Affaire Berniquez, 8 ans plus tard: la coroner Kronström blanchit à son tour les flics assassins

Ce texte est dédié à Laurie Thomas, la mère de Michel Berniquez qui n'a jamais cessé de lutter pour la justice pour son fils. Elle est décédée durant l'été 2011, avant la sortie du rapport de la coroner Kronström. La famille Berniquez a annoncé qu'elle voulait poursuivre la coroner pour entrave à la justice, suite à la sortie de ce rapport.

Le 14 décembre 2012, la coroner Andrée Kronström a rendu public son rapport sur la mort de Michel Berniquez aux mains de 6 agents du SPVM.(1) On se souviendra que Berniquez est mort le 28 juin 2003 après avoir été battu et maîtrisé par 6 policiers et policières à Montréal-Nord. L'enquête publique, qui avait été demandée entre autres par la famille Berniquez et le Mouvement Action Justice, avait été ordonnée en 2005 mais la Fraternité des Policiers et Policières de Montréal (FPPM) est allée jusqu'en Cour Suprême du Canada pour tenter de la faire annuler, sans succès. Voilà pourquoi il aura fallu attendre 8 ans pour que cette enquête publique ait lieu.

On se souviendra que les demandes du COBP et de la Coalition Justice pour Anas de participer à cette enquête publique avaient été refusées par la coroner, sous prétexte que la brutalité policière n'avait joué aucun rôle dans la mort de Berniquez.(2) Elle a seulement laissé les militants et militantes contre la brutalité policière faire des "commentaires" à la fin de l'enquête, commentaires dont elle n'a aucunement tenu compte. L'enquête s'est donc déroulée avec, d'un côté un avocat représentant la famille Berniquez, et de l'autre, quatre avocats représentant la Ville de Montréal, la Fraternité et les 6 policiers et policières impliqué-e-s (Josée Cottenoir, Erik Lavallée, Marc-André Dubé, Claude Goulet, Linda Salvoni, Sandro Fabrici et Laurent Lisio, tous et toutes du poste 40).

En plus d'avoir exclu les militants, militantes et d'avoir décidé avant même le début de son enquête publique que la brutalité policière n'avait rien à voir avec la mort de Berniquez aux mains de 6 policiers, policières, la coroner a aussi exclu le témoignage de Louise Tremblay. Cette citoyenne de Montréal-Nord avait pourtant affirmé qu'elle avait vu une policière (probablement l'agente Cottenoir) frapper durement la tête de Berniquez sur le trottoir alors que ses collègues lui tenaient les bras et les jambes. Elle aurait alors dit « Mon dieu! Elle va le tuer! ».(3) Selon la coroner, Mme Tremblay n'aurait pas pu voir cela de l'endroit où elle se trouvait. Pourtant, les photos et le rapport médical montrent clairement que Berniquez a effectivement eu des coups à la tête.

La coroner Kronström affirme que la mort de Berniquez était un «décès accidentel multifactoriel» et que celui-ci était «difficilement évitable» en 2003. Les causes du décès, d'après la Dr. Sophie Gosselin, sont: «le fait que Berniquez était intoxiqué modérément à la cocaïne et aux méthamphétamines », en proie à un «délire agité » (4) et, surprise, «l'effort physique extrêmement intense» lié à l'intervention policière! La Dr. Gosselin n'est pas en mesure de donner un ordre d'importance à ces 3 facteurs. Ce que l’on sait par contre, c'est que le fait qu'il ait été maintenu au sol rapidement (par les policiers et policières, faut-il le préciser?) après cet effort physique intense le rendait «encore davantage à risque d'éprouver des problèmes cardiaques» (d'autant plus qu'il avait un problème de santé qui le rendait plus à risque de faire un arrêt cardiaque).

En excluant une témoin-clé, les militants et militantes contre la brutalité policière et toute hypothèse que cette brutalité ait pu contribuer à tuer Berniquez de son enquête publique, la coroner Kronström vient ajouter son nom à la longue liste des gens qui ont contribué à blanchir les 6 flics assassins: les policiers et policières du SPVM, la FPPM et les enquêteur-e-s de la SQ qui se sont arrangé-e-s pour les couvrir, le procureur de la couronne qui a décidé de ne pas porter d'accusations contre eux, le coroner Michel Ferland qui a osé affirmer que Berniquez avait été «l'artisan de son propre maleur» et qu'il méritait presque de mourir parce qu'il avait pris de la drogue...

Quant aux 6 flics assassins, on peu leur reprocher d'avoir utilisé leurs matraques télescopiques (qui étaient un «projet pilote» à cette époque...) sur un homme qui n'était pas armé, de l'avoir brutalement «amené» et maintenu au sol, et d'avoir été négligent-e-s face à sa vie en le laissant à plat ventre, menotté aux poignets et aux chevilles, au lieu de le placer en position de sécurité. En effet, quand les ambulanciers, ambulancières sont arrivé-e-s sur les lieux, les flics «reprenaient leur souffle», alors que Berniquez était encore couché à plat ventre et que lui ne respirait plus. En plus, alors qu'il était inconscient, ce n'est qu'une fois dans l'ambulance que les policiers et policières lui ont ôté les menottes.

La coroner tente de trouver un «happy ending» à cette histoire tragique en parlant d'un «avenir prometteur» grâce aux formations sur le «délire agité» et au tribunnal en santé mentale qui permettrait de mieux encadrer les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et/ou de consommation de drogue. Mais tant que les policiers et policières pourront tuer, même par «accident», en toute impunité, ils et elles continueront de le faire, que leurs victimes soient des personnes en crise ou non, qu'elles soient armées ou non. Les morts de Jean-François Nadreau, Farshad Mohammadi, Mario Hamel, Patrick Limoges, Patrick Saulnier et tant d'autres en témoignent pour tou-te-s les coroners et les autres personnes qui préfèrent fermer les yeux sur le problème des bavures policières impunies.

Justice pour Michel Berniquez!
Solidarité avec la famille Berniquez et toutes les familles de victimes des flics!

1) «Rapport d'enquête de Me Andrée Kronstrôm, coroner, sur les causes et circonstances du décès de Monsieur Michel Berniquez survenu à Montréal le 28 juin 2003», Novembre 2012.
2) «Intervention de la Coalition Justice pour Anas à l'enquête publique du coroner sur la mort de Michel Berniquez», Montréal, 7 décembre 2011, http://cobp.resist.ca/documentation/intervention-de-la-coalition-justice...
3) Dany Bouchard, «Cette femme a vu une policière frapper la tête de Berniquez sur le trottoir», Journal de Montréal, 3 juillet 2003.
4) Le «délire agité" est une condition médicale inventée pour expliquer des décès aux mains de la police (et surtout pour éviter tout blâme à ces derniers et ces dernières: on dit qu'ils ou elles sont mort-e-s du «délirium agité », plutôt de dire que c'est à cause des policiers ou policières...). Ses effets seraient: «altération de l'état de conscience, agressivité extrême, combativité avec force surhumaine, hyperthermie, tachycardie, insensibilité à la douleur et attirance à briser du verre ou des miroirs. » (?!) Au Québec, c'est depuis 2009 qu'on reconnaît l'existence de ce syndrôme, qui a au moins pour mérite de faire que les policiers et policières qui reconnaissent ces symptômes sont supposé-e-s appeler une ambulance dans les plus brefs délais. Voir entre autres le site http://excited-delirium.blogspot.ca/ pour plus d'infos.

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