Rapport de surveillance : 07 mars 2012

Provenant de "L'équipe de surveillance des interventions policières" http://esipuqam.wordpress.com/

Mise en contexte :

Des militant-e-s du mouvement étudiant contre la hausse des frais de scolarité ont organisé une « Manif-Action » mercredi le 7 mars dernier afin de dénoncer la position de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec qui réclame à de nombreuses reprises une hausse des frais de scolarité afin de pallier à ce qu’ils jugent être un sous-financement de l’ensemble du système universitaire. La plupart des faits énumérés ci-dessous se sont déroulés dans le périmètre limitrophe à la Tour Loto-Québec au 500 rue Sherbrooke O.

Chronologie des faits :

13h32 : L’agent Saint-Cyr, du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), annonce que la manifestation est qualifiée d’attroupement illégal à l’aide d’une camionnette munie d’haut-parleurs, à l’angle des rues Sherbrooke et Aylmer. Il informe les étudiant-e-s qu’ils-elles sont passibles d’accusation en vertu de règlements municipaux ou du Code Criminel. Les étudiant-e-s massés au coin des rues Sherbrooke et City Counsellors n’ont pas pu entendre le message.

13h34 : Environ 70 policiers de l’escouade anti-émeute du SPVM sont en attente sur la rue Sherbrooke, à l’ouest des locaux de Loto-Québec. Comme cela fut répertorié lors des autres interventions policières par l’ESIP, plusieur-e-s membres de l’équipe ont rapporté de graves lacunes en ce qui a trait à l’identification des agents et à l’affichage des numéros de matricule.

13h38 : Mise en état d’arrestation d’un étudiant au coin des rues Sherbrooke et Aylmer. L’intervention est qualifiée de robuste et violente par les membres de l’ESIP. La personne arrêtée est violemment jetée au sol et immobilisée avec force. Celle-ci ne semblait pourtant pas résister avec vigueur à son arrestation.

13h42 : Les policiers qui étaient à bicyclette et qui portaient un dossard jaune se retirent et laissent place à l’escouade anti-émeute qui avance en frappant sur leurs boucliers à l’aide de leur matraque, dans le but d’intimider les manifestant-e-s. L’escouade se déploie et bloque dorénavant toute la rue Sherbrooke.

13h43 : Une première charge, qualifiée d’agressive par les membres de l’ESIP, est effectuée à l’endroit des manifestant-e-s. Des étudiant-e-s résistent passivement aux tentatives de dispersion de la foule du SPVM. Dès les premiers moments de cette intervention policière, les policiers font usage de coup de matraque (modèle PR-4). Tout au long de l’intervention, les membres de l’ESIP ont pu répertorier une quantité préoccupante de coups de matraque assénés par les agents du SPVM.

13h46 : Un policier du SPVM assène des coups de poings au visage à l’endroit d’un étudiant. La tension monte au coin des rues Aylmer et Sherbrooke. Les agents font usage du poivre de Cayenne à de nombreuses reprises. Un étudiant a été mis en état d’arrestation.

13h47 : Une première série de grenades incapacitantes sont lancées sur les étudiant-e-s. Certaines sont lancées avec des canons et explosent donc plusieurs mètres au-dessus de la tête des étudiant-e-s. Toutefois, comme le témoigne le vidéo suivant, au moins une fut envoyée à bout de bras par un agent du SPVM. Cette-dernière a explosé à une hauteur très basse et très près des étudiant-e-s. Voir à 2:30 pour la preuve vidéo :

13h46-13h51 : Un membre de l’ESIP qui faisait de l’observation, en retrait de l’intervention fut déplacé violemment à l’aide de sa matraque par un policier qui lui asséné de 4 à 5 coups.

Vers 13h50 : Un jeune homme, pris de panique devant l’édifice de Loto-Québec, court vers les Sherbrooke et Aylmer. Il souhaite manifestement sortir de la manifestation. L’agent et porte-parole du SPVM, Ian Lafrenière (no de matricule 2548), l’intercepte brutalement en lui sautant dessus, et, avec l’aide d’un autre policier, le maitrise violemment contre la chaussée.

Vers 13h50 : Un policier à bicyclette donne plusieurs coups à l’aide de sa bicyclette sans motifs visiblement valable à une femme relativement âgée, qui n’a posé aucun geste agressif et qui ne faisait pas partie des personnes qui manifestaient.

14h04 : Un agent du SPVM qui s’avançait vers un étudiant lui assène un coup de matraque alors que ce dernier reculait.

14h07 : Des personnes extérieures à la manifestation tentent de sortir du périmètre contrôlé par le SPVM. On les empêche de franchir la ligne gardée par les policiers.

14h08 : Les agents du SPVM font usage de gaz lacrymogène (ou fumigène) dans la foule.

14h09 : Fin de l’intervention du SPVM devant les locaux de Loto-Québec.

Autres informations répertoriées :

Un étudiant du CEGEP de Saint-Jérôme a reçu une grenade incapacitante à la hauteur de la tête. Plusieurs témoins de l’intervention policière ont rapporté que des tirs de grenade incapacitante furent effectués à l’horizontal alors que ce type d’armes requiert normalement un tir vertical afin que la déflagration se fasse à distance sécuritaire de la foule. La personne atteinte rapporte qu’il a demandé de l’assistance à un policier qui le lui a refusé. Il fut finalement secouru par une étudiante présente et fut transféré d’urgence à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Les médecins ont confirmé qu’il y avait toujours une possibilité qu’il perde l’usage de son œil droit. Une autre personne rapporte avoir reçu des fragments de grenade incapacitante au visage.

Une étudiante a envoyé à l’équipe de l’ESIP une photographie de sa jambe, percée par l’impact d’une grenade incapacitante ayant explosé à proximité. La blessure est majeure.

Plusieurs personnes ont envoyé des courriels à l’ESIP témoignant d’actes de brutalité policière dont elles furent victimes. Certaines furent blessées (principalement des ecchymoses suite à des coups de matraque). Elles affirment unanimement qu’elles manifestaient paisiblement.

Un étudiant rapporte avoir reçu des coups de matraque à la hauteur des organes génitaux.

Sur la vidéo suivante nous pouvons clairement voir un policier qui menace un groupe de personnes (4:24) où il dit « Si tu (lances ou montres ça) tu vas l’avoir dans face » :

L’ESIP a eu à de nombreuses reprises des difficultés à obtenir les numéros de matricule des agents du SPVM sur place. De plus, de nombreux agents n’avaient aucune pièce d’identification visible lors de l’intervention.

Infractions possibles à la loi

Code de déontologie policière

1) Certains policiers ont refusé de s’identifier et/ou de donner leur numéro de matricule à l’ESIP

Article 5(2) : Le policier doit se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction. Notamment, le policier ne doit pas omettre ou refuser de s’identifier par un document officiel alors qu’une personne lui en fait la demande.

2) Plusieurs policiers n’avaient aucune pièce d’identification visible. Il est à noter que c’était d’ailleurs le cas pour Ian Lafrennière, porte-parole du SPVM (matricule no 1350).

Article 5(3) : Le policier doit se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction. Notamment, le policier ne doit pasomettre de porter une marque d’identification prescrite dans ses rapports directs avec une personne du public.

3) L’usage prématuré et déraisonnable de la matraque, l’utilisation massive du poivre de Cayenne et l’envoi de grenade incapacitante à proximité des étudiant-e-s présent-e-s sont des comportements qui pourraient être un recours à une force plus grande que celle nécessaire.

Article 6(1) : Le policier doit éviter toute forme d’abus d’autorité dans ses rapports avec le public. Notamment, le policier ne doit pas avoir recours à une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui lui est enjoint ou permis de faire.

4) Les menaces perpétrées par un agent du SPVM dans le vidéo publié ci-dessus pourrait constituer une atteinte à cet article.

Article 6(2) : Le policier doit éviter toute forme d’abus d’autorité dans ses rapports avec le public. Notamment, le policier ne doit pas faire des menaces, de l’intimidation ou du harcèlement;

Loi sur la police

1) Les policiers du SPVM avaient l’obligation de porter assistance à la personne qui a été blessé à l’œil par une grenade incapacitante et qui a demandé de l’aide à un de ceux-ci. Ce manquement du policier pourrait aussi constituer une atteinte à l’article 5 du Code de déontologie policière et l’article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Article 48 : Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 et 69, les infractions aux lois ou aux règlements pris par les autorités municipales, et d’en rechercher les auteurs.

Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et les libertés, respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu’ils desservent.