Vague d'attentats contre des notables de Joliette

Cinq avocats dont les voitures brûlent, un maire dont le cabanon est incendié, un conseiller molesté sur son perron : la Sûreté du Québec (SQ) enquête sur une douzaine d'attentats violents contre des notables de Joliette commis au cours des dernières années, a appris La Presse.

Ces crimes font tous partie d'une seule et même vague, a affirmé hier l'ex-maire de Joliette, lui-même victime de deux incendies criminels en 2010. « Tout ça, c'est relié », croit René Laurin.

Selon notre enquête, ces événements auraient un dénominateur commun et seraient majoritairement liés à des conflits d'affaires.

« Il s'agit d'une personne qui a des litiges ou a eu des litiges avec chacune des [victimes]. C'est probablement le lien commun », ajoute René Laurin.

Un nom revient d'ailleurs souvent dans les conversations à Joliette, où cette série noire fait beaucoup jaser.

Depuis février dernier seulement, cinq voitures appartenant à quatre avocats de Joliette ont brûlé. L'avant-dernière en date, une Mercedes d'une valeur d'environ 200 000 $, a été la cible d'une bombe incendiaire alors que son propriétaire était au volant, en plein jour et en plein coeur de Joliette, vendredi dernier. Luc Ratelle a dû évacuer précipitamment son véhicule.

Une autre voiture de Me Ratelle avait été la cible d'attaques la semaine précédente. Celle de son fils et associé a brûlé samedi dernier. Et les voitures des avocats Yves Chaîné et Claude Pouliot y sont passées en février.

La situation est si inquiétante que le Barreau du Québec dit craindre pour la communauté juridique de la petite ville. « J'espère que la ou les personnes qui commettent ces crimes-là sera ou seront bientôt arrêtées », a affirmé Bernard Synnott, bâtonnier du Québec, en entrevue. « La justice parallèle, c'est inacceptable. »

Après avoir accepté une entrevue avec La Presse sur le sujet, l'actuel maire de Joliette l'a annulée. « Ça semble tellement ciblé que les gens n'ont pas peur, a affirmé Sonia Hénault, porte-parole du maire Alain Beaudry. Mais le maire surveille ça de très près et reste disponible si la police en a besoin. »

En 2009, Me Éric Germain et sa femme, journaliste dans un hebdomadaire local, ont été victimes d'une agression. Leur maison et leur voiture avaient été incendiées.

« Le cercle des personnes visées s'élargit », a confié une victime qui a demandé que son identité soit tue par crainte de représailles.

« Il va falloir que la police fasse sa job. [...] Les enquêtes policières ne se concluent jamais. »

La Sûreté du Québec, qui patrouille à Joliette, refuse de confirmer l'hypothèse d'une seule et même vague d'attentats.

« Nous ne pouvons exclure un lien entre ces dossiers ou un certain nombre d'entre eux, mais nous ne pouvons l'établir avec certitude non plus, a affirmé hier Christine Coulombe, porte-parole de la SQ. Les enquêtes se poursuivent et on ne peut commenter davantage pour ne pas nuire à celles-ci. » La porte-parole a invité quiconque détient de l'information sur ces événements à contacter les autorités.

Responsables politiques visés

Alain Lozeau revenait d'une séance du conseil municipal, le 6 décembre 2010, lorsqu'un homme l'a attaqué par-derrière alors qu'il sortait de sa voiture, devant son domicile.

« Le gars m'a sauté dans le dos, m'a donné trois ou quatre coups de poing. Je suis tombé par terre, il a continué de fesser, jusqu'à ce que je laisse tomber ma mallette avec laquelle il s'est sauvé », se souvient la victime.

L'ancien conseiller municipal est convaincu que son agresseur s'est déplacé pour voler sa valise, qui contenait toutes les informations personnelles des élus municipaux.

« À cette époque-là, il régnait un véritable climat de terreur à la Ville de Joliette. »

Alain Lozeau confie que cette agression ainsi que l'intimidation qu'il a subie par la suite ont eu raison de son engagement politique. « La personne qui a gardé les documents savait tout sur les élus de la Ville. Une enquête policière a été lancée par la Sûreté du Québec, mais aucun coupable n'a été épinglé.

L'homme dit faire encore confiance à la Sûreté du Québec pour retrouver le ou les malfaiteurs.

Le maire René Laurin, de son côté, a vu son cabanon être la cible d'un engin incendiaire après que sa voiture fut partie en fumée, en 2010. « Il était minuit trente lorsque j'ai entendu un gros bruit sourd. Je ne croyais pas que c'était chez moi, mais quinze minutes plus tard, ma voisine m'a téléphoné pour me dire que mon auto était en feu », confiait-il à l'époque au Journal de Joliette.

« Le lendemain, c'était mon cabanon », s'est-il souvenu en conversation avec La Presse.

La voiture de son directeur général, Renald Gravel, a brûlé quelques mois plus tard, en 2011, dans le stationnement de sa résidence.

Hormis l'ex-maire René Laurin et l'ex-conseiller municipal Alain Lozeau, les autres victimes n'ont pas voulu parler à La Presse de leur mésaventure.

« Ce n'est pas anodin, ce qui se passe », a tout de même accepté de confier l'une d'elles. « Ce n'est plus seulement les gars de la ville. C'est systématiquement des tentatives d'intimidation. »

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