Fady Dagher promet un équilibre entre répression et prévention

Fady Dagher entend privilégier un service de police plus inclusif, capable de trouver un équilibre entre la répression et la prévention. Le futur directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) admet cependant qu’il prend un « énorme risque » en acceptant son nouveau rôle.

« Fady représente l’avenir de la police », a fait valoir la mairesse Valérie Plante en vantant la feuille de route et l’avant-gardisme de sa nouvelle recrue.

Pour Fady Dagher, il s’agit d’un retour au bercail, puisqu’il a oeuvré pendant 25 ans au SPVM avant d’accepter de prendre la tête du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), en 2017. « En venant à Montréal, je sais très bien dans quoi je m’engage, a assuré Fady Dagher en conférence de presse jeudi, en compagnie de la mairesse. Mais je prends un énorme risque, parce que tout allait bien à Longueuil. »

Fady Dagher n’avait pourtant pas soumis sa candidature pour ce poste. Il avait d’ailleurs renouvelé son contrat avec le SPAL en décembre dernier pour un mandat de huit ans. Jeudi, il a confirmé avoir reçu une invitation de Martin Prud’homme, directeur adjoint à la Ville de Montréal.

Devant la Commission de la sécurité publique, en matinée, M. Dagher a présenté l’approche qu’il compte préconiser dans son mandat au SPVM. En 2022, la population est moins homogène que dans les années 1980 et 1990, a-t-il dit d’entrée de jeu. Le SPVM doit donc servir « toute la population et toutes les populations », en tenant compte des citoyens en voie de marginalisation et ceux issus de l’immigration.

Mais le SPVM doit également être capable de travailler avec les partenaires. « Un service de police qui travaille dans l’humilité, dans la modestie, à pied égal avec les partenaires, les groupes communautaires et institutions, a-t-il avancé. Je le dis souvent, 70 % à 80 % de nos appels sont liés à la santé mentale et aux aspects sociaux. Ce n’est pas vrai que nos policiers sont mieux placés que nos partenaires pour y répondre. Ça prend une concertation. »

Fady Dagher a mis l’accent sur la nécessité de créer des ponts avec la population. Mais pour ce faire, il est nécessaire de trouver des « solutions proactives », avant les crises. Selon lui, il faut s’assurer d’un équilibre entre la répression et la prévention.

L’an dernier, M. Dagher a mis sur pied le projet RESO (Réseau d’entraide sociale et organisationnelle) à Longueuil. Ce programme vise à rapprocher les policiers de la réalité vécue par certaines clientèles plus vulnérables. Ce programme pourrait-il être implanté à Montréal ? « Je ne sais pas , a-t-il répondu. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de faire du copier-coller. Il faut plutôt évaluer les particularités, secteur par secteur. »
Les défis à venir

Le SPVM est aux prises avec des difficultés de recrutement, mais Fady Dagher soutient que pour attirer des policiers et les garder, il faut être franc et transparent au moment de l’embauche. « Je pense qu’il est extrêmement important d’avoir un contrat moral dès le premier jour », a-t-il dit.

Il reconnaît par ailleurs que la tâche imposée aux policiers est lourde et qu’ils sont souvent appelés à intervenir pour des cas liés à la santé mentale. « C’est incroyable comment le 911 est rendu un fourre-tout. On reçoit toutes sortes d’appels. Nos policiers ne sont pas outillés. Ce ne sont pas à eux de résoudre les problématiques de la société au complet. »

La question du profilage devra aussi être examinée de près. « Ça fait des années que je me penche sur ce problème-là. J’ai même reconnu publiquement que j’avais fait du profilage racial, a-t-il expliqué. Je l’ai fait de manière complètement inconsciente. Je ne l’avais même pas réalisé jusqu’à ce que j’en devienne moi-même victime. Là, j’ai compris. C’est pour ça que, selon moi, la grande majorité des policiers qui en font sont même pas conscients qu’ils en font. C’est très insidieux. Il faut ouvrir des discussions, des discussions difficiles. »

La nomination de Fady Dagher à la tête du SPVM devra être entérinée par le conseil municipal et par le conseil d’agglomération et recevoir l’aval du gouvernement du Québec, ce qui devrait se concrétiser en janvier.

L’ancien directeur du SPVM Marc Parent croit que l’arrivée de M. Dagher pourrait avoir un effet bénéfique sur le recrutement de nouveaux policiers. « De voir une personne racisée à la tête du SPVM pourrait inciter des jeunes à faire du métier de policier leur choix de carrière », a-t-il avancé.

« C’est un gestionnaire du XXIe siècle. M. Dagher est la bonne personne, pour la bonne job, au bon moment », avance Alain Babineau, ex-policier de la GRC et directeur de la sécurité publique pour la Coalition rouge. Selon lui, Fady Dagher aura fort à faire pour engager le SPVM dans un changement de culture, et la Fraternité des policiers risque de lui donner du fil à retordre. « Mais en même temps, M. Dagher la connaît. »

D’ailleurs, la Fraternité a prudemment commenté la désignation du nouveau chef sur les réseaux sociaux. « La Fraternité souhaite à monsieur Fady Dagher la bienvenue et la meilleure des chances. C’est avec ouverture et la main tendue que la Fraternité rappelle néanmoins qu’outre la violence armée, d’autres importants défis l’attendent. »

Le chef de l’opposition à la Ville, Aref Salem, qui siégeait au comité de sélection, a salué la franchise de Fady Dagher, mais ses attentes sont élevées à l’égard du futur directeur, notamment en ce qui a trait à la gestion du dossier de la violence armée. « Il devra être à la hauteur de ce que les Montréalais attendent », a-t-il dit.

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