Un froid de bœuf - par Marc-André Cyr

La vidéo a fait le tour du Québec en à peine quelques heures. On y voit un itinérant à peine vêtu par un froid glacial se faire menacer par un policier à l’air de bœuf et au courage de poux arrogant : « Regarde-moi dans les yeux. Je te jure que je vais t’attacher à un poteau pendant une heure. Je te le jure ».
La vidéo, bien entendu, a scandalisé tout le monde.

Tout le monde ? Pas tout à fait. Il ne faut jamais sous-estimer l’esprit de corps qu’entretiennent entre eux les supports à matraque. Le policier-à-la-retraite-mais-néanmoins-policier-et-toujours-bronzé-même-en-hiver, François Doré, du SPVM Journal de Montréal, a même eu l’audace de se porter à la défense du courageux policier. [Blogue du Journal, 3 janvier 2014]

Fidèle à sa fonction de policier-à-la-retraite-mais-néanmoins-policier-et-toujours-bronzé-même-en-hiver, Doré, du fond fin de son poulailler, nous offre une bonne dose de victimisation lâche et convenue : « … on assiste à une séance de lapidation publique… »… « de longues diatribes frôlant la calomnie »… « c’est facile de cracher sur la police »…
Il enchaîne ensuite par une bonne dose de paternalisme : « Monsieur, madame, tout le monde a son opinion… » Un peu d’analyse littéraire : « Le policier n’aurait pas dû utiliser cette phrase, c’est clair. » Avant de faire dans la nuance : « Une fois cela dit, est-ce que l’on peut revenir sur terre et arrêter de juger l’ensemble d’un service de police à partir d’une situation ? ».

Mais ce n’est pas tout. Le policier-à-la-retraite-mais-néanmoins-policier-et-toujours-bronzé-même-en-hiver ajoute à ses gloussements une part généreuse de populisme : « J’entends déjà les biens pensants me dire… ». De critique cinéma : « Allez voir l’extrait sur votre réseau social favori et coupez le son ». D’objectivité scientifique : « Il ne saute pas dessus, ne le menotte pas, il lui parle ! ». Et d’imagination : « Il lui offre de monter à bord de la voiture patrouille pour se réchauffer, assez violent ça ! ».
Autrement dit, le policier-à-la-retraite-mais-néanmoins-policier-et-toujours-bronzé-même-en-hiver fait un excellent travail de relationniste. Il reçoit un salaire du SPVM ? Il devrait. C’est le moins que l’on puisse dire. Car la version selon laquelle le policier aurait offert à l’itinérant de venir se réchauffer est celle de la hiérarchie policière. Elle n’est pas dans la fameuse vidéo. Elle n’est nulle part en fait. Elle provient directement du SPVM, plus précisément de Ian Lafrenière, qui répète à qui veut l’entendre que la séquence ne montre que « la fin de l’intervention » [Le Devoir, 4 janvier 2014].
Comment notre policier-à-la-retraite-mais-néanmoins-policier-et-toujours-bronzé-même-en-hiver en est-il arrivé à tenir exactement la même version que le service de police avant même qu’elle ne sorte publiquement?

Mystère et boule de gomme, comme dirait… chose.
Mais le policier-à-la-retraite-mais-néanmoins-policier-et-toujours-bronzé-même-en-hiver n’était toujours pas satisfait. Ça ne saignait probablement pas encore assez. Il ajoute donc, et avec toute l’honnêteté que ça prend, quelques renversements mensongers :
« L’itinérant était en train de mourir d’hypothermie (…). C’est pourtant désolant de voir que celui qui tient la caméra ne s’intéresse qu’à la pureté du flic ! Pour rien au monde, il n’aurait prêté son manteau à l’homme en détresse. On a assisté à une belle démonstration de civisme. Si au moins il avait offert son aide ».

Autrement dit: c’est le citoyen qui aurait manqué de civisme… et non notre arrogant poux musclé. Cela est d’ailleurs tout simplement faux. Une fois que les policiers ont repris la route, l’âme pleine du sentiment du devoir accompli, c’est le caméraman amateur qui a pris en charge l’itinérant en détresse. Il l’a couvert d’un manteau et a tenté, en vain, de trouver du secours.

Le pire c’est qu’au même moment le SPVM tentait d’aguicher les journalistes en leur montrant combien ils prennent soin des itinérants dans les rues de Montréal.
Le spectacle, malheureusement pour eux, s’est bien mal terminé.

Le service de relations publiques du SPVM a beau être très efficace. Il a toutefois bien du mal à cacher ce qui est avant tout une culture de la brutalité et de l’impunité. Ce n’est pas la première fois que les services de police mentent sciemment à la population. L’assassinat du jeune Villanueva (2008) en témoigne, tout comme l’infiltration policière démasquée lors du Sommet de Montebello (2007) ou les mensonges entourant le G20 de Toronto (2010).

Ce spectacle est désolant, pitoyable, à vomir ! Et il faudra beaucoup plus que quelques larbins en service commandé pour transfigurer autant d’inhumanité en code d’honneur.

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