Des organismes lancent leur propre consultation sur le racisme systémique

En colère contre l’attitude du gouvernement de Philippe Couillard, qui a annulé la commission sur le racisme systémique afin de la remplacer par un forum axé sur l’intégration des immigrants dans le marché de l’emploi, près de 50 organismes ont décidé mardi de lancer leur propre consultation publique.

«Ce qu’a fait le gouvernement, c’est carrément une trahison pour toutes ces personnes qui vivent le racisme au quotidien. Un tel forum ne répond qu’aux besoins des élites économiques qui cherchent à mettre des personnes immigrantes dans des emplois précaires, alors que le racisme se vit dans de nombreux milieux», a clamé Safa Chebbi, la porte-parole de la Table de concertation contre le racisme systémique (TCRS).

Alors que Québec organise ce mercredi, durant une seule journée, cette rencontre controversée, décriée par de nombreux organismes qui ont refusé d’y participer, les voix s’élèvent contre ce qui est défini comme un «calcul électoraliste» par la TCRS.

«Le gouvernement a fait volte-face alors que le racisme est un enjeu de droit humain, a ajouté Alexandra Pierre, membre de la Ligue des droits et des libertés (LDL). Cette journée instrumentalise les personnes racisées et n’est pas à la hauteur, car on exclut des thèmes névralgiques comme l’accès au logement, à la santé, à la justice, à l’éducation ou au milieu culturel.»

«On ne dit pas que tous les Québécois sont racistes, mais le racisme systémique fait partie des structures de notre société et c’est en large partie inconscient. Il faut en prendre conscience pour le contrer.» – Alexandra Pierre, membre de la LDL

Avec l’aide de dizaines d’organismes, la TCRS compte réaliser une tournée dans l’ensemble de la province dans le but de réaliser un rapport et présenter des recommandations qui viseraient à la fois des institutions publiques et privées. Les membres de la table estiment que la population québécoise «est prête» pour ce genre d’initiative.

«Le gouvernement n’a aucun courage. On a essayé de nous monter les uns contre les autres, mais la société civile n’est pas dupe, a indiqué Haroun Bouazzi, coprésident de l’Association des musulmans et des arabes pour la laïcité au Québec (AMAL). Les gens savent que, quand on est noir au Québec, on est pénalisé.»

«Si les politiciens sont déconnectés de cette réalité des gens qui souffrent, la société est mature. Ce forum ne prétend même pas lutter contre le racisme. On ne peut pas régler un problème si on n’ose pas le nommer.» – Haroun Bouazzi, coprésident de l’AMAL

«C’est également une question de vision du monde», a précisé Jérôme Pruneau, directeur de Diversité artistique Montréal. Pour ce dernier, un «changement» passe par «une meilleure représentativité».

«Le racisme systémique s’est largement implanté dans nos institutions culturelles et médiatiques, a dit M. Pruneau. Pour progresser en tant que société, il faut reconnaître cette situation et la traiter en profondeur. Avant, le Québec était toujours considéré comme progressiste, mais en ce moment, on recule.»

Bien qu’aucun échéancier précis n’ait été promis, la rédaction de ce rapport pourrait prendre de «deux à trois ans», a indiqué la TCRS, qui compte clarifier, au cours des prochaines semaines, les balises de cette consultation.

«On ne va pas bâcler les choses et on ne veut pas dépendre d’un agenda politique et des prochaines élections», a lancé Haroun Bouazzi, qui a participé, dès mai 2016, aux premières revendications pour la création d’une commission sur le racisme systèmique, soutenue par de nombreuses personnalités et partis politiques, comme Québec Solidaire et Projet Montréal.

Appelé au début du mois d’octobre à remplacer Kathleen Weil, le nouveau ministre de l’Immigration, David Heurtel, a décidé de revoir complétement l’idée d’une commission sur le racisme systémique au Québec. Désormais intitulée Forum sur la valorisation de la diversité et la lutte contre la discrimination, cette rencontre, organisée dans la ville de Québec mardi, est axée sur l’intégration des personnes immigrantes dans le marché de l’emploi.

Québec félicite cette initiative
Le ministre David Heurtel a jugé cette initiative «complémentaire». Il a néanmoins tenu à corriger les propos de la TCRS en soulignant que les participants de ce Forum ont bien parlé de la lutte contre la discrimination, avant d’ajouter que cette rencontre «n’est pas une fin» en soi. «S’il y a des groupes qui veulent travailler sur l’enjeu du racisme systémique, moi je dis bravo! On va accueillir leurs travaux», a ajouté le ministre de l’Immigration.
Avec La Presse Canadienne

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