Quand la police tue

Jeudi, le journal Le Soleil nous apprenait en exclusivité que « l'autopatrouille de la police de Québec (SPVQ) qui a percuté le cycliste Guy Blouin, le 3 septembre dans le quartier Saint-Roch, a éprouvé une défectuosité avec son système de freinage ABS lors de la collision qui a coûté la vie à cet homme de 48 ans ».

La complaisance médiatique face au travail policier

Les services de police au Québec sont devenus maîtres dans l'art de la déresponsabilisation. Plusieurs questions restent en suspens suite à cette exclusivité qui ressemble davantage à un communiqué de presse du SPVQ qu'à une nouvelle rigoureusement journalistique. Puisqu'en effet, l'esprit critique qui anime a priori tout journaliste semble s'évaporer lorsqu'il est question du travail policier.

Les médias nous ont habitués à ce genre d'attitude complice et complaisante avec les services d'ordre au point qu'il est légitime de se demander parfois si ceux-ci n'agissent pas comme porte-voix de cette institution qui agit tel un adolescent en pleine crise identitaire depuis quelques années. Un adolescent certes, mais un adolescent dangereusement armé.

Les médias remettent rarement en question les agissements de la police prise en tant qu'institution. Ils remettent encore moins en question la légitimité de celle-ci, sauf quelques courageux comme Patrick Lagacé et Stéphane Berthomet pour ne pas les nommer.

Tendance meurtrière

Lorsqu'on fait la somme des bavures policières au Québec, on peut historiquement observer une hausse inquiétante de meurtres commis par les différents services de police sans que les principaux acteurs ne sentent leur légitimité menacée.

L'année la plus meurtrière si on prend l'exemple du SPVM c'est celle de 1991. Durant cette seule année 1991, il y a eu pas moins de six personnes qui ont été tuées lors d'interventions policières. Il est difficile de justifier six meurtres commis par un service de police dans une seule année. Depuis 2011, on observe une tendance inquiétante. En effet, il a été possible de recenser en moyenne trois meurtres par année commis par des policiers du SPVM. On ne peut plus parler de cas isolés lorsqu'on compte une multitude de meurtres annuellement sur un seul et même territoire. Il s'agit plutôt d'une culture qui tend de plus en plus à se généraliser avec notamment la militarisation des services de police et la mise de l'avant de l'approche ultra répressive face aux petits délateurs.

L'impunité

Non seulement les meurtres commis par les différents services de police se concluent sans grandes conséquences, mais souvent il arrive que les policiers impliqués reçoivent un honneur et montent de grade au sein de l'institution. Il n'y a qu'à prendre l'exemple de Jean-Loup Lapointe qui a abattu Freddy Villanueva et qui a été affecté au sein de l'escouade tactique (SWAT). Devinez le sort qu'on a réservé au policier qui conduisait la voiture ayant frappé M. Guy Blouin : « Le directeur des communications de la police de Québec, François Moisan, a confirmé au Soleil que le patrouilleur qui conduisait la voiture de police a été promu aux enquêtes générales, de façon temporaire, en dépit de ce qui est arrivé à M. Blouin. »

Il y a deux questions qui auraient mérité d'être posées par le journaliste qui rapportait cette exclusivité. Premièrement comment se fait-il que les policiers aient roulé deux fois sur le corps de la victime ? Il me semble que si problème de frein il y avait, cela n'explique en rien pourquoi ils ont roulé à deux reprises sur la victime. Deuxièmement, comment se fait-il que les policiers roulaient à haute vitesse à reculons? Ces questions sont restées sans réponse.

Le chef du SPVQ nous disait dans les pages du Devoir la semaine dernière que ce n'était qu'un accident en arguant : « Je ne peux pas croire qu'un policier s'est levé ce matin-là puis s'est dit : je vais faire ça. » Nous ne devrions avoir aucune difficulté à croire ce qu'avance le chef de police du SPVQ, mais il n'en demeure pas moins que si ce meurtre n'a pas été prémédité, il reste néanmoins un meurtre, sauf que celui-ci a été commis par une institution qui ne prend jamais ses responsabilités et qui rarement, sinon jamais, subit des conséquences.

Ce qu'on laisse entendre cette fois c'est que les freins sont probablement en cause dans la mort de M. Blouin. Que les policiers aient roulé à deux reprises sur son corps, qu'ils aient déplacé le corps de la victime ainsi que son vélo, qu'ils aient roulé à haute vitesse avant de frapper le cycliste ça n'a pas grande importance. C'est la faute aux freins.

En quoi le fait que les freins aient été défectueux déresponsabilise pour autant les deux policiers en question ? Comment se fait-il qu'il n'y ait pas encore de plainte criminelle déposée contre les responsables de ce meurtre ? Parce qu'il s'agit d'un meurtre, même si le geste n'était, selon toute vraisemblance, pas prémédité.

On ne peut pas nier le laxisme judiciaire et politique envers nos services de police. L'institution semble être restée dans sa phase anale du développement freudien. Elle a découvert une manière efficace de contrôler les masses et n'hésite pas à pleurer et déféquer dans son froc pour qu'on la prenne en pitié.

Malheureusement, ce sont des vies qui s'envolent à force de bavures policières. Ce qui est encore plus préoccupant, c'est qu'on normalise le meurtre policier comme on normalise l'erreur que fait une serveuse lorsqu'elle nous apporte la mauvaise commande, sauf que la serveuse qui se trompe de commande ne tue pas...

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