(La Presse) Un sans-abri et un passant tués lors d’une intervention policière

Comme chaque matin depuis plusieurs années, Patrick Limoges s’est rendu à l’hôpital Saint-Luc, où il travaille comme employé à la ventilation. La routine s’est transformée en drame, hier, lorsque l’homme de 36 ans a été atteint d’une balle perdue tirée par un agent du Service de police de la Ville de Montréal. Un sans-abri, Mario Hamel, 40 ans, a également perdu la vie dans la fusillade.
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Tout aurait débuté vers 6h40, lorsque M. Hamel, armé d’un couteau a été aperçu rue Sainte-Catherine en train d’éventrer des sacs à ordures devant plusieurs commerces. Il aurait également été vu en train de commetre des méfaits sur des véhicules et du vandalisme dans la rue. Un cycliste a raconté au chroniqueur judiciaire Claude Poirier avoir interpellé l’homme, qui l’a alors menacé. Le cycliste a aussitôt alerté les autorités.
Les choses ont vite dégénéré à l’arrivée des policiers, dont le poste de quartier se trouve tout près, rue Sainte-Élisabeth. Ils auraient tenté de raisonner l’homme, en vain. Le suspect, Mario Hamel, était «connu» des policiers, a indiqué la Sûreté du Québec (SQ), qui a hérité de l’enquête par souci de transparence. Les policiers impliqués connaissait l’homme par son nom, a indiqué une source proche du dossier.
Selon nos informations, trois policiers ont ouvert le feu dans la direction de M. Hamel, qui se trouvait alors rue Saint-Denis, à l’angle de la rue Christin. L’individu s’est écroulé, vraisemblablement atteint à la tête. Au même moment, à une vingtaine de mètres de là, de l’autre côté de la rue, l’autre victime s’est effondrée. Au total, une dizaine de balles auraient été tirées, a appris La Presse.
Devant l’hôpital Saint-Luc (où M. Hamel a été transporté) hier soir, un membre du personnel qui travaille aux soins intensifs a affirmé que M. Hamel avait été atteint de plusieurs projectiles. «Il n’était pas réanimable», a-t-il affirmé. «Il avait des balles partout dans le corps. C’était assez épouvantable.»
L’affaire a engendré une véritable onde de choc chez les employés de l’hôpital Saint-Luc, qui ont décrit Patrick Limoges comme un homme poli, réservé et profesionnel. Afin de lui rendre homage, ses collègues ont affiché une photographie de lui devant son local de travail.
«Je l’ai côtoyé lorsque je travaillait comme représentant syndical. C’était un vrai bon gars, souriant, toujours à son affaire», a affirmé Jean. «Nous sommes tous perturbés parce que ça aurait pu être n’importe quel d’entre nous.»
«On passe par ce chemin là tous les jours pour aller au métro ou aller manger», a renchéri une collègue, Francine. «Patrick c’était une perle, c’est rare que l’on dit cela d’un employé de nos jours.»
Une armée d’enquêteurs de la SQ a débarqué sur les lieux en matinée, et plusieurs rues ont été fermées jusqu’en fin de journée. Le SPVM a aussi dépêché des effectifs pour prêter main-forte à la SQ.
Les enquêteurs devront déterminer d’où provenait la balle qui a atteint le passant. L’autopsie et l’analyse balistique devraient permettre de savoir si elle a traversé le sans-abris, passé à côté de lui, ou encore si elle a fait un ricochet. Un cycliste aurait également été témoin de la scène, puisqu’un BIXI se trouvait en plein coeur de la scène policière, à côté d’une mare de sang.
La SQ est donc à reconstituer l’affaire, dans laquelle quatre policiers montréalais ont aussi été traités pour un choc nerveux. À 18 h hier, trois d’entre eux avaient obtenu leur congé de l’hôpital.
Le corps policier provincial était avare de précisions hier. Le sergent Claude Denis, a toutefois confirmé que la victime se trouvait «par hasard» sur les lieux et qu’elle a été atteinte «d’au moins un projectile».
«Il était dément»
Peu de temps après l’incident, les goélands s’en donnaient à coeur joie dans les déchets éparpillés sur un tronçon important de la rue Sainte-Catherine. C’est là que le suspect aurait éventré des sacs à ordures avant de se faire abattre. Selon plusieurs témoins, Mario Hamel habitait à l’Accueil Bonneau, un refuge pour sans-abri du quartier, où il était bien connu. «Depuis quelques semaines, il était dément. Il disait que sa mère voulait le vendre contre de la bouffe à chats. Il avait disjoncté», raconte Patrick, qui a connu l’homme.
Tout juste avant le drame, M. Hamel aurait tenté d’emprunter le camion de l’ami de Patrick pour rendre visite à ses trois enfants. «Mon ami a refusé parce que Mario n’avait pas de permis», explique Patrick. Le suspect aurait alors explosé, avant de crever un pneu du camion et de pourchasser son propriétaire avec son couteau militaire. «Il m’a montré son couteau il y a un mois. La lame d’environ 12 pouces coupait comme un rasoir», précise Patrick. Ce dernier ne comprend pas pourquoi le suspect, d’ordinaire pacifique, a ainsi perdu la raison. «Je crois qu’il avait cessé de prendre ses médicaments», avance Patrick.
Sa copine Kelly a vu Mario déambuler dans la rue la veille du drame. «Il semblait bizarre et parlait tout seul. Je lui ai dit bonjour et il ne m’a même pas remarquée», a-t-elle dit.
En bordure de la rue Sainte-Catherine, les policiers ont fait le tour des cafés en quête de témoins. La rue Saint-Denis, qui avait été fermée à la circulation entre la rue Sainte-Catherine et le boulevard René-Lévesque, et la rue Sainte-Catherine, fermée entre les rues Saint-Denis et Sainte-Élisabeth, ont été rouvertes en fin de journée.
Cette affaire a également fait réagir le chef de la police de Montréal, Marc Parent. «Aujourd’hui est un moment éprouvant pour les citoyens de Montréal, ses policiers et l’ensemble des employés du Service de police de la Ville de Montréal. Le SPVM est sensible au fait qu’à chaque fois qu’il y a mort d’homme, c’est une situation difficile. Toutefois, ce qui rend l’événement survenu ce matin au centre-ville exceptionnel est le fait qu’une des personnes atteintes par un projectile d’arme à feu n’était aucunement impliquée dans l’intervention policière», a-t-il déclaré dans un communiqué diffusé en fin de soirée.
- Avec La Presse Canadienne
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Police et arme de service
L’incident d’hier porte à huit le nombre de fois que des policiers ont eu recours à leur arme de service au Québec en 2011, dont quatre dans la même semaine au mois de mars. Ces incidents (quatre à Montréal, un à Laval, un à Terrebonne, un à Saint-Rémi et un à Amos) se sont soldés jusqu’à maintenant par la mort de quatre hommes.

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