Encore 3 flics ripoux au SPVM: Auger père et fils louent des limousines à la mafia!

Un enquêteur du SPVM a tiré profit des funérailles du parrain

Publié le 09 janvier 2014 à 05h00 | Mis à jour à 09h02

David Santerre
La Presse

Les récentes funérailles du parrain de la mafia Vito Rizzuto n'auront pas servi aux policiers qu'à enrichir leur banque de photos d'éléments proches et de sympathisants de la famille éplorée. Un enquêteur du SPVM spécialisé dans le crime organisé en a tiré un profit personnel, alors que l'entreprise dont il est actionnaire a fourni une douzaine de limousines aux organisateurs de la cérémonie funèbre. Le service de police a déclenché une enquête interne.

La compagnie Limousine président est détenue par la société Gestion président, dont les trois actionnaires sont un père et ses fils issus du milieu policier.

Le père, Marcel Auger, un ancien inspecteur du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal qui a quitté le service dans les années 90, en est le principal actionnaire.

Les deux autres sont ses fils Daniel, actuellement cadre civil au SPVM, et Stéphane, qui est lieutenant-détective à la section du crime organisé.

Les trois hommes occupent respectivement les fonctions de président, vice-président et secrétaire de l'entreprise.

Sur son site web, Limousine président déclare louer ses véhicules pour des occasions comme les anniversaires, les congrès, les déplacements d'affaires, les bals de finissants, les mariages, les services aéroportuaires, les tours de ville et les voyages. Aucune mention de funérailles.

«Mais les funérailles, c'est notre spécialité. On n'en parle pas sur le site parce que ça peut faire peur à des clients qui veulent louer une limousine pour d'autres occasions», explique le président Marcel Auger.

Il confirme du même coup qu'à l'occasion des funérailles de Vito Rizzuto, la société qu'il possède avec ses fils a loué 12 limousines au complexe funéraire Loreto avec chauffeurs et porteurs pour le cercueil.

«Un client comme les autres»

«C'était un client comme les autres. Nous, on fait affaire avec 30 maisons funéraires, le Loreto, Urgel, tout le monde. On ne regarde pas de qui c'est les funérailles avant d'accepter le contrat», poursuit M. Auger.

Le Loreto, dans l'arrondissement de Saint-Léonard, est détenu depuis longtemps par des personnes proches des Rizzuto ou par la famille Rizzuto elle-même, et il organise régulièrement les funérailles de mafieux. Aujourd'hui, son principal actionnaire est Charlie Renda, le fils du bras droit de Vito Rizzuto, Paolo Renda, disparu depuis plusieurs années.

Les Auger, à commencer par le lieutenant-détective, le savent. Le père affirme que ses fils et lui ont déjà discuté de l'aspect délicat de la chose, mais il ajoute que ses fils ne se rendent pas sur le site des funérailles.

«Ils se concentrent sur le volet administratif de l'entreprise. Avant eux, j'avais un autre associé, qui était policier aussi. On n'arrêtera pas de fournir des services funéraires. Vous savez, dans tous les salons, on peut tomber sur des funérailles de membres d'un gang de rue comme de gens ordinaires. On ne travaille pas pour la famille du défunt, mais pour le salon qui nous embauche», martèle-t-il.

La Loi sur la police oblige les policiers à divulguer à leur directeur tout revenu d'entreprise et, surtout, toute situation incompatible avec leur fonction.

Selon nos informations, Stéphane Auger s'est conformé à la loi en indiquant chaque année être actionnaire de la société Gestion président. Il n'a jamais précisé qui étaient les clients de la société, détail dont la divulgation n'a jamais été exigée, par ailleurs. Cela n'a jamais attiré l'attention de ses supérieurs.

Une source policière rappelle que le Loreto, malgré la renommée de ses propriétaires, est une entreprise légale, mais convient qu'il est délicat pour un policier d'être impliqué dans une entreprise qui transige avec un tel établissement. À plus forte raison lors des funérailles du parrain de la mafia.

«On nous rapporte aujourd'hui qu'une compagnie liée à un policier transige avec une entreprise qui peut être inconfortable pour lui. Des vérifications seront effectuées à l'interne pour en savoir plus», a simplement commenté le commandant Ian Lafrenière, du SPVM.

En tant que lieutenant-détective, Stéphane Auger ne mène pas directement les enquêtes. Il agit plutôt comme superviseur des sergents-détectives, qui, eux, sont sur le terrain et plus en contact avec les sujets d'enquête.

Article 118 de la Loi sur la police

«Tout policier qui occupe un autre emploi ou bénéficie d'un autre revenu provenant d'une entreprise doit, sans délai, en divulguer la nature à son directeur. Il doit également l'aviser de toute situation potentiellement incompatible dans laquelle il se trouve.

Tout policier doit remettre à son directeur chaque année, avant le 1er avril, un rapport faisant état, pour les 12 mois précédents, des situations qu'il lui a déclarées en vertu des dispositions de l'alinéa précédent.»

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