvernement.

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