«Amendes discriminatoires» dans Saint-Roch

(Québec) Aujourd'hui, c'est Nancy, mais ça aurait pu être une des nombreuses autres marginales nées au centre-ville de la capitale. Vous savez, ces exclues que l'on croise sur les places publiques. Donc, aujourd'hui, c'est Nancy qui prend le porte-voix pour clamer sa crainte de se faire voler son quartier à coup de préjugés, d'opérations policières et d'amendes.

Nous connaissons Nancy. Il y a quelques années, nous l'avions rencontrée dans «son» quartier Saint-Roch. C'est encore là, assis sur les marches du parvis de l'église, que nous avons retrouvé la militante. Et puis? Elle maintient toujours que l'oppression policière est vive. «On est des êtres humains à part entière. On a mal dans l'âme, on n'a pas besoin d'avoir plus mal. [...] On est capable de vivre ensemble.»

Les natifs, ceux qui ont grandi sur place, qui vivent toujours au coeur de la cité, se sentent exclus, stigmatisés, explique-t-elle. Comme si on voulait les repousser. Les agents feraient des contrôles d'identité réguliers, distribueraient des «amendes discriminatoires» à ceux qui détonnent. Des exemples? Un marginal pourrait écoper pour flânage, pour avoir dormi sur un banc, avoir traversé la rue au feu rouge ou parce qu'il a quémandé quelques pièces.

Vrai que certains dépassent parfois les bornes, convient Nancy. Il restera toujours des cas qui relèvent des policiers. Elle juge néanmoins que les forces de l'ordre font montre de bien trop de zèle.

«Il y a beaucoup de tensions dans le quartier», acquiesce une intervenante en judiciarisation de la Ligue des droits et libertés, Françoise Laforce. «Avec le processus de revitalisation en cours, c'est comme si les personnes marginalisées nuisent à l'image du quartier, plus huppée. [...] On veut promouvoir une vision inclusive du centre-ville.»

Problème connu

La problématique est connue et documentée. En 2009, les élus de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale avaient d'ailleurs recommandé au gouvernement québécois d'adopter une politique visant l'élimination d'une bonne part des constats d'infraction remis aux marginaux, aux itinérants.

Fin 2011, Le Soleil avait mis la main sur un rapport qui soutenait que les mal-logés de Québec cumulent des dettes de plusieurs milliers de dollars en amendes impayées; dans les dossiers les plus pathétiques, il était question de dettes de plusieurs dizaines de milliers de dollars en contraventions. Coauteure de la recherche, la professeure de l'École de service social de l'Université de Montréal, Céline Bellot, constatait que dans la rue, les plus jeunes doivent chacun en moyenne 4000 $.

Sa collègue Marie-Ève Sylvestre, professeure de droit à l'Université d'Ottawa, observait que la répression des itinérants et autres marginaux par les policiers de la capitale est en croissance depuis 10 ans. Un «nettoyage» de l'espace public qui culminerait, année après année, durant la saison touristique, selon les deux universitaires.

«Ce ne sont pas des choses qui sont réglées», regrette Françoise Laforce, de la Ligue des droits et libertés. «Et c'est plus présent l'été.»

Pour rapprocher les solitudes, la Ligue des droits et libertés convie résidants, groupes communautaires et commerçants à la troisième édition du Forum sur le parvis, mercredi, devant l'église Saint-Roch de la basse ville. Une vingtaine de groupes communautaires participeront à l'événement, entre 11h et 16h. Outre les différents kiosques, on pourra y entendre des témoignages, assister à des pièces de théâtre de rue dénonçant la stigmatisation, à des spectacles musicaux, déguster un repas communautaire... En cas de pluie, l'événement est remis au lendemain.

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