Le recours à la déontologie policière

Le système actuel de déontologie policière a été instauré dans la foulée d'une recommandation formulée par la Commission des droits de la personne au terme d'une enquête sur les relations entre les corps de police et les minorités ethniques et visibles qui avait été lancée à la suite de la mort d'Anthony Griffin, le 11 novembre 1987.

C'est ainsi que la Commission de police du Québec, l'ancêtre de l'actuel système de déontologie policière, a été abolie avec l'entrée en vigueur de la Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives, en 1990. Malheureusement, les différents gouvernements québécois qui se sont succédés depuis ce temps n'ont cessé d'altérer le système de déontologie policière.

En 1996, le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard confiait à Claude Corbo le mandat d'examiner et de revoir les mécanismes du processus de déontologie policière. L'un des principaux objectifs recherché par cet examen consistait à rendre le système déontologique moins coûteux pour l'État.

C'est ainsi que la Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière, qui fut entre autres inspirée du rapport Corbo, entra en vigueur en octobre 1997. Malheureusement, certains aspects de la réforme de 1997 ont eu pour effet de restreindre l'accessibilité à la justice déontologique pour les victimes d'abus policiers.

Par exemple, le délai pour porter plainte en déontologie policière a été réduit de deux ans à un an. C'est aussi depuis l'entrée en vigueur de cette réforme que le recours à la conciliation (voir ci-dessous) est devenu la norme pour traiter les plaintes en déontologie, réduisant ainsi au minimum la possibilité que les policiers répondent de leurs actes devant un tribunal.

Depuis juin 2000, le système de déontologie policière est encadré par la Loi sur la police (ci-après la Loi), adoptée dans la foulée des recommandations de la commission Poitras, qui remplace désormais la Loi sur l'organisation policière ainsi que la vieille Loi de police.

Les altérations au système de déontologie policière se sont poursuivies sous le régime libéral de Jean Charest. En mai 2005, le rapport d'un groupe de travail mis sur pied par la présidente du Conseil du Trésor de l'époque, Monique Jérôme-Forget, recommandait d'abolir le Comité de déontologie policière.

Puis, en juin 2006, le gouvernement Charest donna satisfaction aux lobbys policiers en faisant adopter la Loi modifiant la Loi sur la police qui permet aux policiers ayant déjà fait l'objet d'une sanction déontologique de demander l'effacement de leur dossier, de façon à rétablir leur « réputation ».

Malgré tous ses défauts, le système de déontologie policière demeure le recours légal le plus accessible pour le commun des mortels qui n'est pas initié au droit. Si les effets d'une plainte ne doivent pas être surestimés ils peuvent tout de même être bénéfiques.

Aperçu du système de déontologie policière

En gros, le système de déontologie policière du Québec est composé de deux organismes distincts, soit le Commissaire à la déontologie policière (ci-après le Commissaire) et le Comité de déontologie policière, qui relèvent tous deux du ministre de la Sécurité publique.

La fonction du Commissaire est de traiter toutes les plaintes contre les policiers qu'il reçoit de la part des membres du public. Dans un premier temps, le Commissaire doit décider s'il y a lieu de faire enquête sur la plainte ou si elle sera rejetée. Le but de toute enquête déontologique est de déterminer s'il y a matière à citation devant le Comité de déontologie policière.

Dans le jargon de la déontologie policière, l'expression citation représente l'équivalent d'une mise en accusation dans le système judiciaire. Ainsi, on ne parle pas d'un policier accusé, mais plutôt d'un policier cité. Par ailleurs, l'acte dérogatoire est le terme utilisé dans le jargon déontologique pour désigner une conduite qui constitue une infraction au Code de déontologie des policiers du Québec.

Il est à noter que le pouvoir de déposer une citation au greffe du Comité de déontologie policière contre un policier est exclusif au Commissaire. Autrement dit, le procureur du Commissaire se substitue au plaignant lors de l'audition de la citation devant le Comité de déontologie (art. 215, Loi sur la police).

Le Comité de déontologie policière (ci-après le Comité) est quant à lui un tribunal administratif spécialisé qui a notamment pour mandat d'entendre les citations qui sont déposées devant lui par le Commissaire. Lorsqu'il conclut que la conduite reprochée au policier cité constitue un acte dérogatoire, le Comité doit alors décider de la sanction qu'il doit lui imposer. Notons que les décisions que rend le Comité en matière de citation et de sanction peuvent être porté en appel devant la chambre civile de la Cour du Québec par l'une ou l'autre des parties, soit le Commissaire ou le policier.

Le Commissaire à la déontologie policière

Le Commissaire est nommé par le gouvernement du Québec parmi les avocats admis au Barreau depuis au moins 10 ans. Son mandat ne peut dépasser cinq années et ne peut être renouvelé (art. 129 et 130, Loi sur la police).

Le gouvernement peut aussi nommer un Commissaire adjoint (art. 132, Loi sur la police). La Loi prévoit que « le Commissaire et le commissaire adjoint doivent s'occuper exclusivement des devoirs de leurs fonctions » (art. 134, Loi sur la police). Le Commissaire a pour fonction de « recevoir et d’examiner une plainte formulée par toute personne contre un policier » (art. 128, Loi sur la police). Il doit accuser réception par écrit des plaintes enregistrées (art. 153, Loi sur la police).

La Loi oblige les membres du personnel du Commissaire à « prêter leur assistance à toute personne qui la requiert pour la formulation de la plainte ». Enfin, ils doivent « informer le plaignant du processus de traitement des plaintes, notamment de la procédure de conciliation » (art. 144, Loi sur la police).

Pouvoirs du Commissaire

Le Commissaire peut modifier en tout temps un chef de citation « aux conditions nécessaires pour la sauvegarde des droits des parties. » Toutefois, le Comité de déontologie « ne permet aucune modification d'un chef d'où résulterait un nouveau chef n'ayant pas de lien avec le chef original », à moins que le policier cité n'y consente. Dans ce cas, le Commissaire doit alors déposer une nouvelle citation (art. 332, Loi sur la police).

La compétence du Commissaire se limite aux seules infractions au Code de déontologie des policiers du Québec. Ainsi, lorsqu'il lui apparaît que la conduite reprochée au policier relève davantage du Code criminel que de la déontologie, le Commissaire doit alors « en saisir immédiatement le corps de police approprié à des fins d'enquête criminelle » (art. 149, Loi sur la police). Par ailleurs, après avoir complété une enquête sur une plainte, le Commissaire peut aussi « transmettre le dossier au procureur général » (art. 178, Loi sur la police).

Le Commissaire peut également exercer un pouvoir de recommandation. Il peut notamment :

  1. recommander au directeur du corps de police de soumettre le policier à une évaluation médicale ou à un stage de perfectionnement dans une institution de formation policière;
  2. souligner à ce directeur la bonne conduite du policier;
  3. soumettre à ce directeur toute recommandation qu'il juge utile à l'application du Code de déontologie.

(art. 188, Loi sur la police)

Il peut aussi communiquer au policier dont la conduite a fait l’objet d’une plainte « des observations de nature à améliorer sa conduite professionnelle et à prévenir la violation du Code de déontologie » Toutefois, la Loi indique que ces observations « ne doivent pas être versées à son dossier » (art. 187, Loi sur la police).

Immunité du Commissaire

Pour mener à bien sa mission, le personnel du Commissaire jouit d'une immunité contre toute poursuite en justice :

« Le Commissaire, le commissaire adjoint et les membres de leur personnel, les enquêteurs et les conciliateurs en déontologie policière, ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions. » (art. 135, Loi sur la police)

De plus, le Commissaire est investi des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf du pouvoir d'imposer une peine d'emprisonnement (art. 191, Loi sur la police).

Enfin, la Loi protège le Commissaire contre toute action prise en vertu de l’art. 33 du Code de procédure civile et aucun recours extraordinaire au sens de ce code ne peut être exercé à son égard. Par ailleurs, aucune mesure provisionnelle ne peut être ordonnée contre une personne qui agit en son nom (art. 193, Loi sur la police).

33. À l'exception de la Cour d'appel, les tribunaux relevant de la compétence du Parlement du Québec, ainsi que les corps politiques, les personnes morales de droit public ou de droit privé au Québec, sont soumis au droit de surveillance et de réforme de la Cour supérieure, en la manière et dans la forme prescrites par la loi, sauf dans les matières que la loi déclare être du ressort exclusif de ces tribunaux, ou de l'un quelconque de ceux-ci, et sauf dans les cas où la compétence découlant du présent article est exclue par quelque disposition d'une loi générale ou particulière.

Pour qu'une plainte soit recevable

Le processus de plainte en déontologie est gratuit et ne nécessite pas l'assistance d'un avocat. Toute plainte doit être faite par écrit et transmise au Commissaire dans « un délai d'un an à compter de la date de l'événement ou de la connaissance de l'événement donnant lieu à la plainte » (art. 150, Loi sur la police).

Le plaignant peut porter plainte en remplissant le formulaire officiel du Commissaire qui est disponible sur internet (http://www.deontologie-policiere.gouv.qc.ca/) ou encore rédiger lui-même sa plainte sous la forme d'une lettre. Le plaignant peut aussi joindre à sa plainte des annexes, comme une copie d'un rapport médical ou des photos pertinentes reliées à l'incident ayant donné lieu à la plainte.

Il n'est pas obligatoire d'avoir été personnellement victime de la conduite fautive du policier pour exercer le droit de porter plainte en déontologie policière. Par exemple, un téléspectateur peut porter plainte après avoir visionné des images de brutalité policière lors d'un bulletin de nouvelles.

Notons que la Loi protège spécifiquement le droit de toute personne détenue de porter plainte. Dans un tel cas, la Loi oblige tout policier ou toute personne travaillant dans un endroit où le plaignant est privé de sa liberté « à transmettre sans délai, sans prendre connaissance de son contenu » tout écrit destiné au Commissaire qui lui a été remis par cette personne. De plus, la Loi oblige également tout policier ou toute personne travaillant dans un endroit où la personne plaignante est détenue à remettre à celle-ci tout écrit provenant du Commissaire destiné à cette personne (art. 152, Loi sur la police).

L'identification du policier visé

Il n’est pas obligatoire que la plainte identifie formellement par leur nom ou leur matricule le ou les policiers qui en font l’objet. Toutefois, le Commissaire ne pourra donner suite à la plainte si le ou les policiers qui y sont visés demeurent non-identifiés.

Par ailleurs, les membres du personnel du Commissaire doivent « aider le plaignant à identifier les éléments de preuve qu'il devra apporter à l'appui de sa plainte. » (art. 144, Loi sur la police). Cette obligation implique entre autres d'aider la personne plaignante à identifier le ou les policiers visés par la plainte.

À cette fin, le Commissaire dispose d'une banque de photos des membres du SPVM. Malheureusement, ces photos ne sont généralement pas ce qu'il y a de plus récent et datent même souvent de plusieurs années. Ainsi, il n'est pas toujours évident d'identifier le ou les policiers visés par la plainte à partir de la banque de photos du Commissaire.

Le processus de traitement de plainte

La Loi fixe certains délais en ce qui a trait au traitement des plaintes. Ainsi, dans les 40 jours de la réception d’une plainte ou de l'identification du policier visé, le Commissaire doit prendre une décision quant à la suite à donner à la plainte, après avoir procédé à une analyse préliminaire de celle-ci.

À cette étape-ci, le Commissaire doit :

  1. décider s'il s'agit d'une plainte qu'il doit réserver à sa compétence ou qu'il doit rejeter;
  2. s'il lui apparaît qu'une infraction criminelle peut avoir été commise, en saisir immédiatement le corps de police approprié à des fins d'enquête criminelle;
  3. désigner le conciliateur s'il y a lieu et lui transmettre le dossier;
  4. informer la personne plaignante, le policier et le directeur du corps de police concerné de sa décision de référer la plainte en conciliation, de la réserver à sa compétence ou de la rejeter;
  5. aviser par écrit le policier visé de l'objet de la plainte et des faits permettant d'identifier l'événement ayant donné lieu à la plainte.

(art. 149, Loi sur la police)

La conciliation

La Loi prévoit que « toute plainte doit être soumise à la conciliation » (art. 147, Loi sur la police). L'objectif de la procédure de conciliation « est de résoudre, par un règlement accepté par les deux parties, la plainte formulée à l'encontre d'un ou de plusieurs policiers » (art. 156, Loi sur la police).

Lorsqu'un règlement intervient entre les deux parties au terme d'une séance de conciliation, celui-ci « doit être consigné par écrit, approuvé par le Commissaire, et signé par la personne plaignante et le policier concerné. » Ce règlement fait en sorte que la « plainte est alors réputée être retirée. » (art. 162, Loi sur la police).

De plus, « en cas de règlement d'une plainte, le dossier du policier visé ne doit comporter aucune mention de cette plainte ni de ce règlement » (art. 163, Loi sur la police). Il n'y a donc aucune exagération à dire que la procédure de conciliation permet aux policiers d’échapper à la justice déontologique.

La séance de conciliation se tient au bureau du Commissaire en présence des deux parties et est dirigée par un conciliateur. Ceux-ci sont nommés par le Commissaire et « ne peuvent être, ni avoir été des policiers » (art. 154, Loi sur la police).

La présence du plaignant et du policier visé à la séance de conciliation est obligatoire. De plus, la Loi précise que le policier présent à la séance « ne doit pas être en uniforme ». Tant la personne plaignante que le policier visé par la plainte « peuvent être accompagnés de la personne de leur choix » (art. 157, Loi sur la police). Il est à noter que les policiers convoqués en conciliation choisissent généralement d'être accompagnés d'un délégué de la Fraternité ou d'un avocat travaillant pour le compte du syndicat.

Enfin, « toutes réponses ou déclarations faites par la personne plaignante ou le policier dont la conduite fait l'objet de la plainte, dans le cadre d'une tentative de conciliation, ne peuvent être utilisées ni ne sont recevables en preuve dans des poursuites criminelles, civiles ou administratives ». La seule exception prévue par la Loi survient « dans le cas d'une audience devant le Comité de déontologie policière portant sur l'allégation selon laquelle un policier a fait une déclaration ou une réponse qu'il savait fausse dans l'intention de tromper » (art. 164, Loi sur la police).

Cela étant, malgré les nombreux défauts qu'on peut y trouver, il reste que la conciliation peut avoir certains effets bénéfiques, en ce sens qu'elle constitue une opportunité unique pour le plaignant de dire sa façon de penser au policier fautif, chose qui pourrait être plus risquée à faire dans un autre contexte.

L'opposition à la conciliation

La Loi permet toutefois au plaignant de s'opposer à la conciliation en invoquant des motifs pour lesquels il croit que la conciliation est inappropriée dans son cas. Il doit alors communiquer par écrit au Commissaire ses motifs d’opposition dans les 30 jours du dépôt de la plainte.

Voici quelques exemples de motifs qui peuvent être soulevés pour s'opposer à la conciliation : l'angoisse et la peur à l'idée de se trouver en présence du policier visé par la plainte ; le peu de chances de succès d'une conciliation compte-tenu de l'attitude du policier au moment de sa conduite qui a donné lieu à la plainte ; le fait que la plainte devrait être « d’intérêt public » (voir ci-dessous); le fait que le plaignant est en attente de procès pour les mêmes faits qui sont à l'origine de la plainte.

Cependant, le plaignant qui s'oppose à la conciliation court le risque de voir le Commissaire rejeter sa plainte. Celui-ci peut en décider ainsi s'il est d'avis que les motifs invoqués par la personne plaignante pour refuser la conciliation ne sont « pas valables ». Dans ce cas, le Commissaire informe alors la personne plaignante de son droit de faire réviser cette décision. À cette fin, la personne plaignante doit lui soumettre « des faits ou des éléments nouveaux » dans un délai de 15 jours (art. 147, Loi sur la police).

La décision du Commissaire sur la demande de révision doit être rendue dans un délai de 10 jours et elle est finale. Enfin, le plaignant peut en tout temps, avant la décision finale, accepter la conciliation en retirant son opposition.

En cas d'échec de la conciliation

Quand la procédure de conciliation se conclut par un échec, le conciliateur fait rapport au Commissaire. Le dossier est alors retourné au Commissaire (art. 158, Loi sur la police).

Toutefois, en dépit de l’échec d’une première conciliation, le Commissaire peut également retourner la plainte en conciliation lorsque celui-ci « estime que la plainte peut faire l'objet d'un règlement et que la personne plaignante et le policier y consentent » (art. 161, Loi sur la police).

De plus, le Commissaire dispose aussi du pouvoir de mettre fin à une procédure de conciliation « s’il le juge nécessaire pour un motif d’intérêt public. » Dans ce cas aussi, le dossier retourne au Commissaire (art. 160, Loi sur la police).

Les frais assumés par l'employeur du policier visé par la plainte

La Loi prévoit que « les coûts reliés à la conciliation sont remboursés par l'employeur du policier visé par la plainte selon les taux établis par le ministre » (art. 155, Loi sur la police). De plus, la Loi stipule également que « les coûts reliés à une enquête sont remboursés par l’employeur du policier visé par l’enquête selon les taux établis par le ministre » (art. 172, Loi sur la police).

Les taux de remboursement font l’objet d’un règlement intitulé Règlement sur le taux de remboursement par l'employeur des coûts reliés à une conciliation ou une enquête en matière de déontologie policière. (ci-après le Règlement).

Le taux de remboursement est fixé à 78$ « pour chaque heure de travail certifiée par le commissaire à la déontologie policière » relativement à une séance de conciliation (art. 1, Règlement). Quant aux enquêtes, le taux de remboursement est fixé à 67$ « pour chaque heure de travail certifiée par le commissaire à la déontologie policière » (art. 2, Règlement).

À ce taux s’ajoutent les frais de déplacement du conciliateur ou de la conciliatrice (art.3 du Règlement), lesquels s’établissent selon les Règles sur les frais de déplacement des fonctionnaires établis par le Conseil du trésor par sa décision portant le numéro C.T. 148000 du 20 décembre 1983, « telles qu'elles se lisent au moment où elles s'appliquent. »

L'enquête du Commissaire

La Loi stipule que le Commissaire doit « réserver sa compétence » aux plaintes « qu’il juge d'intérêt public », c'est-à-dire notamment des plaintes « impliquant la mort ou des blessures graves infligées à une personne, les situations où la confiance du public envers les policiers peut être gravement compromise, les infractions criminelles, les récidives ou autres matières graves » (art. 148, Loi sur la police).

Le Commissaire peut décider de tenir une enquête sur la plainte si la conciliation n'aboutit pas à un règlement. Toutefois, la tenue d’une enquête n'empêche pas la reprise de la procédure de conciliation si les parties y consentent. (art. 165, Loi sur la police).

Les enquêtes du Commissaire sont menées par un enquêteur qu'il désigne lui-même. Les enquêteurs sont généralement d'anciens policiers. D'ailleurs, la Loi prévoit qu'un enquêteur ne peut être assigné à un dossier impliquant le service de police auquel il appartient ou a déjà appartenu (art. 171, Loi sur la police).

La Loi n'oblige pas le Commissaire à tenir une enquête lorsqu'il reçoit une plainte. En fait, le Commissaire peut exercer sa discrétion de refuser de tenir une enquête ou de mettre fin à une enquête déjà commencée, s’il estime que :

  1. la plainte est frivole, vexatoire ou portée de mauvaise foi;
  2. le plaignant refuse de participer à la conciliation sans motif valable ou refuse de collaborer à l'enquête;
  3. la tenue ou la poursuite de cette enquête n'est pas nécessaire eu égard aux circonstances. (art. 168, Loi sur la police)

Lorsqu'il refuse de tenir une enquête en vertu d'un des motifs énoncé ci-haut, le Commissaire doit informer le plaignant de sa décision et de son droit de faire réviser cette décision en lui soumettant des faits ou des éléments nouveaux, et ce, dans un délai de 15 jours. La décision du Commissaire est alors rendue dans un délai de 10 jours et elle est finale (art. 169, Loi sur la police).

Pouvoirs de l'enquêteur du Commissaire

Toute personne agissant comme enquêteur pour le Commissaire « pénétrer dans un poste ou local de police et y examiner les livres, rapports, documents et effets reliés à la plainte faisant l'objet d'une enquête. » Cependant, il doit avoir, au préalable, informer de son éventuelle visite le directeur du corps de police intéressé (art. 174, Loi sur la police). L'enquêteur dispose aussi du pouvoir d'exiger « de toute personne tout renseignement et tout document qu'il estime nécessaire » (art. 189, Loi sur la police).

De plus, la Loi interdit « d’entraver de quelque façon que ce soit » le Commissaire, ou toute personne qui agit comme enquêteur, ainsi que « de les tromper par réticence ou fausse déclaration, de refuser de leur fournir un renseignement ou document relatif à la plainte sur laquelle ils font enquête ou de refuser de leur laisser prendre copie de ce document, de cacher ou détruire un tel document » (art. 190, Loi sur la police). La Loi stipule que toute personne qui contrevient à l'art. 190 commet une infraction et est passible d'une amende de 500 $ à 10 000 $ (art. 311, Loi sur la police).

Notons toutefois que les art. 189 et 190 ne s'appliquent pas à l'égard du policier visé par la plainte. Par ailleurs, la Loi protège les policiers qui ne font pas l'objet de la plainte et qui collaborent avec le Commissaire ou ses enquêteurs contre l'utilisation de toutes déclarations qu'ils feront lors d'une enquête déontologique à l'égard d'un autre policier. Ainsi, ces déclarations ne peuvent être utilisées ni retenue contre ces policiers qui se montrent coopératifs, sauf en cas de parjure (art. 192, Loi sur la police).

Devoir de confidentialité et obligation de tenir informer

Le personnel du Commissaire est tenu de protéger la confidentialité des plaintes. Ainsi, le Commissaire et son personnel « ne peuvent être contraints par un tribunal de divulguer ce qui leur a été révélé dans l'exercice de leurs fonctions à l'égard d'une plainte, ni de produire aucun document rédigé ou obtenu à cette occasion devant un tribunal » (art. 139, Loi sur la police). Ce devoir de confidentialité ne s'applique toutefois pas aux enquêteurs du Commissaire qui doivent comparaître devant le Comité de déontologie policière.

Notons aussi que le Commissaire doit acheminer une copie de la plainte au directeur du corps de police dont fait partie le policier visé par la plainte dans les cinq jours suivant la réception de la plainte (art. 145, Loi sur la police).

Enfin, la Loi oblige également le Commissaire a tenir informées par écrit toutes les personnes intéressées par une enquête déontologique. Il doit le faire au plus tard dans les 45 jours suivant sa décision de tenir une enquête et doit continuer à le faire par la suite « au besoin » pendant la durée de l'enquête. Ce devoir d'informer s'applique au plaignant, au policier dont la conduite fait l'objet de la plainte et du directeur du corps de police dont ce policier est membre, sauf dans le cas où le Commissaire estime que ça « risque de nuire à la conduite de l'enquête » (art. 175, Loi sur la police).

Rapport d'enquête et décision du Commissaire

Le rapport d'enquête doit être remis au Commissaire dans un délai de trois mois, « à moins de circonstances exceptionnelles dont la démonstration doit être faite à la satisfaction de celui-ci » (art. 176, Loi sur la police). Lorsqu'il reçoit le rapport d'enquête, le Commissaire peut aussi ordonner un complément d'enquête dans le délai et suivant les modalités qu'il détermine. (art. 177, Loi sur la police).

Une fois l'enquête complétée, le Commissaire procède à l'examen du rapport. Différentes options s'offrent alors à lui, c'est-à-dire qu'il peut décider de :

  1. rejeter la plainte, s'il estime qu'elle n'est pas fondée en droit ou qu'elle est frivole ou vexatoire, ou qu'il y a insuffisance de preuve;
  2. citer le policier devant le Comité de déontologie policière s'il estime que la preuve le justifie;
  3. transmettre le dossier au procureur général.

(art. 178, Loi sur la police)

S’il décide de rejeter la plainte, le Commissaire doit en aviser sans délai la personne plaignante, le policier dont la conduite fait l’objet de la plainte et le directeur du corps de police dont ce policier est membre. De plus, il doit « leur en donner les motifs et leur transmettre un résumé du rapport d'enquête » et informer la personne plaignante de son droit de faire réviser cette décision (art. 179, Loi sur la police).

Procédure de révision

Lorsque le Commissaire décide de rejeter la plainte en vertu de l’art. 178, la personne plaignante peut adresser une demande de révision de la décision au Comité de déontologie policière. La demande doit exposer par écrit les motifs invoqués au soutien de la demande et doit être envoyée au Comité de déontologie dans les 30 jours de la notification de la décision du Commissaire (art. 181, 182 Loi sur la police).

Il est à noter que le Comité de déontologie exerce une « compétence exclusive » en matière de révision de toute décision du Commissaire rendue en vertu de l’art. 181 ci-haut mentionné (art. 194, Loi sur la police). Cela veut dire que la Loi prévoit qu’aucun autre tribunal ne peut être saisi d’une demande de révision faite selon cette disposition particulière.

La demande est entendue et jugée d’urgence dans le cadre d’une audition publique (sous réserve des exceptions prévues à l’art. 229 de la Loi sur la police) et la décision du Comité est finale et sans appel (art. 183, Loi sur la police). Le membre du Comité de déontologie qui a entendu la demande de révision ne peut entendre par la suite le dossier de la plainte visant les mêmes faits (art. 186, Loi sur la police).

La Loi indique que la « révision est décidée à partir du dossier constitué par le Commissaire » (art. 184, Loi sur la police). Cela laisse entendre que la Loi ne prévoit pas que la personne plaignante puisse introduire de nouveaux éléments de preuve lors de l’audition de sa demande en révision.

Après avoir entendu la demande de révision, le Comité de déontologie peut soit confirmer la décision du Commissaire ou soit l’infirmer. Dans le cas où la révision est accordée, le Comité « peut ordonner au Commissaire de procéder à une nouvelle enquête, de poursuivre celle-ci dans le délai qu’il indique ou de citer le policier, dans les 15 jours de sa décision, devant le Comité de déontologie » (art. 185, Loi sur la police).

Le Comité de déontologie

Le Comité est composé d'avocats admis au Barreau depuis au moins 10 ans pour les membres à temps plein et d'au moins cinq ans pour les membres à temps partiel (art. 198, Loi sur la police). Le gouvernement nomme et fixe le nombre de membres du Comité, et détermine la durée du mandat de chaque membre pour une période d'un maximum de cinq ans, qu'il peut décider de renouveler ou pas (art. 199, Loi sur la police).

De plus, le gouvernement désigne un président et un vice-président parmi les membres à temps plein (art. 200, Loi sur la police), fixe la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail des membres à temps plein (art. 201, Loi sur la police) et détermine les honoraires et les conditions du remboursement des dépenses des membres à temps partiel (art. 202, Loi sur la police).

La principale fonction du Comité de déontologie policière est d'entendre les plaintes qui sont déposées par le Commissaire concernant la conduite d'un policier. La Loi indique que le Comité exerce une « compétence exclusive » pour « connaître et disposer de toute citation en matière de déontologie policière » (art. 194, Loi sur la police).

Le Comité de déontologie a le pouvoir de décider « si la conduite du policier constitue un acte dérogatoire au Code de déontologie. » Lorsque le Comité rend sa décision, il a le pouvoir d'imposer une sanction au policier fautif (art. 233, Loi sur la police).

Enfin, les membres du Comité sont investis des pouvoirs et de l’immunité d’un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf du pouvoir d’imposer l’emprisonnement (art. 225, Loi sur la police).

L'audition de la plainte

L'audition de la plainte devant le Comité de déontologie est en fait le procès du policier cité pour avoir dérogé au Code de déontologie. Le Comité siège à un seul membre (art. 207, Loi sur la police), ses auditions sont enregistrées (art. 226, Loi sur la police) et publiques, à moins que le Comité n'en décide autrement.

En effet, « le Comité peut d'office ou sur demande ordonner le huis clos ou interdire la publication ou la diffusion de renseignements ou de documents qu'il indique, dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public, notamment pour assurer la protection de la vie privée d'une personne ou de sa réputation ou pour assurer le respect de la confidentialité d'une méthode d'enquête policière, d'une source d'information ou d'une méthode d'opération policière » (art. 229, Loi sur la police). Toute personne qui enfreint une ordonnance de huis clos, de non-publication ou de non-diffusion « se rend coupable d'outrage au tribunal ».

Les deux parties assignent les témoins qu'elles jugent utiles et peuvent exiger la production de tout document. La Loi précise qu'à cette fin, le policier cité est considéré comme un témoin (art. 224, Loi sur la police), ce qui signifie que le Commissaire peut lui-même l'assigner à témoigner.

La Loi prévoit que le Comité peut accorder des indemnités payables aux témoins, « pour les frais encourus en vue de rendre témoignage », en autant qu'il applique le tarif établi par le gouvernement (art. 227, Loi sur la police). Aussi, la Loi reconnaît à toute personne qui comparaît devant le Comité le droit d'être assistée ou représentée par un avocat ou par la personne qu'elle désigne (art. 227, Loi sur la police).

La Loi oblige le Comité à « permettre au policier visé par la citation de se faire entendre et de présenter une défense pleine et entière » (art. 221, Loi sur la police). Toutefois, la Loi permet également au Comité d’entendre l'affaire en l’absence du policier visé par la plainte si celui-ci « ne se présente pas au temps fixé et qu'il n'a pas fait connaître un motif valable justifiant son absence, ou s'il refuse de se faire entendre » (art. 221, Loi sur la police).

Les règles de procédure

Le règlement intitulé Règles de preuve, de procédure et de pratique du Comité de déontologie policière (ci-après, Règles) stipule que le policier cité « doit se présenter devant le Comité sans arme, qu’il soit en tenue civile ou en uniforme » (art. 26, Règles).

Le règlement reconnaît au Comité une large latitude en matière d'administration de la preuve entendue lors de l'audience. Il s'agit là d'un aspect crucial des pouvoirs du Comité puisque la décision qu'il doit rendre est fondée « sur la preuve recueillie à la connaissance des parties et sur laquelle elles ont eu l'occasion de se faire entendre ou de faire valoir leurs représentations » (art. 38, Règles).

Ainsi, le règlement autorise le Comité à « accepter toute preuve qu’il juge utile aux fins de décider des questions qui sont de sa compétence » et précise par ailleurs qu'il « n'est pas tenu, à cet égard, de suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile ». De plus, le règlement indique que « la preuve par ouï-dire est recevable si elle offre des garanties raisonnables de crédibilité et sous réserve des règles de justice naturelle » (art. 30, Règles).

De plus, le règlement prévoit que le Comité peut exercer le pouvoir :

  1. d'assigner des témoins par voie de subpoena;
  2. d'ordonner l'exclusion des témoins;
  3. de recevoir le témoignage d'un enfant qui ne comprend pas la nature du serment;
  4. de contraindre à rendre témoignage une personne présente dans la salle d'audience;
  5. de requérir les services d'un interprète.

(art. 33, Règles).

Le règlement permet aussi au Comité de « procéder à une visite des lieux pour lui faciliter la compréhension du dossier. » Cependant, le règlement stipule qu'avant d'effectuer une telle visite, le Comité « doit en informer les parties, leur permettre de faire les représentations nécessaires et d'y assister, au besoin » (art.34, Règles).

Par ailleurs, le règlement autorise une partie à « produire un rapport d'expert si, au moins 15 jours avant la date fixée pour l'audience, elle le dépose au greffe et en remet copie à la partie adverse. » Dans ce cas, « le Comité s'assure alors que les parties ont l'occasion de se faire entendre ou de faire valoir leurs représentations à l'égard de ce rapport » (art. 36, Règles).

Même lorsque l'audition de la plainte est terminée, le Comité « peut, de son chef ou à la demande d'une partie et tant qu’il n'a pas rendu sa décision, ordonner la réouverture de l'audience pour les fins et aux conditions qu'il détermine, notamment, pour entendre toute preuve qu'il juge fiable et pertinente ou pour assurer le respect des règles de justice naturelle » (art. 40, Règles).

Le règlement prévoit aussi que « tout membre du Comité doit s'abstenir de participer à une audience et à une décision en cas d'appréhension raisonnable de partialité. » Il s'agit ici d’une partialité pouvant résulter notamment :

  1. d'un conflit d'intérêt;
  2. de relations personnelles, familiales ou sociales avec l'une des parties;
  3. de déclarations publiques ou de prises de position préalables personnelles se rapportant directement au dossier;
  4. de manifestations d'hostilité ou de favoritisme à l'égard d'une partie.

(art. 44, Règles).

Cette crainte de partialité à l'égard d’un membre du Comité « doit être soulevée dès le début de l'audience ou dès qu'une partie a connaissance des circonstances pouvant y donner ouverture » (art. 45, Règles). Par contre, les parties peuvent aussi renoncer à leur droit de demander la récusation de tout membre du Comité (art. 46, Règles). Enfin, lorsqu'un membre du Comité se récuse ou est récusé, l'audience est remise, à moins qu'elle ne se tienne en présence d'un autre membre (art. 47, Règles).

La sanction

Lorsque le Comité de déontologie conclut que la conduite du policier cité constitue un acte dérogatoire au Code de déontologie, « il peut, dans les 14 jours de cette décision, imposer à ce policier pour chacun des chefs, l'une des sanctions suivantes, lesquelles peuvent être consécutives, le cas échéant :

  1. l'avertissement;
  2. la réprimande;
  3. le blâme;
  4. la suspension sans traitement pour une période d'au plus 60 jours ouvrables;
  5. la rétrogradation;
  6. la destitution

(art. 234, Loi sur la police).

Par ailleurs, un policier qui « a démissionné, a été congédié ou a pris sa retraite » ne pourra se voir imposer une sanction mais pourra tout de même être « déclaré inhabile à exercer des fonctions d'agent de la paix pour une période d'au plus cinq ans » (art. 234, Loi sur la police).

La Loi prévoit qu'« avant d'imposer une sanction, le Comité doit permettre aux parties de se faire entendre au sujet de cette sanction » (art. 233, Loi sur la police). Ainsi, « le Comité prend en considération la gravité de l'inconduite, compte tenu de toutes les circonstances, ainsi que la teneur de son dossier de déontologie » (art. 235, Loi sur la police).

Curieusement, la Loi permet au Comité de rembourser au policier fautif le salaire perdu des journées de suspension qui lui ont été imposées par le directeur du corps de police dont il est membre à l'égard des mêmes faits. C'est seulement lorsque le Comité fixe la durée de la suspension sans solde d'un policier qu'il doit prendre également en considération toute période durant laquelle ce policier a été relevé provisoirement de ses fonctions (art. 235, Loi sur la police).

Dans pareil cas, le Comité peut ordonner le remboursement à ce policier du salaire « et des autres avantages attachés à sa fonction dont il a été privé pendant la période où il a été relevé provisoirement de ses fonctions et qui excède la période pendant laquelle une suspension sans traitement lui a été imposée par le Comité » (art. 235, Loi sur la police).

Le droit d'appel

La Loi prévoit que toute décision finale du Comité peut être portée en appel devant un juge de la chambre civile de la Cour du Québec (art. 238, Loi sur la police) dans les 30 jours suivant la réception de la décision par les parties (art. 243, Loi sur la police). Le juge peut ainsi confirmer ou infirmer la décision portée devant lui (art. 252, Loi sur la police).

Cependant, ce droit est réservé exclusivement à « toute personne partie à une instance devant le Comité », ce qui signifie que seuls le Commissaire ou le policier cité peuvent se prévaloir du droit d'appel (art. 241, Loi sur la police). Ainsi, le plaignant n'est nullement autorisé à aller en appel et doit se contenter de « transmettre un écrit au Commissaire pour faire valoir son point de vue sur l'opportunité de porter la décision en appel » (art. 240, Loi sur la police).

L'appel a pour effet de suspendre l'exécution de la décision du Comité (art. 246, Loi sur la police) et il est instruit et jugé d'urgence (art. 248, Loi sur la police). La Loi prévoit que la Cour du Québec peut « rejeter sommairement un appel qu’il juge abusif ou dilatoire ou l’assujettir aux conditions qu’il détermine » dans les dix jours qui suivent la signification de l'avis d’appel ou encore lors de l’audience qu'il tient sur l’appel (art. 247, Loi sur la police).

Enfin, la Loi stipule que le juge « rend sa décision en se fondant sur le dossier qui a été transmis à la Cour, après avoir permis aux parties de se faire entendre » (art. 249, Loi sur la police). Toutefois, la Loi permet au juge de « réviser ou révoquer toute décision qu'il a rendue lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente » (art. 254, Loi sur la police).

Notons que la Cour du Québec n'est que le premier niveau d'appel en matière de déontologie policière. Ainsi, l'appelant débouté par la Cour du Québec peut s'adresser à la division civile de la Cour supérieure du Québec. Ensuite, l'appelant peut toujours tenter sa chance devant la Cour d'appel du Québec. La Cour suprême du Canada représente le dernier et ultime niveau d'appel.

Demandes d'excuse

Depuis juin 2006, tout policier qui a été sanctionné pour un acte dérogatoire au Code de déontologie peut présenter une demande afin que sa conduite dérogatoire soit excusée. Cette demande ne peut toutefois être accordée pour un acte dérogatoire qui a conduit à la destitution ou au congédiement du policier fautif (art. 255.1, Loi sur la police).

La demande d'excuse peut être présentée deux ans après l'exécution de la sanction, lorsque celle-ci consiste en un avertissement, une réprimande ou un blâme, et trois ans après lorsque la sanction consiste en une suspension ou une rétrogradation. Dans le cas d'un policier qui a échappé à l'imposition d'une sanction suite à sa démission ou sa retraite et a été déclaré inhabile à exercer des fonctions d'agent de la paix, la demande peut être présentée trois ans après l'expiration de la période pour laquelle il a été déclaré inhabile. Lorsqu'un policier ayant déjà été excusé présente une demande d'excuse relativement à un nouvel acte dérogatoire, il doit avoir attendu trois ans après l’exécution de la sanction relative à cet acte (art. 255.2, Loi sur la police).

L'excuse n'est pas accordée automatiquement et peut être refusée si le policier a déjà été reconnu coupable d'une infraction criminelle ou « s'il fait l'objet d’une poursuite criminelle ou, dans l'année précédant la présentation de sa demande, d'une allégation relative à une infraction criminelle » (art. 255.1 par. 3°, Loi sur la police) ou si « une procédure le concernant en matière déontologique, y compris une plainte, est en cours devant le Commissaire, le Comité, la Cour du Québec ou tout autre tribunal supérieur » (art. 255.1 par. 4°, Loi sur la police) ou encore s'il « est sous le coup d'une autre sanction déontologique » (art. 255.1 par. 5°, Loi sur la police) au moment de la présentation de sa demande.

Lorsque les conditions de recevabilité sont remplies et que le Commissaire n'a aucune objection à faire valoir, « l'excuse est accordée de plein droit pour une première demande, si la sanction était l'avertissement, la réprimande ou le blâme ». Dans le cas où la sanction était la suspension ou la rétrogradation ou si le Commissaire souhaite exprimer des objections, le greffier soumet alors la demande à l'appréciation du Comité. Notons aussi que « toute nouvelle demande présentée par un policier déjà excusé ou qui s’est vu refuser une excuse est également soumise à l’appréciation du Comité » (art. 255.6, Loi sur la police).

Lorsqu'il rend une décision relativement à une demande d'excuse, le Comité « prend notamment en considération la gravité de l'acte dérogatoire commis et la conduite du policier depuis le prononcé de la sanction ». Dans les cas où il l'estime nécessaire, le Comité invite le policier concerné, le directeur du corps de police qui a procédé à l'imposition de la sanction, le directeur du corps de police dont il relève le jour de la demande, ainsi que le Commissaire, à faire valoir leurs observations par écrit dans le délai qu'il fixe ou verbalement dans le cadre d’une séance dont il fixe la date et le lieu. Cette procédure devient obligatoire lorsque le policier ayant déjà été excusé pour un acte fautif, est sanctionné pour un nouvel acte dérogatoire ou lorsqu'il s’agit d'une nouvelle demande relative au même acte dérogatoire (art. 255.7, Loi sur la police).

Lorsque la demande d'excuse est approuvée, le greffier du Comité délivre au policier concerné une attestation établissant qu'il a été excusé et faisant mention de chacun des actes pour lesquels il avait été sanctionné. Notons que « la délivrance de l'attestation est consignée au registre tenu à cette fin au greffe » et « le dossier du policier fait mention de l’excuse qui lui a été accordée » (art. 255.9, Loi sur la police).

Une fois la demande accueillie, l'acte qui en faisait l'objet ne peut plus être opposé au policier qui l'a commis, à moins que l'excuse qui lui a été accordée n'ait été annulée ou que le Comité n'ait à lui imposer une sanction pour un nouvel acte dérogatoire qu'il a commis (art. 255.10, Loi sur la police).

Notons que toute décision du Comité en matière d'excuse est sans appel. « Toutefois, lorsqu'un fait nouveau est découvert qui aurait pu justifier une décision favorable, le policier débouté peut demander la révision de la décision » alors que « si le fait nouveau est de nature à justifier l'annulation d'une excuse déjà accordée, la révision peut être demandée par le Commissaire » (art. 255.11, Loi sur la police).

Le niveau de performance du système

Durant l'année financière 2007-2008, le Commissaire a reçu un total de 1459 plaintes, dont 40,7 % visaient des policiers du Service de police de la ville de Montréal (SPVM). Durant cette période, le Commissaire a déposé 134 rapports d'enquête tandis que le taux de succès de la procédure de conciliation s'élevait à 79,8 %.

Le délai moyen de traitement des plaintes a été de 73,1 jours tandis que le délai moyen des enquêtes a été de 210 jours. Le délai moyen pour le traitement des dossiers (soit la période entre la date du dépôt de la citation et la date de la décision finale) était de 15,5 mois.

Par ailleurs, les frais de conciliation et d'enquête remboursables par les corps policiers se sont élevés à une somme totalisant 574 491 $ (soit 190 692 $ en conciliations et 383 799 $ en enquêtes).

Durant cette même période, le Commissaire a déposé seulement 44 citations au greffe du Comité de déontologie policière. Ces 44 citations regroupaient un total de 93 chefs (actes dérogatoires reprochés) et impliquaient 47 policiers, dans lesquels on comptait 19 membres du SPVM.

De son côté, le Comité a rendu 20 décisions en matière de sanctions, qui impliquaient 56 citations, 160 chefs de citations et 67 policiers. Sur les 56 citations, le Comité a jugea que 20 d'entre elles présentaient au moins un acte dérogatoire (dont la moitié impliquait des membres du SPVM) et que 36 citations étaient non dérogatoires. Sur les 67 policiers cités, le Comité conclut 22 fois à une conduite dérogatoire et rejeta les citations dans 45 cas. Le délai moyen de délibération du Comité sur une décision en matière de citation a été de 59 jours.

Au total, le Comité a prononcé 39 sanctions, incluant 26 suspensions (dont 17 visaient des membres du SPVM), une destitution et quatre déclarations d'inhabilité à exercer la fonction de policier. Par ailleurs, 57 demandes d'excuses ont été présentées, dont 18 provenant de membres du SPVM. Les demandes d'excuses ont été accordées dans 93,7 % des cas.

Le Comité a aussi rendu 36 décisions sur des demandes de révision de décisions du Commissaire, dont 30 qui rejetaient la demande du plaignant, 2 qui accueillaient la demande avec ordonnance de citer les policiers et 4 qui accueillaient la demande avec une ordonnance de poursuivre l'enquête.

Plaintes répertoriées sous la rubrique du profilage racial

En 2006, le Commissaire a établi un système de repérage des plaintes alléguant racisme et discrimination à la suite d'un engagement pris lors des travaux du Groupe de travail sur le profilage racial co-présidé par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et le ministère de la Sécurité publique. Pour la troisième année consécutive, le Commissaire a présenté un bilan du traitement des plaintes se rapportant à des cas de profilage racial dans son rapport couvrant l'année financière 2007-2008.

Ainsi, entre le 1er avril 2007 et le 31 mars 2008, le Commissaire a reçu 97 plaintes renfermant des allégations de racisme et de profilage racial, ce qui représentait 6,6 % de toutes les plaintes enregistrées pendant cette période. Des organismes d'aide, de soutien et de recherche non gouvernementaux, notamment le Centre de Recherche-Action sur les Relations Raciales (CRARR) et la Ligue des Noirs du Québec, étaient impliqués dans environ 24,7 % de ces plaintes.

Le deux tiers des plaintes répertoriées (70,1 %) avaient été portées contre des membres du SPVM, tandis que 24,7 % d'entre elles visaient d'autres corps de police municipaux. Des arrestations en vertu du Code de la sécurité routière furent à l'origine de 15 plaintes, tandis que 29 autres furent suscitées par des interpellations et 21 autres suite à diverses autres formes d'intervention.

Sur ces 97 plaintes, seule l'une d'elle donna lieu à une citation devant le Comité de déontologie. Le Commissaire rejeta 11 plaintes en invoquant l'absence de collaboration du plaignant, tandis que 22 autres connurent le même sort sous prétexte d'une « absence manifeste de base factuelle suffisante ». Enfin, 19 plaintes ont été réglées suite à une entente intervenue en conciliation alors que 19 autres faisaient l'objet d'une enquête qui était toujours en cours au moment de la publication du rapport annuel du Commissaire.

Les risques de représailles policières

Ne nous faisons pas d'illusions : certains policiers ne reculent devant rien, incluant l'autorité des lois, pour avoir le dernier mot. Ainsi, il serait faux de prétendre que les risques de représailles policières sont totalement inexistants pour les personnes qui portent plainte en déontologie policière.

Le type de représailles policières le plus commun survient lorsque le plaignant fait soudainement l'objet d'une poursuite pénale ou criminelle après que celui-ci eut exercé son droit de porter plainte en déontologie policière.

Pour cette raison, il est préférable qu'une personne désireuse de porter plainte relativement à un incident pour lequel elle n'a reçu aucune accusation attende six mois après l'événement avant d'envoyer sa plainte au Commissaire. Une fois ce délai écoulé, le plaignant ne pourra plus être poursuivi pour une infraction criminelle punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire puisque celles-ci se prescrivent par six mois à compter du fait en cause (art. 786 (2), Code criminel). De plus, si le plaignant dépose sa plainte juste avant la date limite d'un an, il élimine le risque de faire l'objet d'une poursuite pénale, celles-ci se prescrivant par un an à compter de la date de la perpétration de l'infraction (art. 14, Code de procédure pénale).

Par ailleurs, le passé a déjà démontré qu'il pouvait être risqué pour un plaignant de se présenter à une séance de conciliation lorsqu'il fait l'objet d'un mandat d'arrestation. En effet, dans l'affaire Commissaire à la déontologie policière c. Bau (C-98-2642-3, 98-0319-2,3) les agents du SPVM Franco Bau et Frédérick Tomie du Poste de quartier 20 avaient enquêté sur le plaignant avant de se rendre à la séance de conciliation qui se tenait aux bureaux du Commissaire, le 3 avril 1998.

Lorsque les agents téléphonèrent au 8888, soit le Service de renseignements sur les informations policière, la préposée leur affirma qu'un mandat d'arrestation avait été émis à l'égard de plaignant relativement à une affaire de vol. Les deux agents se rendirent ensuite aux bureaux du Commissaire, tel que convenu. Une fois sur place, la situation fit l'objet d'une discussion entre les deux agents, leur conseiller syndical et la conciliatrice.

Le conseiller syndical était d'avis que le mandat contre le plaignant devait être exécuté mais par d'autres agents. De son côté, la conciliatrice en référa à ses supérieurs, suite à quoi elle affirma que si le plaignant était arrêté les deux agents seraient alors cités devant le Comité pour être intervenus indûment dans le processus de conciliation.

Lorsque le plaignant se présenta avec son épouse aux bureaux du Commissaire pour prendre part à la conciliation, il fut informé du mandat qui pesait contre lui. Le plaignant protesta alors de son innocence. Deux autres policiers furent ensuite dépêchés sur les lieux et procédèrent à l'arrestation du plaignant, qui fut emmené au Poste de quartier 21.

Lorsqu'il revint à son lieu de travail, l'agent Bau décida de procéder à une vérification additionnelle compte tenu du fait que le plaignant avait nié l'affaire. En consultant le dossier, le policier découvrit que l'individu recherché portait le même nom que le plaignant mais n'avait pas la même date de naissance. L'agent Bau contacta alors la préposée au 8888, qui reconnut son erreur.

Le plaignant fut libéré par les agents du Poste de quartier 21 peu après. Outré par le comportement des policiers, le plaignant informa la procureure du Commissaire qu'il ne viendrait pas témoigner devant le Comité car il craignait de se retrouver à nouveau en contact avec les policiers.

De son côté, le Commissaire cita les deux agents, en leur reprochant quatre actes dérogatoires : 1) ne pas s'être comportés de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent leurs fonctions en faisant arrêter le plaignant ; 2) ne pas avoir exercé leurs fonctions avec désintéressement et impartialité en obtenant à des fins personnelles et sans motifs légitimes des renseignements privilégiés du Centre de renseignements des policiers du Québec au sujet du plaignant ; 3) ne pas avoir respecté l'autorité de la loi et des tribunaux et ne pas avoir collaboré à l'administration de la justice, d'une part, en demandant à des agents de la paix d'arrêter le plaignant sans motifs légitimes 4) et d'autre part, en empêchant la justice de suivre son cours dans le traitement de la plainte du plaignant.

Comme nous le voyons, les tentatives de représailles peuvent elle-mêmes être risquées pour les policiers dans la mesure où elles peuvent se retourner contre les agents visés par la plainte. Cependant, les agents Bau et Tomie s'en tirèrent plutôt puisque le Comité rejeta les citations portées à leur égard. De plus, la décision du Comité fut confirmé en appel par le juge Clermont Vermette en Cour du Québec (C.Q. 500-02-083833-00, 11 avril 2001).