Une trentaine de manifestants réclament près de 420 000$ à la Ville de Montréal

Une trentaine de manifestants qui affirment avoir été victimes de profilage politique de la part du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pendant des manifestations réclament un dédommagement financier de 419 000 $ et la création d’une formation pour les policiers afin de mettre fin à des pratiques qu’ils jugent discriminatoires.

Dès lundi, 29 personnes qui disent avoir été injustement arrêtées, menottées et dans certains cas blessées par des agents du SPVM lors de trois manifestations survenues en 2013 et en 2015 verront leur cause se transporter devant le Tribunal des droits de la personne dans le cadre d’un procès contre le corps de police et la Ville. Celui-ci s’étirera jusqu’au 16 mars au palais de justice de Montréal.

Ces manifestants sont représentés par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) et reçoivent le soutien de trois organismes plaignants, dont la Ligue des droits et libertés (LDL) et le Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE). Ce dernier appuie bénévolement 20 manifestants qui réclament en tout 240 000 $, disant avoir été injustement arrêtés sur la base de leurs convictions politiques le 10 octobre 2013 lors d’une manifestation à caractère environnemental au centre-ville de Montréal.

« On est persuadés qu’il y a eu un traitement différencié [des manifestants], qu’il y a eu du profilage », lance sans ambages la coordonnatrice générale du RQGE, Chantal Levert.

Ce jour-là, entre 200 et 300 manifestants s’étaient réunis au square Victoria tandis que se déroulaient au Palais des congrès les audiences de l’Office national de l’énergie sur un projet de pipeline de la compagnie Enbridge. Puisqu’aucun itinéraire n’avait été fourni aux forces de l’ordre, cette manifestation a rapidement été déclarée illégale en vertu de l’ancien règlement P-6 de la Ville, qui a été aboli en 2019.

« Les effectifs policiers déployés étaient considérables, notamment la brigade urbaine, l’escouade vélo, l’escouade antiémeute, la cavalerie et l’hélicoptère de la Sûreté du Québec », rappelle la CDPDJ dans un mémoire rédigé en prévision de ce procès, dont Le Devoir a obtenu copie.

Des dizaines de manifestants ont été encerclés par des policiers dans le cadre de cette manifestation pacifique. Les victimes présumées ont alors été « maintenues dans la souricière entre une et deux heures en moyenne, sans eau ni nourriture, sans accès à des toilettes et sans pouvoir quitter le périmètre », ajoute la CDPDJ, qui fait état de « comportements d’intimidation » et de « violence » à l’égard des plaignants. Un des manifestants aurait par ailleurs subi une fracture du poignet lors de son arrestation.

Aspect politique

Les deux autres événements concernent des manifestations contre la brutalité policière survenues toutes deux le 15 mars, en 2013 et en 2015, lors desquelles des centaines de policiers ont été déployés pour mettre fin à celles-ci. Par ailleurs, presque tous les manifestants représentés par la CDPDJ ont reçu lors de ces manifestations des contraventions dépassant parfois 630 $ pour avoir pris part à ces événements. Des accusations qui sont toutes tombées par la suite par ordre de la cour.

La Commission recense pourtant une trentaine de manifestations survenues entre 2012 et 2014 que le SPVM a alors « tolérées » même si aucun itinéraire ne lui avait été fourni au préalable. Celles-ci portaient notamment sur le droit au logement et sur la régularisation des personnes sans statut légal. La CDPDJ avance ainsi que les manifestants qu’elle représente ont été ciblés par les forces de l’ordre en raison de leurs convictions politiques.

En plus de réclamer 419 000 $ pour les dommages moraux et punitifs subis par ces 29 manifestants dans le cadre de ces trois événements, la CDPDJ espère pouvoir forcer le SPVM à offrir une formation portant sur le profilage politique à ses dirigeants et à ses policiers. Elle réclame d’autre part la création d’un système de collecte de données au sujet des interventions réalisées par des policiers lors de manifestations à Montréal afin de distinguer les cas de profilage politique.

La Ville et le SPVM ont refusé de commenter ce dossier en raison du procès à venir. Les manifestants joints par Le Devoir ont aussi refusé de livrer leur témoignage, sur la recommandation de leurs avocats. Du lot des plaignants, on compte la présidente du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN, Dominique Daigneault, et la porte-parole de la LDL, Lynda Khelil.

Le mois dernier, Le Devoir révélait que la Ville entendait remettre 6 millions de dollars à des manifestants pour mettre fin à 16 actions collectives contre le SPVM.

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