Brutalité policière ? Où ça ?

A-t-on un problème de violence au Québec ?

PolitiqueJe ne parle pas de Pierre Karl Péladeau et de ses sursauts de colère passion qui l’amènent à parler dans le «casse» passionnément à ses collègues, même si j’ai hâte de lire son plan «Souveraineté 2020 : intimider le Québec vers son indépendance».

Non, je parle plutôt des policiers. Ceux du SPVM, mais pas qu’eux.

À l’heure qu’il est, vous avez sans doute vu cette vidéo où un manifestant a l’étrange idée de fracasser à trois reprises son visage contre le poing d’un officier de la paix. Bien qu’on souhaite le plus prompt des rétablissements au poing meurtri du policier, on s’interroge.

A-t-on un problème de brutalité policière au Québec ? La réponse dépend d’à qui vous posez la question.

D’un côté, il y a ceux qui disent oui, ajoutant qu’on s’acharne sur certaines causes sociales ou certains types de manifestants.

De l’autre côté, il y a ceux qui disent également oui, mais en précisant que le problème, c’est que les policiers ne tapent pas assez fort.

Pour eux, la manifestation est en elle-même un endroit dangereux. Si on y va quand même, c’est bien notre faute si on se sent comme un steak qu’on attendrit à coup de matraque, du poivre dans les yeux pour l’assaisonnement.

Si la police est intervenue, se disent-ils, c’est que la manifestation dérapait. Or, ces temps-ci, on disperse souvent les manifestants simplement parce qu’ils ne donnent pas leur trajet, un délit assez mineur quand on y pense. Si on sort la matraque pour ça, il faudra bientôt sortir les bazookas pour faire arrêter un vol de dépanneur.

Mais revenons au cas du jeune délinquant qui s’amuse à projeter son joli minois contre les jointures de la loi et l’ordre.

Si on se fie à cette vidéo, la police avait affaire à un dangereux assoyeur par terre, toujours prompt à propulser violemment son derrière sur le sol en faisant des signes de «peace» avec les doigts.

Xavier Amodeo, puisque c’est le nom du jeune homme, avait-il couru après le trouble ? Je l’accorde volontiers : sur la vidéo, monsieur Amodeo a l’air d’un maudit fatigant qui cherche l’attention et qui veut absolument que les policiers le voient ne pas être dangereux.

Cela dit, s’il fallait envoyer des crochets du droit à toutes les personnes en manque d’attention (comme ceux qui font du «vaguebooking» sur Facebook), on ne s’en sortirait plus. Ça nous ferait tous du bien, mais on ne s’en sortirait plus.

Qu’il soit fatigant ou pas, Amodeo, ce n’est clairement pas une raison pour le tapocher.

Nous sommes dans un monde qui perd ses repères. L’Alberta vote NPD et Jean-Marc Fournier donne des leçons de classe à PKP. On comprend le grand public de ne plus savoir ce qui est bien ou mal, mais on s’attend de nos policiers qu’ils soient capables de ne pas perdre la tête parce qu’un petit énervé a joué avec leur patience.

* * *

Je ne sais pas pour vous, mais des vidéos du genre, j’en ai vu passer une quantité affolante depuis trois ans.

Elles sont toujours pareilles. On dirait qu’elles ont été filmées par un épileptique en pleine crise ; elles ne montrent que le bout le plus croustillant ; la police y a toujours l’air d’un enfant bien trop heureux de pouvoir se servir de ses jouets. Un enfant en armure. Avec une matraque dans les mains.

Ces vidéos sont toutes pareilles, et elles engendrent aussi toujours la même réaction de la part des autorités : aucune.

Quand on parle de la police et de sa capacité à trouver que l’un de ses membres a agi en cabochon, je l’avoue : je suis de ceux qui ont complètement perdu confiance.

Il avait fallu pas moins de deux vidéos, un enregistrement audio et un dérapage en règle documenté par les médias pour qu’on s’occupe finalement de Matricule 728. «Oh, vous l’avez tous vue ? Bon, ben OK, d’abord : on va faire quelque chose», imaginait-on se dire les policiers.

Rappelons au passage que madame 728 est toujours à l’emploi du SPVM et qu’elle est suspendue avec solde en attendant son procès, prévu en juin 2016. Ça semble loin, mais la procédure est quand même plus rapide que les 10 années qu’il a fallu pour que le Comité de déontologie policière sanctionne les policiers du SPVM dans l’affaire Anne-Marie Péladeau.

Et parlant sanctions : qu’arrive-t-il quand un policier de la Sûreté du Québec entre dans une urgence, «fait un usage illégal de la force» et plaque «brutalement» un médecin au mur pour le menotter, alors qu’il n’avait pas respecté «l’autorité de la loi et des tribunaux et n’avait pas collaboré à l’administration de la justice» (façon polie de dire que le policier avait autant de raisons de procéder à une arrestation, ce soir-là, qu’il en aurait eu de faire un numéro de claquettes impromptu) ?

Pour cette «ignorance inacceptable des règles», le Comité de déontologie a imposé une suspension sans solde de, tenez-vous bien : cinq jours.

Cinq jours sans travailler, ou, comme on appelle ça par chez moi, «une longue fin de semaine de congé».

Alors quand on me dit que le SPVM va enquêter sur la vidéo où on voit Xavier Amodeo se faire donner des coups de poing — une enquête qui devrait normalement prendre à peu près autant de temps qu’il en faut pour regarder la vidéo et voir que ça n’a pas de bon sens —, je ne peux m’empêcher de penser que sa conclusion va être : «Moué, j’aurais donné quatre ou cinq coups de plus, el’gros».

En fin de compte, on le sait déjà pour l’avoir déjà vécu 1 000 fois : le SPVM va nier fermement tout problème de brutalité policière dans ses rangs. «On a plutôt un problème de caméras, expliquera-t-il. Tout ce monde qui nous filme quand on dérape, ça “gosse”.»

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Corp policier (SPVM, SQ, GRC, agent de la STM, etc): 

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