Déclaration sur le rétablissement des dispositions anti-terroristes

English version follows *(Ottawa, Canada, 28 Novembre 2012) –
La « British Columbia Civil Liberties Association » (BCCLA), le Conseil canadien en relations islamo-américaines (CAIR-CAN), l'Association canadienne des libertés civiles (ACLC), la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université (ACPPU) et la Ligue des droits et libertés s‟unissent pour s‟opposer à la réintroduction dans le Code criminel du Canada de dispositions controversées en matière de sécurité. Toutes les associations sont unanimes à reconnaître que les pouvoirs actuels d‟application de la loi permettent déjà aux organes de sécurité de poursuivre, d'enquêter, d‟interrompre et de traduire en justice, avec succès, des crimes reliés au terrorisme.

Le projet de loi S-7, connu aussi comme « la Loi sur la lutte contre le terrorisme », permettrait de détenir des personnes jusqu'à trois jours sans accusation (« arrestation à titre préventif »); de priver des individus des droits fondamentaux de l'accusé, dans une procédure criminelle, de connaître et de pouvoir contester les preuves retenues contre lui; de les menacer de sanctions pénales; et de contraindre des individus à témoigner en secret devant un juge lors d'une « audience d‟investigation ». De plus, le juge peut imposer une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 12 mois si l‟individu ne souscrit pas à un engagement assorti de conditions.

Il n'est pas nécessaire, pour être visés par ces dispositions, que les individus soient soupçonnés d‟avoir commis un crime quelconque. Il suffit qu'ils soient présumés en possession de renseignements reliés à une infraction de terrorisme, ou présumés associés à un autre individu suspecté de commettre (ou d‟être sur le point de commettre) une infraction terroriste ou encore qu‟ils soient soupçonnés d'implication future éventuelle dans une infraction terroriste. En outre, la portée du projet de loi S-7 dépasse les frontières du Canada et pourrait mener éventuellement à l‟utilisation de renseignements étrangers. Sans la possibilité de contester les preuves retenues, il n‟y a aucune garantie de l‟exactitude de ces preuves, ni du fait qu‟elles n‟aient pas été obtenues d‟un pays tiers ou d'une source qui utilise ou tolère la torture comme méthode d‟obtention d‟informations. [Il est à noter que le gouvernement canadien autorise déjà les organes d'application de la loi à accepter des renseignements susceptibles d‟avoir été obtenus sous la torture, en violation des normes et des accords internationaux].

Dans de tels cas, les individus peuvent se retrouver pris dans ces dispositions de détention et d‟interrogatoire, sans aucun recours légal effectif.

Aux termes de ces dispositions, des individus pourraient être contraints de témoigner devant un tribunal, arrêtés, détenus ou assujettis à des conditions de cautionnement – tout cela sans qu'aucune accusation n'ait été portée. Ces individus n'ont aucun droit de connaître, ni possibilité de contester les éléments qui ont entraîné leur arrestation à titre préventif ou qui les ont obligés à participer à ces audiences d‟investigation.

Même si ces audiences d'investigation se donnent l‟apparence de suivre l'application régulière de la loi, en exigeant l'autorisation judiciaire, l'immunité contre l'utilisation de la preuve ou de la preuve dérivée et le droit à un avocat, elles ne respectent pas l'esprit de l'application régulière de la loi, ni le droit de ne pas s'accuser soi-même.

Non seulement, les audiences d'investigation introduisent la notion de justice inquisitoire, mais ells transforment aussi le rôle du juge qui devient alors un acteur au service des enquêtes policières. De plus, les audiences d'investigation vont à l'encontre du principe fondamental de la séparation des pouvoirs dans une démocratie et minent l'indépendance du pouvoir judiciaire. En outre, il n‟y aucune garantie qui empêche un pays tiers de s‟appuyer sur ce témoignage pour détenir illégalement ou porter des accusations contre cet individu, ses proches ou ses connaissances à l'étranger.

Il faut tenir compte aussi de l‟effet stigmatisant pour un individu d‟être suspecté de terrorisme ou d‟association à des activités terroristes. Le stigmate associé à une accusation de terrorisme est grave et comparable seulement à l‟étiquette de violeur ou d‟agresseur d'enfants. Et pourtant, les dispositions proposées par ce projet de loi assimileraient cet individu à un terroriste, sans même que les agents d'application de la loi n'aient de motifs pour porter des accusations, ni de preuves suffisantes pour obtenir une condamnation criminelle. Il ne faut pas négliger, ni minimiser le préjudice potentiel causé à des réputations individuelles, sans parler des conditions de vie et des emplois de ces individus.

Avant l'adoption de la Loi antiterroriste en 2001, le Code criminel était déjà un outil efficace pour lutter contre le terrorisme. Il permettait la surveillance légale, la collecte de preuves, la poursuite, la condamnation et l‟imposition de peines, tout en préservant aussi les droits garantis par la Charte, tels que la présomption d'innocence, l'application régulière de la loi et un procès public et équitable. Ces dispositions soi-disant antiterroristes ne maintiennent pas ces normes légales fondamentales. Le rétablissement de ces dispositions expirées n‟ajoute aucune valeur à notre droit, ni au droit de l‟enquête et de l‟application de la loi. En fait, elles pourraient même entraver des mesures anti-terroristes efficaces, en alertant les auteurs de crime potentiels du fait qu‟ils font l‟objet d‟une enquête. Cette possibilité a été réaffirmée par le rapport d‟enquête sur le vol d‟Air India, publié en 2010, qui déclarait que la surveillance électronique est un outil important pour recueillir des preuves dans des enquêtes antiterroristes.

On ne répétera jamais assez que l‟efficacité et la nécessité de ces dispositions n‟ont tout simplement pas été démontrées. Les lois sur l‟arrestation à titre préventif et l‟audience d‟investigation, en vigueur de 2001 à 2007, n‟ont jamais été utilisées pour leurs fins prévues; et depuis 2001 au Canada, tous les incidents criminels majeurs reliés au terrorisme ont été perturbés et évités sans recourir à la détention à titre préventif ou à des audiences d‟investigation.

Le renouvellement de ces dispositions normaliserait des pouvoirs exceptionnels en contradiction avec les principes démocratiques établis et menacerait des libertés civiles gagnées de haute lutte. L‟adhésion à la règle de droit signifie que les mesures anti-terroristes doivent respecter les valeurs enchâssées dans la Charte des droits et libertés et ne sauraient léser ces droits fondamentaux.

Nous invitons tous les Canadiens et Canadiennes à rejeter ces empiètements inutiles sur les libertés fondamentales et à interpeller leurs représentants élus pour qu‟ils fassent de même lorsque ce projet de loi sera soumis au vote.

Endossée par :

  • la Ligue des droits et libertés la « British Columbia Civil Liberties Association » (BCCLA)
  • l‟Association canadienne des professeures et professeurs d‟université (ACPPU)
  • l‟Association canadienne des libertés civiles (ACLC)
  • le Conseil canadien en relations islamo-américaines (CAIR-CAN)
  • la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC)

Statement on Reintroduction of Anti-Terrorism Provisions *
(Ottawa, Canada - November 28, 2012) -

The British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA), the Canadian Council on American-Islamic Relations (CAIR-CAN), the Canadian Civil Liberties Association (CCLA), the International Civil Liberties Monitoring Group (ICLMG), the Canadian Association of University Teachers (CAUT) and La Ligue des droits et libertés are united in their opposition to the reintroduction of controversial security provisions into the Criminal Code of Canada. All are in agreement that the current powers of law enforcement already allow security agencies to pursue, investigate, disrupt, and successfully prosecute terrorism-related crimes.

Bill S-7, also known as the „Combating Terrorism Act‟, would allow persons to be detained for up to three days without charge (“preventive arrest”); strip individuals of their basic rights as accused under criminal proceedings to know and challenge evidence against them; threaten them with criminal punishment; and compel individuals to testify in secret before a judge in an “investigative hearing". Further, the judge may impose imprisonment of up to 12 months if the person does not enter into recognizance.

Individuals subject to these provisions do not necessarily have to be suspected of committing any crime. It is enough that they are alleged to have information relating to a terrorism offence, or that they are alleged to be associated with another individual suspected of committing (or about to commit) a terrorism offence, or that they are otherwise suspected of potential future involvement with a terrorism offence. Furthermore, the scope of Bill S-7 extends beyond Canada‟s borders, and could potentially result in a reliance on foreign intelligence. Without the ability to challenge evidence, there is no guarantee that the evidence is accurate, or was not obtained from a third country or source that conducts or condones torture as a method to elicit information. [It should be noted that the Canadian government has already given the green light to law enforcement agencies to accept information that may have been derived through torture, in violation of international agreements and standards].

In all such cases, individuals may find themselves caught up in these detention and interrogation provisions without any effective legal recourse.

Under these provisions, individuals could be forced to testify in a court of law, arrested, detained or made subject to bail conditions – all without charges being laid. Individuals have no right to know, and no opportunity to challenge, the basis on which they are being subjected to preventive arrest or required to attend investigate hearings.

While the proposed investigative hearings give the appearance of respecting due process, such as requiring judicial authorization, use and derivative use immunity, and the right to counsel, they still do not comply with the spirit of due process and the right against self-incrimination.

Investigative hearings not only introduce the notion of inquisitorial justice, they also transform the role of the judge who then becomes an actor at the service of police investigations. In addition, investigative hearings run counter to the essential principle of the separation of powers in a democracy and undermine the independence of the judiciary. Moreover, there are no safeguards to prevent a third country from relying on that testimony to unlawfully detain or lay charges against that individual, their family members or acquaintances while abroad.

The stigmatizing effect of being labeled a terrorism suspect, or an individual associated with terrorist activities, must also be considered. The stigma attached to an accusation of terrorism is severe, and comparable only to being branded a rapist or child molester. Yet the provisions proposed in this bill would effectively tar an individual as a terrorist, even though law enforcement officials may not have any grounds to lay charges or any evidence to secure a criminal conviction. The potential harm to individual reputations not to mention their livelihoods and continued employment cannot be discounted nor trivialized.

The Criminal Code, prior to the adoption of the Anti-Terrorism Act in 2001, was already an effective tool to counter terrorism. It allowed for lawful surveillance, evidence-gathering, prosecution, conviction and punishment while also upholding an individual‟s Charter rights to the presumption of innocence, due process and a fair and transparent trial. These so-called anti-terrorism provisions do not maintain these basic legal standards.

The reintroduction of these sun-setted provisions adds no value to our law or to law investigation and enforcement. Indeed, they may actually impede effective counter-terrorism measures by tipping off potential perpetrators that they are under investigation. This was reaffirmed by the Air India Inquiry Report, released in 2010, which stated that electronic surveillance is an important evidence-gathering tool in anti-terror investigations.

It cannot be emphasized enough that the effectiveness and necessity of these provisions have simply not been demonstrated. The preventive arrest and investigative hearing laws, in effect from 2001 to 2007, were never once used for their intended purpose, and every major criminal terrorism-related incident in Canada since 2001 has been disrupted and prevented without the need for preventive detention or investigative hearings.

Renewing these provisions would normalize exceptional powers inconsistent with established democratic principles and threaten hard-won civil liberties. Commitment to the rule of law means that counter-terrorism measures must adhere to the values embodied in the Charter of Rights and Freedoms, and cannot infringe on basic rights. We urge Canadians to reject these unnecessary encroachments on fundamental liberties and to call upon their elected representatives to do the same when this bill comes to a vote.

Endorsed by:

  • British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA)
  • Canadian Association of University Teachers (CAUT)
  • Canadian Civil Liberties Association (CCLA)
  • Canadian Council on American-Islamic Relations (CAIR-CAN) International Civil Liberties Monitoring Group (ICLMG)
  • La Ligue des droits et libertés
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