Agressions: Val-d'Or n'est pas un cas isolé

Les cas d'agressions et d'abus sexuels sur des femmes autochtones par des personnes en situation d'autorité surviennent dans toutes les communautés. Les événements qui se seraient produits à Val-d'Or ne représentent pas un cas isolé. La différence est que cette fois, les victimes ont brisé le silence au lieu de demeurer emmurées dans la peur.

Ces propos résument la pensée de Lisette Petiquay, conseillère du développement des compétences et de la formation au Conseil des Atikamekw d'Opitciwan.

Mme Petiquay a longtemps agi comme directrice des services éducatifs de la réserve. Encore aujourd'hui, elle oeuvre auprès de jeunes filles et de femmes de sa communauté.

Lisette Petiquay a visionné le reportage d'Enquête, diffusé jeudi soir, avec sa famille. Tout au long de l'émission, elle avait la tristesse au coeur.

Les témoignages des femmes, qui affirment avoir été victimes d'abus de pouvoir, de viol et d'agressions sexuelles de la part de policiers de la Sûreté du Québec (SQ), lui ont rappelé des événements survenus à Opitciwan il y a six ans. Une dame a alors dénoncé des abus que lui aurait infligés une personne en situation d'autorité. Il ne s'agissait pas d'un policier.

«Tout au long du reportage, j'ai pensé à elle. Je peux comprendre la peur. C'est très difficile de dénoncer. Cette femme avait trouvé le courage de le faire, mais l'agresseur était un homme de pouvoir et toute une ''game politique'' a été mise en branle pour la discréditer. En fin de compte, ça s'est retourné contre elle et c'est l'agresseur qui est devenu la victime», explique Lisette Petiquay. L'année de la dénonciation, le chef d'Opitciwan, Jean-Pierre Matawa, a été destitué, pour ne pas avoir respecté le code électoral.

Bien que les témoignages des femmes autochtones de Val-d'Or aient profondément troublé Lisette Petiquay, leur sortie publique lui a donné une dose d'espoir.

«Au moins, elles ne se sont pas cachées. Elles ont fait preuve de beaucoup de courage et je leur lève mon chapeau. Ce qu'elles ont vécu, ça se passe partout, mais les gens vont tout faire pour que les femmes se taisent», dit-elle.

Selon Lisette Petiquay, «les communautés autochtones sont brisées et détruites depuis longtemps».

«Ce qu'on a vu dans le reportage, c'est vraiment la réalité. Les abus, la consommation, la prostitution. Beaucoup de choses se passent comme ça sans que personne n'en parle ou ne dénonce. C'est très difficile pour ces femmes qui ne sont jamais prises au sérieux.

Déjà, des gens les discréditent. Ça ne me surprend pas du tout. Comme l'a dit une des femmes qui a dénoncé, nous, les femmes autochtones, on se sent effacées. On ne compte pas», enchaîne-t-elle.

La conseillère du développement des compétences et de la formation à Opitciwan espère que le nouveau premier ministre du Canada, Justin Trudeau, honorera sa promesse de tenir une commission d'enquête sur le sort des femmes autochtones disparues.

«Il faut que ça cesse!»
«Je suis ébranlée. Préoccupée. Troublée».

Vice-chef aux relations extérieures du Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean, Marjolaine Étienne veut que la violence envers les femmes autochtones cesse. Celle qui porte également le chapeau de présidente du comité des femmes de Mashteuiatsh espère que les événements des 48 dernières heures mèneront à une prise de conscience collective, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur des communautés. La vice-chef met l'accent sur le mot «intérieur», parce que les abus et la violence envers les femmes surviennent trop souvent dans les limites de la réserve.

«Nous aussi il faut regarder cette situation-là. On incite les femmes à dénoncer. Il faut que ça cesse. Il faut vivre dans une société où les relations sont harmonieuses entre les Québécois et les populations autochtones. Les conditions de vie des femmes sont extrêmement dures. Elles vivent souvent dans la pauvreté et elles sont les piliers des familles. Il faut les soutenir», plaide Marjolaine Étienne, qui en appelle à la mise en place de mesures de soutien réelles. La vice-chef parle au nom de toutes ses consoeurs des Premières Nations, peu importe leur âge. Mais elle rappelle que les aînées, qui se trouvent souvent au coeur d'un cycle de violence, sont particulièrement vulnérables.

Témoignages

La communauté de Mashteuiatsh a été remuée par les témoignages de femmes autochtones de l'Abitibi. Elles ont allégué, jeudi, avoir subi des agressions et des abus de pouvoir de la part d'agents de la SQ. Marjolaine Étienne croit d'ailleurs qu'il est impératif de maintenir un corps policier autochtone sur la réserve.

Le directeur de la Sécurité publique de Mashteuiatsh, Simon Vanier, est du même avis.

«C'est un gros avantage d'avoir notre propre service de police, puisque les gens nous connaissent. C'est beaucoup plus facile d'établir le contact. Nous sommes mieux outillés (qu'un corps policier qui ne serait pas autochtone) parce que nous connaissons la réalité de la population que nous desservons. Nous pouvons offrir un service de proximité de meilleure qualité», a-t-il expliqué. Sur les 12 policiers de la Sécurité publique de Mashteuiatsh, seulement deux ne sont pas autochtones.

Onde de choc

Si les révélations de l'émission Enquête ont provoqué l'onde de choc partout au Québec, Marjolaine Étienne y voit aussi du positif et pense que les choses vont enfin changer.

«Il est important de croire ces femmes. Je les crois. Il ne faut plus que nos gouvernements attendent que des situations comme celle-là se reproduisent pour bouger. Nous, les autochtones, on est là, on est présents et on sera là encore demain», conclut l'élue du conseil de bande des Montagnais du Lac-Saint-Jean.

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Corp policier (SPVM, SQ, GRC, agent de la STM, etc): 

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