Deux camarades condamnés à 6 mois de prison pour leur participation aux mobilisations contre le sommet du G20 de Toronto (juin 2010)

Montréal, le 4 octobre 2013 – Aujourd'hui au Palais de justice de Montréal, Guillaume Constantineau et Youri Couture, deux militants anticapitalistes de Saint-Jérôme (à proximité de Montréal) ont plaidé coupable à trois chefs d'accusation découlant de leur participation aux mobilisations historiques contre le sommet du G20 de Toronto, les 25, 26 et 27 juin 2010. Tous deux devront purger une peine de six mois d'emprisonnement dans une prison provinciale de la région de Montréal (Bordeaux), à compter d'aujourd'hui.

En vertu d'une entente survenue à l'issue d'un processus de négociation de plaidoyer entre les défendeurs et les procureurs de la Couronne de Toronto, le dossier des deux accusés a été transféré au Québec et la peine prononcée aujourd'hui à Montréal par le juge Marc David sera purgée au Québec. Il est par ailleurs convenu qu'aucune période de probation ne sera imposée suite à la peine d'emprisonnement.

De plus, en échange du plaidoyer de culpabilité pour les trois chefs retenus (voie de fait armée contre un « agent de la paix », possession d'arme et méfait de plus de 5 000$), la Couronne a accepté de retirer tous les autres chefs déposés contre Youri et Guillaume (quatre chefs chacun).

La fermeture des dossiers de Guillaume et Youri marque la conclusion des poursuites contre des accusé-e-s québécois-e-s dans la foulée du sommet du G20.

Plus de détails sur l'audience de détermination de la peine ci-dessous.

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Résumé de l'audience de détermination de la peine :

À 9h30, la procureure de la Couronne Elizabeth Nadeau, qui s'est déplacée de Toronto pour faire sa représentation à l'audience de détermination de la peine, est absente de la salle d'audience et n'est apparemment pas joignable.

Le juge fait remarquer qu'un des chefs d'accusation (vol) est de stricte compétence provinciale et ne peut donc être transféré au Québec.

L'audience est suspendue en attendant que la Couronne se manifeste.

L'audience reprend vers 11h. Le premier point d'ordre est la langue dans laquelle les procédures doivent se dérouler. La procureure Nadeau ne comprends pas un strict mot de français, et les avocats de la défense à Toronto ont signé au nom de leurs clients une déclaration acceptant que l'audience se déroule en anglais (avec traduction vers le français) pour accommoder la Couronne. Après examen, les deux défendeurs renoncent explicitement à leur droit fondamental à ce que les procédures se déroulent dans la langue de leur choix. (Techniquement, ils auraient pu insister, mais le risque aurait alors été de compromettre l'entente sur le plaidoyer et d'étirer encore les procédures. Ils ont fait le choix légitime d'en finir une fois pour toutes aujourd'hui même.)

Le reste de l'audience se déroule en anglais.

Deuxième point d'ordre, le chef d'accusation non transférable porté contre Guillaume (vol). La Couronne accepte de retirer ce chef d'accusation, qui avait été retenu dans l'entente de plaidoyer en dépit du fait que ce type d'accusation est de stricte compétence provinciale et non transférable.

Maître Elizabeth Nadeau représente la Couronne.
Maître Charrette agit à titre d'amie de la cour, du côté de la Couronne.
Maître Étienne Poitras représente les défendeurs.

L'acte d'accusation est déposé. Les deux accusés renoncent à la lecture des chefs d'accusation.

L'accusé Youri Couture plaide coupable aux chefs 1, 5 et 11 (sur une liste de 14 chefs), soit voie de fait armée contre un « agent de la paix », possession d'arme et méfait de plus de 5 000$.

L'accusé Guillaume Constantineau plaide coupable aux trois même chefs, soit 2, 6 et 13 de la même liste.

Tous les autres chefs sont retirés.

Un exposé conjoint des faits est déposé. Les deux accusés renoncent à la lecture de l'exposé conjoint des faits.

La Couronne dépose en preuve un cahier de photos illustrant les deux accusés prenant part à un Black Bloc le 26 juin 2010, à Toronto.

La Couronne entame sa représentation. Selon elle, même si les cibles du Black Bloc étaient de « grandes entreprises » représentant « l'Amérique des entreprises », en plus de l'humiliation infligée à la Ville de Toronto, les actions du Black Bloc ont entraîné d'autres conséquences graves, dont 1) les préoccupations légitimes des personnes qui s'étaient rendues à Toronto pour manifester pacifiquement ont été « tempérées » (muted) ; et 2) des personnes innocentes, y compris de simples travailleurs employés par les entreprises ciblées, et qui ne connaissaient pas a priori les principes politiques motivant les attaques, ont été prises dans le tourbillon de la destruction de propriété.

La Couronne lit des extraits d'une lettre écrite par la gérante d'une succursale Starbucks, qui relate la « panique et la peur » des clients au moment de l'attaque. Ce sont là des dommages bien réels, dit-elle, que les accusés ont infligé à des personnes innocentes, même si ce n'était pas là leur intention.

La Couronne lit ensuite des extraits d'une lettre similaire écrite par le gérant d'une succursale d'un magasin grande surface Winners.

Elle conclut avec des extraits d'une déclaration du chef de police de Toronto, Bill Blair, selon qui « la réputation de Toronto a été ternie », que « si les dommages matériels se chiffrent à plus de 2 000 000 $, les dommages humains sont plus difficiles à chiffrer » et que « Toronto ne sera plus jamais la même ».

Il est ensuite convenu que la culpabilité à ces chefs entraînent des ordonnances d'interdiction obligatoires, nommément l'interdiction de possession d'arme pour les 10 prochaines années, et le prélèvement d'un échantillon d'ADN (nouvelle ordonnance obligatoire associée à une condamnation pour voie de fait armée sur un agent de la paix [considéré comme une infraction primaire] en vertu des réformes apportées au Code criminel par le gouvernement Harper).

Il est convenu qu'aucune surcharge, aucun frais supplémentaire ni aucune période de probation ne sera imposée aux accusés à l'issue de la peine d'emprisonnement.

Le juge accepte le plaidoyer de culpabilité.

Le juge demande aux accusés s'ils ont des déclarations à faire.

Guillaume Constantineau déplore le fait que son co-accusé et lui, en définitive, « font les frais de la politisation des accusations ». Il n'y a pas d'égalité ou de justice dans ce système. On les envoie en prison pour une première offense, dans un contexte de manifestation à caractère politique, alors que la même première offense dans un autre cadre n'entraîne pas un peine aussi sévère. Cela le conduit à perdre toute confiance dans le système judiciaire, et cela envoie un message en ce sens à la population. Il reconnaît ses actions, mais considère que la réaction des institutions est disproportionnée. Son co-accusé et lui ont dû subir trois années de pressions psychologiques extraordinaires. « C'est phénoménal, comme retour d’ascenseur ».

Le juge indique que les « observations » des accusés doivent être « pertinentes pour la détermination de la peine » et demande à Guillaume si ses « observations » remettent en question son plaidoyer de culpabilité.

Guillaume réitère que ses remarques ne remettent nullement en question son plaidoyer de culpabilité.

Youri Couture dénonce « la déresponsabilisation de la Couronne dans le processus de répression ». Il n'a pas le droit, en vertu de l'entente conclue avec la couronne, de parler de ses conditions de détentions à la prison temporaire du G20, mais il tient à préciser que « rien n'a davantage empêché les manifestants pacifistes de s'exprimer que les coups de matraques et les jets de gaz-poivre infligés par les policiers à Toronto ». Entre la destruction de propriété et les dommages émotionnels subis par les personnes, dont le traumatisme de se faire réveiller avec le canon d'une mitraillette dans le visage, il n'y aucune comparaison. Youri conclut en affirmant que c'est pour tout cela qu'il est anarchiste et qu'il le restera jusqu'au jour de sa mort.

Le juge demande à Youri si ses « observations » remettent en question son plaidoyer de culpabilité.

Youri réitère que ses remarques ne remettent nullement en question son plaidoyer de culpabilité.

Le juge prononce la peine.

Guillaume Constantineau est reconnu coupable de voie de fait armée contre un « agent de la paix », possession d'arme et méfait de plus de 5 000$.

Sur recommandation conjointe des deux parties, Guillaume est condamné à six mois d'emprisonnement pour le premier chef, à un mois pour le second chef, et à un mois pour le troisième chef, les peines des deuxième et troisième chefs devant être purgées de façon concurrente à la peine pour le premier chef.

Un échantillon d'ADN sera prélevé.
Une interdiction de possession d'arme pour une période de dix ans est ordonnée.
Aucune surcharge ou frais supplémentaire n'est imposé à l'accusé en raison de sa situation financière.

Youri Couture est reconnu coupable de voie de fait armée contre un « agent de la paix », possession d'arme et méfait de plus de 5 000$.

Sur recommandation conjointe des deux parties, Youri est condamné à six mois d'emprisonnement pour le premier chef, à un mois pour le second chef, et à un mois pour le troisième chef, les peines des deuxième et troisième chef devant être purgées de façon concurrente à la peine pour le premier chef.

Un échantillon d'ADN sera prélevé.
Une interdiction de possession d'arme pour une période de dix ans est ordonnée.
Aucune surcharge ou frais supplémentaire n'est imposé à l'accusé en raison de sa situation financière.

La séance est levée. Les accusés sont amenés en détention.

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