Manifestation monstre contre l’austérité et le gouvernement de droite

De violents incidents ont émaillé la fin de la manifestation qui a rassemblé jeudi plus de 100 000 personnes à Bruxelles contre les mesures d’austérité du nouveau gouvernement de droite, une mobilisation sociale historique en Belgique.

«Plusieurs dizaines de policiers ont été blessés, dont deux grièvement», a déclaré le porte-parole de la police de Bruxelles, Christian De Coninck. Une trentaine de casseurs avaient été interpellés.

La Croix-Rouge a indiqué avoir procédé à «36 soins sur place et à 24 évacuations vers des hôpitaux», sans donner de détail sur la gravité des blessures.

Les incidents ont éclaté en fin de manifestation, lorsqu’un «groupe de dockers turbulents et ivres», selon M. De Coninck, ont quitté le parcours de la manifestation pour «charger les forces de l’ordre».

Les dockers et des casseurs portant des cagoules ont jeté des pavés, des bouteilles en verre, des fusées et d’autres objets sur les policiers, qui ont répliqué en faisant usage de puissants jets d’eau et de gaz lacrymogène. «Il y a eu des vitrines brisées et quatre voitures et une moto de la police incendiés», a détaillé M. De Coninck.

Le reste des manifestants, entre 120 000 et 130 000 personnes, soit environ 1% de la population du royaume, ont défilé dans le calme dans le centre de la capitale. Les syndicats ont salué du «jamais vu depuis 30 ans».

Réformes économiques dénoncées

Ils dénonçaient un programme de réformes économiques et sociales visant à réaliser 11 milliards d’euros d’économies dans les cinq prochaines années. Il prévoit aussi de reculer l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, contre 65 aujourd’hui, à partir de 2030.

Ces mesures, en rupture avec la politique centriste du précédent gouvernement, ont été dévoilées après la formation de l’exécutif, début octobre, par le premier ministre libéral Charles Michel, à la tête d’une coalition de droite avec notamment les nationalistes flamands du N-VA.

«Il faut faire des efforts, c’est évident, mais le cocktail de mesures proposées par le gouvernement est particulièrement injuste. Les grandes entreprises et les détenteurs de capitaux ne participent pas à la solidarité. Par contre, on diminue les salaires, les pensions et on touche à la sécurité sociale», a dénoncé une des figures du parti socialiste, l’ancienne ministre Laurette Onkelinx.

Vêtus de chasubles rouges, vertes et bleues, les couleurs des trois grands syndicats belges, les manifestants, francophones comme néerlandophones, ont défilé au bruit des sifflets et des pétards.

«Le pouvoir d’achat sera mis à mal, tant pour les travailleurs que pour les allocataires sociaux et les petits indépendants», a insisté Marc Goblet, le secrétaire général du syndicat socialiste FGTB. «Ces mesures injustes vont toucher uniquement le portefeuille des travailleurs», a ajouté Marie-Hélène Ska, son homologue de la CSC, premier syndicat belge.

Ralentissement de l'industrie

De nombreuses industries tournaient au ralenti, notamment dans la sidérurgie et aux ports d’Anvers et de Zeebrugge, à la Poste ou dans l’enseignement.

Un conseil des ministres restreint s’est réuni dans l’après-midi, en présence des représentants des syndicats, qui ont prévenu que si le gouvernement ne revoyait pas sa copie, d’autres actions étaient envisagées.

«Ces mesures sont nécessaires pour garantir l’avenir», a commenté M. Michel devant la Chambre des députés. Invité par la chaîne privée RTL-TVI dans la soirée, le premier ministre a «condamné les violences totalement inacceptables» de la fin de la manifestation.

Il a lancé aux syndicats un appel au «respect» et au «dialogue», mais également souligné que son gouvernement avait pris une «orientation» et que celle-ci était «soutenue par une majorité parlementaire».

Des grèves tournantes sont prévues dans les prochaines semaines, avant une grève générale le 15 décembre dans l’ensemble du pays.

Les syndicats et l’opposition de gauche dénoncent la décision de procéder à un «saut d’index» en 2015, qui aura pour conséquence que les salaires et les allocations sociales ne suivront pas l’augmentation du coût de la vie, comme c’est le principe en Belgique.