Des cols bleus manifestent contre le racisme

La Ville de Montréal dit vouloir appliquer le principe de tolérance zéro en matière de racisme et de discrimination, mais des cols bleus issus de la diversité estiment que sur le terrain, beaucoup de travail reste encore à faire. Une soixantaine d’entre eux ont manifesté devant l’hôtel de ville, mardi après-midi, pour demander à la mairesse Valérie Plante une meilleure collaboration avec le syndicat et les victimes.

« Pour pouvoir travailler, il faut laisser notre dignité à la maison. On est fatigués. Maintenant, on veut travailler dans la dignité. On veut prendre notre place. On demande à la mairesse de nous inclure dans l’équation, avec le syndicat », a lancé aux cols bleus réunis Gino Clyford Lubérisse, employé dans Montréal-Nord depuis 20 ans et délégué syndical pour les cols bleus de son arrondissement.

Son collègue Joseph Gothard avait sensiblement le même message, soit un appel lancé à la mairesse Plante en faveur d’un meilleur dialogue. « C’est le temps de travailler avec nous, les racisés, avec nous, les discriminés, pour qu’on puisse trouver une solution ensemble. C’est le temps que ça cesse. »

La semaine dernière, une enquête du Devoir relatait les témoignages de dizaines d’employés de la Ville, issus de neuf arrondissements, qui affirmaient avoir subi du racisme et de la discrimination. Des employés avaient porté plainte auprès de leur employeur, mais soutiennent ne pas avoir obtenu justice.
Semaine d’actions contre le racisme

Les cols bleus s’étaient rassemblés devant l’hôtel de ville mardi en fin d’après-midi car, à l’intérieur, la mairesse participait à une cérémonie pour le lancement de la Semaine d’actions contre le racisme (SACR) . Le 21 mars est d’ailleurs la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.

Devant les invités réunis pour la cérémonie, la mairesse a commencé son allocution en soulignant la présence des manifestants à l’extérieur de l’hôtel de ville. « Je tiens à leur dire qu’on les entend. Il y a du pain sur la planche. Il y a beaucoup de volonté, autant de la part de l’équipe politique que celle de M. [Serge] Lamontagne, le directeur général, et des arrondissements. L’objectif est clair : c’est celui de la tolérance zéro », a-t-elle déclaré.

La mairesse a évoqué les témoignages d’employés rapportés par Le Devoir la semaine dernière. « Je félicite les personnes qui ont pris la parole. On a un devoir d’entendre et de passer à l’action », a-t-elle soutenu. « On est conscients du défi. Il faut agir à tous les niveaux pour pouvoir accélérer les changements de culture au sein de l’organisation. […] Tout acte raciste, geste ou parole, est une violation qui est grave et on ne peut pas laisser faire ça à la Ville de Montréal. »
Une nécessaire réforme

Le directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, est venu saluer les manifestants mardi. Il croit qu’une réforme de la structure des plaintes est nécessaire à la Ville de Montréal. « Actuellement, c’est comme une sorte de labyrinthe. Les gens se perdent là-dedans », avance-t-il.

Selon lui, il n’est pas nécessaire de tenir une enquête indépendante, comme le réclame l’opposition, mais plutôt de créer un groupe de travail formé d’experts pour mettre en place une structure « avec des pouvoirs réels d’intervention et de protection et même de sanctions », dit-il.

Il faudrait aussi se pencher sur le rôle de la commissaire à la lutte au racisme et à la discrimination, un poste créé par la Ville en 2021 et occupé par Bochra Manaï, croit-il. « Est-ce qu’elle a assez de pouvoirs et assez de ressources pour faire son travail correctement ? En fait, elle semble être une conseillère plutôt qu’une commissaire. »

Finalement, M. Niemi estime que les notions d’imputabilité doivent être clarifiées. « La tolérance zéro, qu’est-ce que ça veut dire pour les gestionnaires ? Par exemple, si vous permettez au racisme de continuer, est-ce que ça veut dire que vous devez être tenu responsable, suspendu ou limogé ? », se demande-t-il.

Categories

Ville où l'événement s'est produit: 

Type de document: 

dossier: