Étés chauds et violence armée

Partout autour de nous, la nouvelle saison s’annonce. Les stations Bixi réapparaissent, les bars et les restaurants ouvrent leurs terrasses… et les prévisions d’un « été chaud », marqué par la violence armée, circulent dans les médias.

Pour un troisième printemps d’affilée, on nous avertit d’une flambée de violence à venir. Si l’ampleur du problème a souvent été exagérée par la police et les médias, certains types de violence ont bel et bien augmenté et déjà coûté trop de vies.

Il est donc utile de se demander ce qu’on a fait pour prévenir cette violence.
Neuf fois plus d’argent pour la police que le communautaire

Depuis maintenant trois ans, la discussion autour de la violence armée a porté presque exclusivement sur la police et, en particulier, sur les effectifs requis pour contrer cette violence.

Divers chiffres ont été avancés. En 2021, la Fraternité des policiers et Denis Coderre ont affirmé qu’il fallait ajouter 250 agents supplémentaires. La même année, la Coalition avenir Québec et Projet Montréal ont annoncé qu’ils financeraient l’embauche de 450 agents supplémentaires pour lutter contre la violence armée. Enfin, le mois dernier, le directeur du SPVM Fady Dagher a fait passer la cible à 700 policiers.

En marge de cette discussion, une voix importante s’est fait entendre, celle de la Coalition Pozé, qui réunit des groupes œuvrant auprès de jeunes marginalisé·es du nord-est de Montréal. Formée en 2021, la Coalition a présenté une modeste demande : pour chaque dollar supplémentaire investi dans les services de police, investir un dollar dans les programmes communautaires de prévention de la violence.

Une demande bien modeste, car des décennies de recherches démontrent qu’accroître le budget de la police n’entraîne pas de diminution de la violence. En revanche, des programmes communautaires bien conçus et adéquatement financés permettent une baisse considérable de la violence, jusqu’à 50 % en quelques années.

Nos élu·es du municipal et du provincial ont rencontré les membres de Pozé et des expert·es reconnu·es en prévention de la violence, comme Irvin Waller. Ils savent combien un investissement accru dans les programmes communautaires de prévention de la violence serait utile. Pourtant, ils n’ont pratiquement rien fait en ce sens.

Au palier provincial, la CAQ a inauguré un programme de 2 millions $ par année en 2022 afin de créer des espaces pour les jeunes à Montréal. Au palier municipal, Projet Montréal a injecté 2 millions $ dans un programme de prévention de la violence chez les jeunes en 2022, puis un autre 5 millions $ cette année, en plus de créer le nouveau programme Par et pour les jeunes, qui coûtera 3 millions $.

Faisons le calcul.

Depuis 2021, les investissements provinciaux et municipaux dans des programmes censés prévenir la violence chez les jeunes ont connu une hausse de 12 millions $. Pendant la même période, le budget du SPVM a grimpé de 108 millions $, la plus forte hausse à l’échelle du pays et une somme neuf fois plus importante que les nouvelles sommes consacrées au secteur communautaire.

Pour répondre à la modeste demande de Pozé, nous sommes loin du compte.
Où va vraiment l’argent?

Fait encore plus grave, seule une infime fraction des fonds provinciaux et municipaux serviront vraiment à prévenir la violence.

La gestion du principal programme de la Ville a été confiée aux arrondissements, qui distribuent généralement les fonds selon les politiques locales de favoritisme. L’essentiel est de faire plaisir à tout le monde. Des dizaines d’organismes ont donc reçu du financement pour des programmes qui amélioreront sans doute la vie des jeunes de ces quartiers, mais qui n’ont rien à voir avec la prévention de la violence.

Dans le même ordre d’idées, le nouveau programme Par et pour les jeunes appuiera 52 initiatives cette année. Il s’agit principalement de programmes sportifs et artistiques, source d’enrichissement et de mentorat pour les jeunes. Un excellent investissement, mais sans rapport direct avec la prévention de la violence.

En fait, il n’existe que quelques organismes montréalais qui possèdent une expertise en prévention de la violence et qui bâtissent constamment des relations avec les jeunes les plus vulnérables à la violence. Le Café-Jeunesse Multiculturel de Montréal-Nord et Équipe RDP, dans Rivière-des-Prairies, en sont les deux meilleurs exemples.

Ils méritent un soutien substantiel des gouvernements et leur modèle devrait être adopté par d’autres organismes, mais ce n’est pas le cas.

Il est impossible de savoir à l’avance si nous aurons un « été chaud ». Ce qui est certain et certainement tragique, c’est que trois années de panique face à la violence armée ont largement contribué à augmenter le financement d’opérations policières qui ne préviendront pas la violence, tout en n’apportant pratiquement rien aux organisations et aux programmes qui aident réellement a prévenir la violence et de protéger les jeunes les plus vulnérables.

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