La mort d'un septuagénaire soulève l'indignation

C'est dans le plus grand anonymat qu'un septuagénaire en crise et armé d'un couteau, sur qui un agent de la police de Montréal a fait feu le 26 juillet, a rendu l'âme deux semaines plus tard, a appris La Presse.

C'était un vendredi après-midi. Robert Hénault, 70 ans, était dans son très modeste logement du 4634, rue Saint-Denis, dans le Plateau Mont-Royal, au-dessus de l'ancienne quincaillerie Rona, récemment fermée, où il a déjà travaillé avant sa retraite. Son chien, un berger allemand, était avec lui.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a été alerté, car l'homme avait un comportement qui faisait craindre à son entourage qu'il mette fin à ses jours.

Arrivés sur les lieux, les policiers ont sonné à la porte. Aucune réponse. Ils sont entrés dans le magasin de meubles récemment ouvert dans le local de l'ancien Rona par les nouveaux propriétaires de l'immeuble.

«C'est pour son bien qu'on veut entrer», auraient-ils dit au jeune homme, qui leur a ouvert la porte.

Ils se seraient alors retrouvés face à Robert Hénault, en crise, hostile à leur présence. Il aurait même poignardé son propre chien.

La suite de l'histoire est la partie manquante du récit. Les policiers affirment qu'ils se sont sentis menacés - on ne sait de quelle façon, mais l'un d'eux a fait feu.

M. Hénault aurait reçu la balle dans la région de l'aine.

Il a été transporté à l'hôpital où, initialement, on disait ne pas craindre pour sa vie. Comme chaque fois qu'une personne est blessée au cours d'une intervention policière, un autre corps policier a été chargé de l'enquête - la Sûreté du Québec (SQ) dans ce cas-ci.

Personne n'a reparlé de l'histoire.

Mais le 8 août, à l'Hôpital général de Montréal, dont il n'était jamais ressorti, son état s'est détérioré et il est mort.

Bien connu dans le secteur

La SQ se fait avare de détails sur cette affaire, comme c'est généralement le cas au cours de ce type d'enquête.

Difficile de savoir ce qui a causé la détresse de M. Hénault ou ce qu'il a fait pour mériter une balle. L'homme discret était bien connu des commerçants du secteur.

«Ça faisait 30 ans qu'il habitait dans le coin et que je le servais. Il était tout petit et n'avait pas une bonne santé", raconte une serveuse du restaurant Fameux, angle Saint-Denis et Mont-Royal.

«Les nouveaux propriétaires voulaient refaire les appartements au-dessus du magasin. Et il aurait dû quitter. Ça le démoralisait», ajoute-t-elle.

Une des propriétaires de l'immeuble admet vouloir rénover ces appartements, «qui n'ont pas été retouchés depuis 60 ans», et les relouer, mais jure ne pas avoir dit à M. Hénault qu'il devait quitter son logement bientôt.

«Nous en avions discuté, mais lui-même admettait qu'à son âge et avec sa santé, il ne pourrait encore demeurer là longtemps, à cause des escaliers», dit-elle.

«C'était un monsieur qui prenait sa petite bière tranquillement, qui entrait parfois ici comme si c'était encore la quincaillerie où il travaillait, jouait avec le chauffage. On discutait avec lui et ça allait. C'était un monsieur gentil», ajoute la dame.

Jean-Guy Bernier, propriétaire de la boutique Pattes à Poil, tout près, connaissait le défunt depuis 18 ans. Il achetait la nourriture de son chien chez lui.

«Je ne comprends pas pourquoi il a été nécessaire de tirer sur un monsieur de 70 ans à la santé fragile. Il me semble qu'ils auraient pu utiliser du poivre de Cayenne», déplore-t-il.

Jusqu'à maintenant, en 2013, au Québec, 28 enquêtes ont été confiées à d'autres corps policiers après qu'une personne a été blessée ou tuée au cours d'une opération policière ou pendant sa détention.

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