Des policiers sous surveillance citoyenne

L'arrivée des téléphones intelligents, avec lesquels il est possible de prendre des photographies et des vidéos, a changé le travail des policiers. Une nouvelle étude menée auprès d'agents d'Ottawa et de Toronto révèle que la moitié d'entre eux, en terminant leur journée de travail, craignent de devenir une vedette des médias sociaux ou de faire la une des journaux.

Selon l'étude de Gregory Brown, un ancien policier devenu professeur à l'Université Carleton, la presque totalité (94 %) des 231 répondants disent avoir été filmés avec un téléphone cellulaire durant une intervention.

Un sur deux (50,6 %) soutient être constamment conscient de cette possibilité, au travail comme dans la sphère publique.

Aussi, presque les trois quarts (73,6 %) des policiers interrogés soutiennent avoir modifié leurs comportements lorsqu'il sont en devoir, sachant que les citoyens ont la capacité de les observer et de les filmer.

En raison de cette surveillance citoyenne, plus de la moitié (55 %) des agents ont déclaré avoir recours à la force moins souvent ou avoir réduit l'intensité de la force utilisée.

Si certains se réjouissent de cette situation, les formateurs et les syndicats de leur côté s'inquiètent pour la sécurité des policiers.

« Est-ce qu'un policier sera blessé parce qu'il aura hésité à poser un geste qu'il a le droit de faire, et qu'il devrait faire, sachant que quelqu'un le filme », illustre George Brown.

Cette nouvelle réalité peut avoir des aspects positifs, selon la professeure de sociologie de l'Université d'Ottawa, Diane Pacom.

Par exemple, lors des manifestations étudiantes du printemps 2012, des policiers ont pu faire l'objet d'enquêtes parce que des gens les avaient filmés.

« Ce "vigilantisme", qui n'est pas nécessairement toujours programmé ou orchestré, se fait des fois au hasard, permet de capter la réalité sans quelle soit enjolivée ou emballé d'un discours idéologique. Voilà ce que vous voyez. Et c'est sûr que les réactions sont immenses, parce qu'on n'a pas l'habitude d'avoir ce regard-là sur les événements », souligne-t-elle.

Certains citoyens vont jusqu'à vivre la nuit pour suivre le travail des policiers, téléphone cellulaire en main.

Stéphane Beaudoin est caméraman de nuit pour Radio-Canada depuis près de vingt ans et couvre les faits divers de la région. Il a constaté que les gens sont de plus en plus nombreux et curieux.

« On peut arriver sur des scènes, des accidents ou des incendies, où il y a 10-15-20 téléphones cellulaires en train de prendre des photos ou du vidéo. Même que des fois, c'est encore plus rapide que nous autres. Les gens les mettent sur Internet », rapporte-t-il.

Le phénomène ne surprend pas Diane Pacom qui estime qu'il s'agit de « réflexes sociaux ».

« C'est intégré dans nos existences. C'est une extension de leurs yeux, de leur cerveau, de leur identité, d'avoir cet objet à leur portée où ils peuvent immortaliser des choses 24 heures sur 24 », souligne-t-elle.

Par ailleurs, le chef de police d'Ottawa, Charles Bordeleau, estime que les agents devraient demeurer professionnels, avec ou sans caméra. « J'ai confiance dans l'ouvrage qu'ils font. J'ai confiance dans la formation qu'en leur donne. Moi, je n'ai pas d'inquiétudes qu'ils se font filmer », soutient-il.

Pour éviter d'être à la merci des médias sociaux, certains policiers souhaiteraient filmer eux-mêmes leurs interventions, comme cela se fait dans certains états américains. Une idée à laquelle le chef Bordeleau réfléchit.

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