Les «pantalons de clowns» des policiers sont là pour rester

Le tollé causé par les policiers aux «pantalons de clowns» lors des funérailles de l’ex-premier ministre Jacques Parizeau résulte d’un manque total de communication entre la direction de la police de Montréal et ses syndiqués, symptomatique d’un climat de travail pourri.

«Ç’a été une comédie d’erreurs», a déclaré le président de la Fraternité des policiers et policières de la Ville de Montréal, Yves Francœur, en acceptant pour la première fois de commenter l’incident du 9 juin en entrevue au Journal, hier.

Si les policiers n’ont pas mis en veilleuse leur moyen de pression ce jour-là, c’est que «personne à la direction du service de police n’a pensé de nous le demander», a dit M. Francoeur.

«Ça n’a aucun sens dans un service de police qui gère 4600 policiers, 125 officiers cadres et un budget de 700 millions $. Comme leader syndical, ce n’est pas à moi d’appeler la direction pour leur demander», a-t-il plaidé.

Le moral «à son plus bas»
Les policiers du SPVM sont démotivés et leur moral est à son plus bas, selon le président de la Fraternité des policiers, Yves Francœur.
Photo d'archives

«On n’a pas l’intention d’abandonner ce moyen de pression pour l’instant, mais on est toujours prêt à négocier», a mentionné Yves Francœur, au sujet des pantalons colorés que ses membres portent depuis un an pour protester contre certaines mesures du gouvernement Couillard et de la Ville.

Yves Francœur, qui dirige la Fraternité depuis 2005, soutient que «le moral des troupes est actuellement à son plus bas» et que «la démotivation est grande».

Il estime d’ailleurs que «la priorité numéro un» du futur successeur de Marc Parent à la tête du SPVM – qui devrait être nommé d’ici quelques semaines – «sera de rétablir le climat de travail». «C’est difficile d’être optimiste. Le maire devra s’en mêler», a-t-il ajouté.

«Injuste»

Le dirigeant syndical a rappelé que pour ses membres, la loi 15 sur les régimes de retraite se traduira par des hausses de cotisations annuelles de «4000 à 5000 $». «C’est une loi injuste et on la conteste devant les tribunaux.»

De plus, leur convention collective est échue depuis sept mois, mais les négociations avec la Ville sont au point mort.

«La Ville tente de nous affaiblir financièrement, a argué M. Francœur. Elle a été malhonnête de nous réclamer des millions $ pour la baisse des contraventions et elle a perdu. Et elle nous doit 300 000 $ en frais d’avocats des policiers accusés au criminel ou devant le comité de déontologie. Ce sont des stratégies pour nous mettre à terre, mais ce n’est pas vrai qu’on va rester assis à rien faire.»
Économiser sur les enquêtes?

Des projets d’enquête criminelle récents auraient été freinés prématurément «parce qu’ils coûtaient trop cher», dénonce la Fraternité des policiers de Montréal.

«Il y a des cas où on a procédé à des arrestations, mais on a décidé de ne pas continuer d’enquêter un peu plus pour atteindre les têtes dirigeantes, dans le but de sauver du temps supplémentaire. C’est inquiétant quand on sait à quel point le crime organisé tente de s’infiltrer partout», a affirmé Yves Francœur, sans vouloir identifier des opérations en cause.

Le président de la Fraternité déplore que «tout soit devenu une question d’argent au SPVM», où la masse salariale accapare près de 90 % du budget.

Départs, coupes

Yves Francœur dit espérer que le futur chef «recentre notre mission première, qui est de protéger les citoyens et combattre la criminalité, plutôt que d’essayer de générer des revenus pour l’Hôtel de Ville avec des contraventions».

Le syndicat se dit aussi préoccupé par la vague prochaine de départs à la retraite (800 d’ici quatre ans) et de coupes de postes (250 sur cinq ans) au sein du SPVM.

«C’est beaucoup et c’est impossible que ça se fasse sans impact sur la qualité du service aux citoyens», selon son président.

M. Francœur a ajouté que le rythme des départs à la retraite est «plus important qu’anticipé et c’est clair que le climat de travail y est pour beaucoup».
Ce qu’il a dit...
Sur les «pantalons de clowns»

«Avant cet événement-là [les funérailles de l’ex-premier ministre Parizeau], tout le monde disait que nos moyens de pression ne servaient à rien parce qu’ils ne dérangeaient personne.»

«Chaque fois que je rencontre le maire Coderre, c’est la première chose dont il me parle. C’est clair que nos pantalons le fatiguent.»

«Il y a plein de touristes qui veulent se faire prendre en photo avec nos policiers qui portent des pantalons de différentes couleurs. Ça circule partout dans le monde.»

«Le gouvernement n’a pas de raison de venir chercher 85 $ par semaine dans nos poches. S’il veut passer un projet de loi pour nous enlever ce moyen de pression, nous le contesterons en cour.»
Sur le travail policier à Montréal

«Un policier qui a passé 30 ans à patrouiller à Montréal, y en a plein son casque!»

«C’est plus compliqué de travailler à Montréal. Nos responsabilités sont plus grandes qu’ailleurs. Qu’on parle de terrorisme, d’itinérance, de problèmes de santé mentale, de manifestations, de la traite de personne, de crime organisé.»
Sur la loi 15

«On a toujours accepté d’avoir un salaire un peu moins élevé que les autres grandes villes canadiennes, [ en pensant ] qu’on serait compensés avec notre régime de retraite. Et là, on paie le prix pour avoir accepté de faire des compromis dans le passé.»

«À cause de la loi 15, ça risque de devenir moins attrayant pour les jeunes diplômés en technique policière de venir travailler à Montréal.»
Sur le futur chef du SPVM

« l devra être doté d’un bon leadership, être indépendant face à l’Hôtel de Ville, avoir une bonne connaissance opérationnelle. Ses deux priorités seront de remonter le moral des troupes et de recentrer notre mission sur le service aux citoyens.»

Catégories

Corp policier (SPVM, SQ, GRC, agent de la STM, etc): 

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