Paix et bon ordre: Labeaume convoqué au tribunal

André Bérubé, ce manifestant du printemps érable dédommagé par la Ville de Québec à la suite d'une arrestation jugée abusive par la cour des petites créances, somme le maire Régis Labeaume de se présenter en cour municipale, cet automne, afin d'entendre ses intentions, «à titre de législateur», sur l'article 19.2 du règlement sur la paix et le bon ordre.

Prévue à l'origine pour se tenir en mai, la cause a été repoussée au lundi 5 octobre, en raison de l'arrivée au dossier d'un nouveau procureur, explique au Soleil M. Bérubé, en exhibant la citation à comparaître déposée au bureau du maire Labeaume, le 20 mai.

Le procès-verbal de signification, rédigé par l'huissier de justice Pierre Michaud, indique que la copie certifiée a été remise «à une personne raisonnable, employée et qui a la garde d'un bureau d'affaires, laquelle s'étant nommée comme étant Claire Morneau».

Un porte-parole de la Ville a refusé lundi de commenter l'affaire ou d'indiquer si le maire avait bel et bien reçu la missive.

André Bérubé, qui plaidera sa cause, en compagnie du codéfendeur Mikaël Dumas, a aussi l'intention de faire témoigner l'un des manifestants notoires du printemps érable, Gabriel Marcoux-Chabot, alias «Banane rebelle»; un haut gradé de la police de Québec, le lieutenant Francis Pétrin; et le coordonnateur de la Ligue des droits et libertés, section Québec, Sébastien Harvey.

«Ça peut paraître comique, mais je vais faire ça de façon sérieuse», lance M. Bérubé, qui s'attend à ce que la salle «soit remplie de sympathisants» pour l'occasion. «Je suis en train de mijoter mon plan de match. J'ai tous mes documents. Il va y avoir des surprises. Les gens qui vont se déplacer ne le feront pas pour rien.»

L'audition de la cause doit avoir lieu à la cour municipale, à l'édifice Andrée P. Boucher, siège du bureau d'arrondissement Sainte-Foy-Sillery, à compter de 8h30. «Le juge a décidé de barrer la journée pour se consacrer uniquement à cette cause», explique-t-il.

En avril, M. Bérubé avait tenté de remettre en mains propres, lors d'une séance du conseil municipal, une citation à comparaître au maire Labeaume, mais en avait été empêché.

Un habitué des contestations judiciaires, André Bérubé ne voit pas dans sa démarche une quelconque loufoquerie. «J'ai la cause la plus légitime possible. S'il [Régis Labeaume] est capable de faire distribuer des contraventions, il va prendre la peine de venir en cour pour répondre à mes questions.»

Comme stipulé sur l'avis d'assignation d'un témoin (subpoena), la personne assignée a le devoir de se présenter en cour. Le cas échéant, elle peut être «arrêtée sur mandat et amenée devant le juge». Personne au Service des affaires juridiques de la cour municipale n'a rappelé Le Soleil, qui voulait en savoir davantage sur ces dispositions.

Article anticonstitutionnel

Les évènements reliés à la cause sont survenus le 7 mars 2013, alors M. Bérubé participait devant l'Assemblée nationale à une manifestation contre la hausse des droits de scolarité. L'homme de 46 ans avait reçu un billet d'infraction en vertu de l'article 19.2, pour «avoir tenu ou participé à une manifestation illégale sur le domaine public».

De l'avis du plaignant, cette disposition du code municipal «porte atteinte à sa liberté de réunion pacifique et empêche de facto toute manifestation spontanée ou surprise». Dans la foulée, il tentera de faire valoir que ces interdictions sont anticonstitutionnelles.

La comparution du maire s'inscrit dans une volonté du plaignant d'en savoir davantage sur les motifs derrière l'adoption du règlement. «J'ai quelques questions à poser à M. Labeaume sur ses intentions comme législateur.»

En septembre 2014, le juge Daniel Lavoie, de la cour des petites créances, avait condamné la Ville à verser 4000 $ à M. Bérubé, à la suite d'une manifestation tenue pendant le printemps érable, en mai 2012. Le plaignant avait été arrêté, menotté et détenu pendant plus de trois heures, avec 83 autres personnes. La manifestation avait été déclarée illégale, puisque les participants avaient refusé de fournir leur itinéraire à la police.

Répression

«Les méthodes policières utilisées lors des évènements ont eu à l'évidence un effet oblique dominant, soit de réprimer de façon disproportionnée l'exercice de la liberté d'expression dans un endroit public au sein d'un groupe de manifestants pacifiques», avait alors écrit le juge Lavoie.

La délivrance par la police d'une infraction de 220 $ à sept jeunes pour s'être trouvés au parc de l'Amérique-Française, dans la nuit du 6 juillet, fait dire à André Bérubé que la tolérance policière est à son plus bas dans la capitale. «C'est fasciste au boutte. On a à Québec l'équivalent d'un couvre-feu», dénonce-t-il.

Le groupe avait été interpellé en vertu de l'article 19.3 interdisant de se trouver dans un parc entre 23h et 5h. Encore là, M. Bérubé se demande s'il n'y a pas matière à contestation devant les tribunaux. «Est-ce que ça veut dire que je pourrais recevoir une contravention parce que j'ai pris un raccourci la nuit, dans un parc?»
Premiers recours déposés

Les deux premiers recours civils découlant de l'affrontement entre les policiers de Québec et les manifestants contre les politiques d'austérité du gouvernement libéral, en mars, devant l'Assemblée nationale, ont été déposés au palais de justice, la semaine dernière.

Martine Deraspe, de Québec, a été blessée lors d'une altercation avec les forces de l'ordre. «La police m'a chargée dans le dos, sans avertissement. Je suis tombée face première sur l'asphalte», raconte-t-elle au Soleil.

La plaignante s'est rendue à l'Hôtel-Dieu de Québec pour une blessure à l'arcade sourcilière qui a nécessité cinq points de suture. Appuyée dans sa cause par André Bérubé, la jeune femme réclame un dédommagement de 15 000 $ devant la cour des petites créances.

Une autre plaignante, Alison Bilodeau, a également déposé un recours devant le tribunal, explique M. Bérubé. La jeune femme avait été détenue pendant neuf heures.

«Elle est tombée K.O. et les policiers l'ont mise inconsciente dans un camion, avant de la transférer dans une ambulance.»

Un total de 274 manifestants avaient été arrêtés le 24 mars et reçu un constat d'infraction en vertu de l'article 19.2.

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