Le Taser n'est pas la solution

Olivier Farmer

Psychiatre au CHUM.

Quel dommage, dans l'article concernant les recommandations du Dr Brochu à la suite de la mort de Farshad Mohammadi, de n'avoir retenu que la dernière des quatre recommandations du coroner, soit l'expansion de l'usage des pistolets à impulsions électriques. Les trois autres, qui sont simplement nommés sans discussion à la fin de l'article, étaient peut-être trop banals pour faire manchette.

L'ajout d'armes intermédiaires offrira certes une alternative intéressante à l'usage de la force létale en cas de dernier recours. Elle ne permettra cependant que de sauver une poignée de personnes par année. La mort par balle tirée par des policiers est une infime portion de la mortalité associée à l'itinérance et aux problèmes de santé mentale. Bien plus de personnes itinérantes meurent par exposition au froid, par intoxication mortelle ou par suicide, pour ne citer que quelques causes.

Les efforts du SPVM

Beaucoup de travail a été fait par le Service de la police de la Ville de Montréal (SPVM) pour améliorer le niveau de formation des policiers sur le terrain en matière d'intervention pour les personnes en crise. Une institution souvent perçue comme très insulaire, le SPVM n'a pas hésité à chercher l'expertise extérieure de psychiatres et de professionnels de la santé du réseau pour les aider à monter un programme de formation spécifique à l'intervention de crise.

Plus d'une centaine de policiers, appelés à être une référence auprès de leurs pairs, auraient été formés jusqu'à présent. Par ailleurs, la collaboration entre les policiers et les intervenants psychosociaux a continué de se développer avec l'expansion du programme EMRII (suivi de personnes en situation d'itinérance, avec problèmes judiciaires, aux prises avec des problèmes de santé mentale) et le développement du programme ESUP (patrouille mixte composée d'un policier et d'un intervenant psychosocial pour l'intervention auprès des personnes en crise).

Le projet Chez Soi

Nous en savons beaucoup plus aujourd'hui sur les interventions efficaces en matière d'itinérance et de santé mentale que lors du décès de Farshad Mohammadi. Les résultats de recherche du projet Chez Soi ont démontré l'efficacité et l'efficience en terme de coûts d'une intervention structurée comprenant la subvention au logement, le support psychosocial et l'accès à un traitement psychiatrique.

Il faut se rappeler que la recherche dans plusieurs villes canadiennes concorde pour évaluer le coût moyen de maintenir une personne en situation d'itinérance s'étend de 50 000 à 60 000$ par année, dont une bonne partie est liée à des interventions policières, des séjours en prison, des transports à l'hôpital ainsi que des hospitalisations qui s'avèrent pour la plupart futiles et sans effet sur la qualité de vie de la personne en situation d'itinérance.

Même l'intervention la plus intensive et coûteuse du projet Chez Soi (une équipe de suivi intensif dans la communauté associée à une subvention au logement et le support d'une équipe logement) s'avère être à coût nul ou presque pour le contribuable, pour un résultat nettement plus convaincant, soit le séjour stable dans un appartement autonome.

Le programme PRISM, une collaboration entre le CHUM et la mission Old Brewery, qui a fait l'objet de reportages dans La Presse, est un autre exemple de pratique innovante qui permet, à un coût très faible, de dépister et évaluer des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale qui fréquentent le refuge, et de planifier leur sortie de l'itinérance.

Nous avons en main des méthodes efficaces et éprouvées pour permettre la sortie d'itinérance de nos concitoyens prisonniers de cette situation. Avec des moyens adéquats, nous pourrions très rapidement aider des centaines de personnes à changer leurs circonstances de vie de façon radicale, et ainsi changer le visage du centre-ville de Montréal.

Qu'attendons-nous?

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