Les policiers veulent des caméras corporelles

(Québec) De récents événements remettent au premier plan la nécessité pour les policiers de s'équiper de caméras corporelles pour filmer eux-mêmes les interventions musclées, soutiennent des fraternités policières. Après le syndicat de la police de Montréal en mai, c'est au tour de ceux de la Sûreté du Québec et de la Ville de Québec de mettre le sujet à l'ordre du jour.

«On n'aura pas le choix de prendre le virage», lance sans détour Pierre Veilleux, président de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec. «On est toujours réfractaire à faire examiner notre travail. Mais si on ne le fait pas, d'autres vont le faire à notre place.»

Depuis janvier seulement, deux vidéos citoyennes controversées ont fait leur apparition sur le Web. Dans la première, on y entend un policier de Montréal menacer un itinérant de l'attacher à un poteau. La seconde montre un autre policier de la métropole frapper un jeune dans un McDo.

M. Veilleux a constaté par lui-même l'an dernier, lors d'une tournée de patrouilles dans les régions du Québec, à quel point de plus en plus de citoyens utilisent leur téléphone intelligent pour filmer le travail policier. «C'est la mode, surtout depuis les manifestations du conflit étudiant. Dès qu'il y a une intervention un peu tendue, on se fait filmer.»

Le problème, soulève-t-il - sans juger les deux vidéos qui ont fait la manchette depuis le début de l'année -, est que les courtes séquences qui apparaissent sur Internet tronquent souvent la vérité. «Tant qu'à jouer avec des bouts de films, on va avoir tout le film. Les deux ou trois paroles déplacées ou les gestes qui peuvent paraître déplacés, ça peut être justifié si c'est replacé dans le contexte. La force nécessaire est aussi légale», fait-il valoir.

Effet apaisant?

Selon M. Veilleux, aviser le citoyen que l'intervention est filmée peut avoir un effet apaisant sur le comportement des personnes. «C'est un peu comme lorsque les téléphonistes disent que l'appel peut être enregistré. On fait plus attention à ce qu'on dit», illustre-t-il.

Un avis partagé par Bernard Lerhe, président de la Fraternité des policiers et policières de la Ville de Québec. «Le nombre de voies de fait contre les policiers a beaucoup augmenté durant les dernières années», indique-t-il. Il est passé de près de 12 000 à plus de 17 000 au pays de 2009 à 2010 seulement.

Une réalité qui ne s'applique pas aux communautés où se sont déroulées une expérience pilote. «Elles arrivent toutes à la même conclusion, poursuit-il. Il y a une diminution significative des voies de fait contre les policiers, et la vidéo prouve le bien-fondé des interventions.»

M. Lerhe a récemment tenu une discussion avec son chef pour connaître sa position. Il a aussi mis le sujet à l'ordre du jour de l'exécutif syndical pour 2014. La direction n'a pas donné suite à une demande d'entrevue, hier.

À la Sûreté du Québec, l'acquisition de caméras corporelles pourrait faire l'objet des prochaines négociations, avance le président du syndicat. La direction devrait prêter une oreille attentive puisque Le Soleil a appris que le QG de la rue Parthenais à Montréal a commencé une réflexion sur la pertinence d'équiper les policiers de ce type de caméra.

Cependant, plusieurs obstacles entravent la réalisation d'un tel projet. Outre les coûts d'acquisition, il faut en évaluer la faisabilité technique et juridique. Selon les informations obtenues, il y a le fait que l'attirail policier est déjà bien garni et parfois encombrant. Aussi, la dimension juridique de la gestion des images peut poser un problème.

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La GRC a tenté l'expérience au Nouveau-Brunswick
Parmi les expériences de caméras corporelles menées au Canada, il y a celle de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) amorcée à l'automne au Nouveau-Brunswick.

Pour la GRC, c'est un moyen de «rehausser la transparence et d'accroître la sécurité des policiers et des citoyens». Par contre, l'adoption de cette technologie touche des «questions complexes liées à la vie privée, au droit, à la politique et à la gestion des images», explique le corps policier.

Pendant ce temps au Québec, où il n'y a pas de caméras corporelles, plusieurs policiers filment eux-mêmes, à l'aide d'un téléphone intelligent, certaines interventions à risque.

Sans être permise ou interdite, cette pratique n'est pas balisée

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