Drame au Testet : un mort. Premier récit

Plus de cinq mille personnes étaient présentes ce week-end au Testet, dans le Tarn, pour s’opposer à la construction du barrage de Sivens. Alors que le rassemblement était festif et joyeux, une personne est morte dans les affrontements qui ont opposé des opposants radicaux aux forces de police, dans la nuit de samedi à dimanche.

Tout avait pourtant bien commencé samedi 25 octobre. Malgré les difficultés, l’organisation était parée à gérer l’arrivée du flux de manifestants sur le site de la zone humide du Testet, où les autorités veulent construire un barrage. L’ambiance est chaleureuse, bon enfant, les familles sont là, beaucoup sont venus pour la première fois. La présence de Jean-Luc Mélenchon et José Bové crée un léger chahut, certains y voyant là une tentative de récupération là où les intéressés déclarent « apporter leur soutien plein et entier dans cette lutte d’importance » déclare à Reporterre M. Mélenchon. Au fil des heures, l’affluence grandit.

Tandis que d’un côté on explique l’histoire de la lutte, ou anime des ateliers clowns, de l’autre une marche menée par les moutons et les éleveurs traversent la zone, sorte de commémoration de la zone humide désormais détruite.

Le spectacle est désolant ; Sur plus d’un kilomètre, un espace détruit, tandis qu’au bout, à l’emplacement de la digue, le terrassement a commencé.

Arrivé à l’extrémité de la zone, les forces de police sont là. La destruction la veille au soir d’un local technique les a ramenés sur le site, alors qu’au départ elles ne devaient pas être présentes. Une dizaine de camions sont ainsi parqués dans une plateforme entourée d’une douve, à l’écart, et protégés par des barbelés.

A 17 h, samedi, premiers affrontements

Vers 17 heures, la pression monte. Plusieurs dizaines de personnes habillées de noir et parées pour l’affrontement affluent tandis que le public retourne à l’autre extrémité, là où se trouvent les chapiteaux, près de la ferme de la Métairie Neuve. Ils tentent, expliquent quelques-uns, de profiter de l’affluence pour tenter de repousser les forces de police.

Les informations contradictoire circulent, entre un appel à venir soutenir pacifiquement cette action, ou au contraire dénonçant le non respect des décisions collectives de ne pas provoquer la police. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas longtemps avant que les renforts de police n’arrivent sur place et ce sont plus de trente camions qui se massent à l’entrée de la D999, zone d’accès au chantier.

On entend bientôt les premières détonations, les lacrymogènes puis les grenades assourdissantes. Tandis que l’affrontement se poursuit à une extrémité de la digue, des clowns-arbres arrivent pour calmer la tension. Les manifestants, bigarrés et joyeux forment une chaîne humaine juste devant le cordon policier. La situation se calme pendant une demi heure mais la tension remonte d’un cran avec la volonté de la chaine humaine pacifique d’avancer et de se rapprocher du cordon.

Nous quittons alors la zone, pensant que la situation se calmerait avec l’arrivée de la soirée. Et effectivement, l’arrivée du repas et des concerts de la soirée calme le jeu. Mais les forces policières ne partent toujours pas.

La reprise des combats durant la nuit

C’est après une heure du matin que reprennent les combats, cette fois sans caméra ni public extérieur. Vers 2 heures du matin, les CRS procèdent à une forte charge, avec gazage massif, tirs incontrôlés de projectiles. C’est juste avant cette charge qu’une des personnes présente remarque que son voisin est tombé par terre. Après la charge, les opposants tentent de venir le récupérer. Mais, dans un nouvel assaut, ce sont les policiers qui viennent récupérer le corps et le traînent jusque dans leur zone à l’arrière.

La suite est plus confuse, puisque nous ne disposons pour l’heure que d’un communiqué très succinct de la Préfecture du Tarn, envoyé ce matin aux rédactions :
« Vers 2 heures du matin, le corps d’un homme a été découvert par les gendarmes sur le site de Sivens. Les sapeurs-pompiers sont intervenus rapidement mais n’ont pu que constater le décès de la victime. Une enquête a été ouverte sous l’autorité du procureur d’Albi afin de déterminer les causes du décès et l’identité de la victime ».
Les forces de police se retireront finalement en début de matinée.

Interrogé par l’AFP, le lieutenant-colonel Sylvain Renier, commandant du groupement de gendarmerie du Tarn, n’a pas voulu faire de commentaire sur le décès. M. Renier, qui gérait sur place les opérations de gendarmerie lors des échauffourées de samedi soir, a simplement indiqué que le calme était revenu "vers 21 heures". Il a indiqué que sept membres des forces de l’ordre avaient été blessés mais que les pompiers ne lui avaient pas signalé dans la soirée de blessé dans le camp adverse.

Des traces de sang

Sur place, de nombreux opposants sont sous le choc, partagés entre la colère et la tristesse. En conférence de presse ce midi, ils délivraient les premières informations certifiées à leur disposition : « Selon les premiers éléments que nous avons recueillis, la mort a eu lieu dans le contexte d’affrontements avec les gendarmes. Nous ne disons pas que les forces de l’ordre ont tué un opposant mais un témoin nous a dit que le décès s’était passé au moment d’affrontements », indique Ben Lefetey, porte-parole du collectif Sauvegarde de la zone humide du Testet. Le jeune décédé serait âgé d’environ trente ans et s’appellerait Rémi.

Nous apprenions également peu après que des traces de sang ont été découvertes ce matin à l’endroit où la personne est tombée cette nuit, ce qui écarte a priori l’hypothèse d’une crise cardiaque.

Quel que soit son affiliation politique, ce serait le premier mort dans une lutte écologiste en France depuis la manifestation de Creys-Malville de 1977.

Afin de faire toute la lumière sur ce tragique évènement, les opposants ont indiqué : qu’ils allaient « mener l’enquête et coopérer avec les enquêteurs », mais ont surtout exhorter la Préfecture du Tarn et le Conseil Général de ne pas faire revenir de forces de police sur place et de ne pas renvoyer les machines de chantier dès le lendemain. On ignore à cette heure ce qu’il en sera, la Préfecture restant injoignable ce dimanche.

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