Mexique: des étudiants manifestent violemment

Des étudiants mexicains ont mis le feu à plusieurs véhicules samedi soir en face du siège du gouvernement régional de l'État du Guerrero, dans le sud du Mexique, première manifestation violente après l'annonce par les autorités du massacre de 43 de leurs compagnons.

Plus de 300 jeunes, la plupart le visage dissimulé, ont brisé plusieurs vitres du bâtiment public situé à Chilpancingo, capitale du Guerrero, et incendié une dizaine de véhicules, dont un de la police fédérale, sans intervention des forces de sécurité.

«C'est la même exigence de toujours, qu'on retrouve les camarades vivants», a dit à l'AFP un des étudiants masqués.

Dans le Guerrero, 43 étudiants de l'école normale rurale d'Ayotzinapa ont disparu le 26 septembre à Iguala après une attaque conjointe de policiers et de membres du crime organisé. Cette affaire a bouleversé le Mexique, mobilisé des dizaines de milliers de personnes dans les rues et provoqué des réactions d'effroi dans le monde entier.

Vendredi, le ministre mexicain de la Justice, Jesus Murillo Karam, a annoncé que trois membres présumés d'un groupe criminel ont avoué avoir tué plus de 40 étudiants, brûlé leurs cadavres puis jeté les restes dans une rivière.

Le scénario du massacre a toutefois été contesté par les parents de ces jeunes, qui ont considéré que les aveux de ces suspects n'avaient pas valeur de preuves.

«Tant qu'il n'y a pas de preuves, nos enfants sont vivants», a estimé Felipe de la Cruz, porte-parole des parents.

«Il semble que le gouvernement fédéral, avec une grande irresponsabilité, préfère clore l'affaire (sur) la base de témoignages» mais «il n'y a rien de certain», a affirmé à l'AFP l'oncle d'un disparu, Meliton Ortega.

Un enfer de 14 heures

Au total 74 personnes - policiers, fonctionnaires, criminels présumés - ont été arrêtées depuis le début de l'affaire.

Selon le récit des suspects ayant avoué, rapporté par le ministre de la Justice, le meurtre des étudiants a été commis après que ceux-ci eurent été livrés par des policiers municipaux entre les villes d'Iguala et de Cocula.

Les jeunes auraient été transportés la nuit de leur disparition dans des véhicules vers une décharge proche de Cocula où une quinzaine d'entre eux sont arrivés déjà morts par asphyxie.

«Les détenus ont indiqué avoir tué les survivants, les avoir jetés dans la partie basse de la décharge avant de brûler leurs corps» qu'ils avaient aspergés d'essence, sur des bûchers de bois et de plastique, lors d'une opération qui a duré 14 heures, a précisé Jesus Murillo Karam.

«Le feu a duré de minuit à 14 h le lendemain. Les criminels n'ont pas pu manipuler les corps pendant trois heures en raison de la chaleur», a-t-il ajouté.

Les suspects ont ensuite concassé les restes avant d'en remplir des sacs en plastique et de les jeter dans une rivière.

«Le niveau élevé de dégradation par le feu rend très difficile l'extraction de l'ADN qui permettrait l'identification. Cependant nous ne ménagerons pas nos efforts pour épuiser toutes les possibilités scientifiques», a affirmé le ministre.

Le président Enrique Peña Nieto, confronté à sa plus grave crise depuis son accession à la présidence en décembre 2012, a promis aux parents que tous les responsables de cet «horrible crime» seraient arrêtés.

Selon les autorités fédérales, les étudiants ont été attaqués à l'instigation de l'ancien maire d'Iguala, José Luis Abarca, et son épouse, Maria de Los Angeles Pineda, soeur de trois narcotrafiquants notoires.

Le «couple impérial» aurait craint que la visite des étudiants à Iguala ne vienne perturber un événement public que Mme Pineda tenait ce jour-là en sa qualité de responsable d'un organisme local d'aide à l'enfance.

L'affaire des 43 disparus a jeté une lumière crue sur la collusion des autorités politiques et policières avec le crime organisé.

Pour l'historien Lorenzo Meyer, «l'important désormais est de voir comment va réagir la société mexicaine. Va-t-elle demeurer apathique comme elle l'a été durant des années, habituée à ce que les choses soient ce qu'elles sont ?»

«Si cela ne provoque pas un choc parmi nous, plus rien ne pourra y parvenir», a-t-il ajouté auprès de l'AFP.

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