Un «accident» évitable?

(Québec) Le système de freinage ABS de la voiture-patrouille qui a percuté mortellement un cycliste le mois dernier dans le quartier Saint-Roch était défectueux, semble-t-il. Est-ce que ceci explique pour autant cela? Bien sûr que non.

Les détails dévoilés jeudi par le collègue Matthieu Boivin ne permettent pas d'attribuer la collision au problème des freins ABS, du moins jusqu'à maintenant. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ) tentent toujours de déterminer si la défectuosité pourrait avoir fait en sorte d'allonger la distance de freinage du véhicule.

Et même s'ils en venaient à la conclusion que le problème du système de freinage est à l'origine de la vitesse élevée à laquelle reculait la voiture-patrouille lorsqu'elle a heurté le cycliste, les enquêteurs n'auraient éclairci qu'un seul aspect de la tragédie : le volet mécanique.

Les questions entourant le motif et le déroulement de l'intervention policière, elles, restent entières. Et les informations qui ont filtré jusqu'ici demeurent toujours aussi troublantes. Selon ce que notre confrère rapportait jeudi, les policiers auraient voulu intercepter Guy Blouin parce qu'il circulait à vélo en sens inverse dans la rue Saint-François Est, une voie à sens unique.

Le chef du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), Michel Desgagné, l'a dit à peu près en ces termes en entrevue au Devoir il y a quelques jours : il n'y a pas un policier qui se lève le matin avec le projet de tuer quelqu'un. Sauf qu'un patrouilleur doit prendre en considération plusieurs facteurs avant de décider d'intercepter quelqu'un, dont la nature de l'infraction et la sécurité de l'intervention pour les policiers, le prévenu et le public. Son jugement reste et doit rester son arme principale.

Dans le cas qui nous intéresse, la nature de l'infraction commise par le cycliste justifiait-elle les moyens déployés par les policiers? L'intervention était-elle sécuritaire? Y avait-il d'autres façons ou d'autres occasions d'intercepter le cycliste?

Les enquêteurs de la SQ devront du reste démêler le vrai du faux dans les témoignages recueillis. Établir pourquoi le vélo et la voiture-patrouille ont été déplacés par les policiers impliqués après la collision. Déterminer aussi si ces derniers ont agi avec toute la diligence que commandait l'état de Guy Blouin à la suite de l'intervention.

À moins qu'une enquête publique soit instituée, qu'un procès au criminel ou au civil ait lieu ou que les instances déontologiques s'en mêlent, le public n'est jamais informé des résultats détaillés des enquêtes menées sur des interventions policières qui tournent mal (seul le rapport habituel du coroner peut lui apporter des réponses s'il y a mort d'homme). Ce qui ne fait que contribuer au scepticisme des citoyens, on l'a déjà dit ici. D'autant plus que ces enquêtes sont du ressort exclusif des trois mêmes corps de police, la SQ, le SPVQ et le Service de police de la Ville de Montréal. Un processus qui, au risque là aussi de nous répéter, n'offre pas à la population les garanties nécessaires d'indépendance et d'impartialité (ou d'apparence d'indépendance et d'impartialité). D'où l'utilité du très attendu Bureau des enquêtes indépendantes.

Le manque de transparence entourant les enquêtes de la police sur la police a maintes fois été dénoncé, non seulement par la protectrice du citoyen et la société civile, mais aussi par la Fraternité des policiers et des policières de la Ville de Québec et le chef Desgagné. Celui-ci n'a d'ailleurs pas pu résister à l'envie de commenter publiquement le drame du parvis avant la fin de l'enquête de la SQ, n'hésitant pas à qualifier la tragédie d'«accident».

Pas la meilleure sortie du chef, bien qu'on puisse comprendre son désir de briser le silence. Pas le genre de propos de nature à calmer les esprits. Que les freins défectueux de la voiture-patrouille aient pu jouer un rôle dans la collision ne signifie pas que le décès de Guy Blouin puisse être réduit à la notion d'«accident». Si le Bureau du coroner en venait à cette conclusion, sans doute écrirait-il aussi qu'il aurait pu être évité.

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