Disparus au Mexique: les manifestants ne décolèrent pas

Des milliers de manifestants ont défilé mercredi à Mexico pour exiger du gouvernement que soient retrouvés les 43 étudiants disparus depuis 40 jours dans l'État du Guerrero, après l'arrestation des deux présumés instigateurs de leur enlèvement.

Menés par les parents, les proches et les compagnons des élèves-enseignants disparus, les manifestants de tête portaient leurs portraits géants tandis que retentissait au centre de la capitale mexicaine le même cri inlassablement répété: «Vivants ils ont été pris, vivants nous les voulons!».

Cette affaire ne cesse de provoquer l'indignation au Mexique et dans le monde et prend la tournure d'une crise de confiance envers le gouvernement du président Enrique Pena Nieto.

Après un mois de cavale, Jose Luis Abarca, l'ex-maire de la ville d'Iguala et son épouse Maria de Los Angeles Pineda ont été arrêtés mardi dans une modeste maison d'un quartier populaire de l'est de Mexico.

Cette arrestation, ont assuré les autorités, devrait permettre l'émergence de nouvelles pistes permettant de retrouver la trace des jeunes.

Les recherches tous azimuts menées depuis des semaines par des milliers de membres des forces de sécurité, appuyés de drones et d'embarcations, dans les villages, montagnes et rivières de l'État du Guerrero sont restées infructueuses.

Les manifestants, ont estimé que cette arrestation ne suffit pas.

«La colère provoquée par la disparition des 43 étudiants n'a pas pris fin avec l'arrestation d'Abarca», a dit Bardomiano Martinez, sous-directeur de l'école normale rurale d'Ayotzinapa, un bastion de la gauche radicale, dont sont issus tous les disparus.

«C'est ce que nous voulons montrer au gouvernement avec cette manifestation. Nous allons nous mobiliser jusqu'à leur retour vivants», a-t-il dit.

La trace des étudiants de l'école d'Ayotzinapa a été perdue le 26 septembre quand des policiers municipaux et des membres du groupe criminel des Guerreros Unidos ont attaqué avec des armes à feu des autocars dont les élèves-enseignants s'étaient emparés pour, selon leurs dires, recueillir des fonds.

L'attaque a également fait six morts et 25 blessés.

Depuis, une dizaine de fosses clandestines contenant au moins 38 corps non identifiés ont été mises au jour dans la région, faisant craindre le pire quant à l'épilogue de cette affaire mystérieuse.

Mais malgré ces macabres découvertes, les proches de disparus veulent encore croire qu'ils sont vivants.

Et M. Peña Nieto a déclaré espérer que l'arrestation mardi du «couple impérial», comme ils sont baptisés dans leur ville de 140 000 habitants, puisse enfin permettre de faire la lumière sur ce dossier «de façon définitive».

Le maire d'Iguala et son épouse sont accusés d'avoir ordonné l'attaque du 26 septembre pour empêcher que les élèves-enseignants ne viennent perturber une cérémonie publique dirigée par Mme Pineda en tant que responsable de l'organisation locale de protection de l'enfance.

Mme Pineda est la soeur de trois trafiquants de drogue notoires, et est considérée par les autorités judiciaires comme le principal représentant des Guerreros Unidos à la mairie d'Iguala.

Morts ou vifs?

Le nouveau gouverneur du Guerrero, Rogelio Ortega, a estimé mercredi sur la chaîne Televisa que cette arrestation avait permis de mettre la main sur la «pièce manquante du puzzle».

Selon lui, des témoins ont affirmé que les étudiants avaient été déplacés vers la localité de Teloloapan, à l'ouest d'Iguala, puis vers Cuetzala, avant d'être divisés en plusieurs groupes.

«Ce sont des indices, des commentaires qui génèrent et alimentent la foi et l'espoir», a-t-il ajouté.

Ils «les cachent, les déplacent, échappent aux recherches», a poursuivi M. Ortega, reconnaissant toutefois qu'il y avait «une incertitude» sur le sort des disparus.

Pour Alejandro Hope, spécialiste en sécurité et ancien membre des services de renseignement, le plus probable est que les jeunes aient été abattus.

«Pourquoi retiendraient-ils pendant 40 jours 43 personnes sans demander de rançon? Quel sens cela aurait-il?», a-t-il déclaré à l'AFP, estimant que maintenir l'hypothèse que les étudiants sont toujours en vie est une stratégie de M. Ortega pour que «les protestations diminuent».

Des enlèvements récents ont trouvé une issue tragique. En 2013, 13 jeunes enlevés en plein jour à la sortie d'un bar de la capitale avaient été retrouvés dans une fosse commune trois mois plus tard.

Et la semaine dernière, les corps de trois frères et soeur américains d'origine mexicaine ont été découverts dans l'État de Tamaulipas, frontalier des États-Unis, 15 jours après leur enlèvement.

Pour autant, la mobilisation ne faiblit pas. Après les manifestations de mercredi trois jours de grèves et de mobilisation sont prévus, en particulier dans les universités, pour exiger que la lumière soit faite dans cette affaire.

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