Les policiers sont formés pour tirer dans le «centre-masse»

Il n’y a que dans les films d’action que les policiers tirent dans une jambe pour neutraliser un suspect armé, affirment des experts contactés par Le Journal après la mort d’un ado à Saint-Constant, en Montérégie.

L’événement survenu dimanche dernier, qui s’est soldé par le décès d’un jeune homme de 17 ans, a soulevé plusieurs questions sur le travail des policiers.

Philippe Wista-Charles venait de poignarder son père lorsque les agents de la Régie de police de Roussillon sont arrivés à la résidence de la rue Amaryllis, vers 1 h.

Arme blanche à la main, l’ado aurait ensuite menacé les policiers, qui n’auraient eu d’autre choix que de tirer.

«À part Jean-Claude Van Damme dans ses films, personne ne peut se battre contre un couteau de cuisine sans risquer des blessures graves, voire la mort», illustre Jean-François Brochu, retraité de la Sûreté du Québec.

Les vestes pare-balles ne sont pas conçues pour résister à une arme blanche, souligne-t-il.

Lorsqu’une vie est menacée, autant celle d’un citoyen que d’un policier, les agents ont le devoir d’agir, note M. Brochu.

Viser le torse

«Si quelqu’un te charge avec un couteau, tu tires où tu as le plus de chances de neutraliser la menace, dit l’expert en enquêtes criminelles et opérations policières Antony Donato. Tu ne peux pas tirer dans un bras ou un pied, parce que si tu manques ton coup, t’es mort.»

«N’oublions pas que c’est une situation hautement stressante qui se déroule très rapidement», continue le retraité de la Sûreté du Québec, François Doré.

C’est donc dans le torse – ou le «centre-masse» dans le jargon – que les policiers sont entraînés à tirer. Surtout qu’un assaillant armé d’un couteau se trouvant à 21 pieds (6,4 mètres) peut couvrir la distance en quelques secondes.

Des représentants du Journal l’ont d’ailleurs constaté lors d’une simulation, l’an dernier, au cours d’une formation à l’École d’emploi de la force de la SQ.

«Je dégaine, du moins je tente de dégainer. L’arme ne sort plus aussi facilement de son étui que lors des pratiques. Résultat: l’homme a le temps de m’asséner un coup de couteau avant que je puisse enfin tirer», avaient noté nos journalistes.

Ne jamais menacer un flic

Utiliser l’arme à feu demeure l’ultime recours des policiers. «C’est triste, ce qui est arrivé à Saint-Constant, parce que le jeune homme avait 17 ans et il avait des problèmes de santé mentale. Mais si le policier réfléchit à tout ça lors de l’intervention, c’est des funérailles de flic qu’on va avoir», soutient François Doré.

«Si le jeune avait blessé quelqu’un d’autre, on aurait dit que les policiers ont dormi. La morale de cette histoire, c’est de ne jamais pointer une arme en direction d’un policier», conclut Jean-François Brochu.
Pas de pistolet Taser à leur disposition

Les policiers de Roussillon seraient-ils intervenus différemment s’ils avaient pu utiliser un pistolet à impulsion électrique de type taser?

Les agents ne se sont pas posé la question lors de l’intervention du week-end dernier à Saint-Constant pour la simple raison qu’ils ne disposaient pas de cette arme intermédiaire, comme la plupart des policiers au Québec, d’ailleurs.

«Il n’y a pas de Taser guns à la Régie, et nos policiers ne sont pas formés pour les utiliser», a confirmé hier l’agent Raphaël Émond-Fiset, porte-parole de la police de Roussillon.

Pas toujours efficace

Réclamé par certaines associations de policiers, le pistolet à impulsion électrique n’aurait sans doute pas pu être utilisé à l’endroit de l’adolescent en crise à Saint-Constant, croit Jean-François Brochu.

Dans ce cas-ci, le policier devait empêcher la menace d’avancer, explique ce policier retraité de la SQ. «Le pistolet Taser n’est pas une option contre une personne qui fonce sur toi avec un couteau», dit-il.

Pas partout

Pendant ce temps chez nos voisins du Sud, la Ville de Chicago a annoncé hier qu’elle allait fournir des pistolets Taser à tous ses policiers d’ici juin 2016.

Les autorités ont pris cette décision quelques jours après que deux citoyens eurent été abattus par des agents qui répondaient à un appel 9-1-1.

Même dans les plus gros corps de police québécois, ce ne sont pas toutes les autopatrouilles qui sont munies de pistolets à impulsion électrique.

À Montréal, par exemple, 33 Tasers sont disponibles sur le terrain.

Du côté de la Sûreté du Québec (SQ), un projet-pilote est présentement en cours dans cinq postes des Laurentides, de la Montérégie et de la Mauricie-Centre-du-Québec.

Dix policiers par poste sont formés pour utiliser cette arme.

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