La cartouche qui a atteint une manifestante au visage «peut causer de sérieuses blessures ou la mort»

La Muzzle Blast Powder Dispersion 37 mm, cette cartouche projetée par une arme nommée Arwen 37 qui a blessé une étudiante au visage la semaine dernière à Québec, «peut causer de sérieuses blessures ou la mort», peut-on lire dans les spécifications du produit vendu sur le web.

La fiche de spécifications de cette cartouche est disponible sur le site TheSafariLand.com, une compagnie qui fabrique et vend des produits destinés aux forces de l’ordre. On peut également y lire un avertissement à l’effet que ce produit «doit être utilisé uniquement par les membres des forces de l’ordre autorisés et formés» pour le faire, et qu’il doit être manipulé, entreposé et utilisé avec la plus grande prudence.

Depuis l’incident survenu lors de la manifestation de jeudi contre l’austérité à Québec, plusieurs questions demeurent sans réponses, alors que de nombreux observateurs estiment que l’arme a mal été utilisée par le policier Charles-Scott Simard, qui a visé de très près le visage de l’étudiante de 18 ans.

Lundi, pressé de questions, le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) s’est contenté d’indiquer dans un communiqué que les «opérations font constamment l’objet d’analyses détaillées dans une optique d’amélioration continue» et que l’incident dont il est question «ne fait pas exception», précisant que le SPVQ continue l’analyse des vidéos et que le policier en question «a été rencontré».

Pour Mario Berniquez, analyste à TVA en interventions policières et policier pendant 38 ans, il est certain que l’agent n’aurait jamais dû viser le visage avec cette arme dite de proximité, utilisée par les policiers qui se trouvent habituellement sur la deuxième ligne. «On ne pointe aucune arme au visage en aucun cas», soutient celui qui croit cependant que l’utilisation du Muzzle Blast Powder Dispersion 37 mm a sa place dans les manifestations.

«C’est plus qu’approprié d’avoir cette arme-là et de l’utiliser, estime-t-il. C’est la personne derrière l’arme qui fait la différence», fait-il remarquer. Selon lui, seule une enquête pourra faire la lumière sur les événements, puisque la vidéo à elle seule ne suffit pas à comprendre toutes les circonstances entourant l’incident et les agissements du policier.

Dans le feu de l’action, le policier a peut-être répliqué de façon instinctive, soulève M. Berniquez. «Mais je ne vous dit pas que c’est normal. Ça peut expliquer (le geste), mais pas le justifier», affirme-t-il.

«Est-ce que c’est un manque de compétence? La question se pose», convient le policier à la retraite, qui a longtemps travaillé au contrôle de foules. Selon lui, on peut également se questionner sur la formation qu’a reçue le policier.

Le SPVQ a confirmé au Journal que la formation est dispensée par le fabriquant et au sein du corps de police même.

Reste que pour Mario Berniquez, les manifestants doivent s’attendre à une réplique de l’antiémeute. «Ce sont des moments d’intensité, ils (les manifestants) sont là en avant des troupes qui sont armées, et ils pensent ne pas avoir de coups. C’est impossible, lance-t-il. Si tu confrontes les policiers, tu dois t’attendre à recevoir des coups.»

Arme déjà utilisée au Québec

Même s’il ne s’agit pas d’un outil très connu du grand public, la Muzzle Blast Powder Dispersion 37 mm a déjà été utilisée dans le passé, lors de certaines manifestations dans la province.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) confirme détenir de «l’équipement similaire», qui est parfois utilisé lors d’interventions de contrôle de foules.

«Ça arrive, mais ce n’est pas fréquent, indique le sergent des relations média du SPVM, Laurent Gingras. Je me rappelle de certaines manifestations en 2012 où de l’équipement similaire a été utilisé», dit-il, sans vouloir en dévoiler davantage.

À Québec, on confirme que le Muzzle Blast Powder Dispersion 37 mm a fait son apparition à la fin des années 90 au sein du service. On ne précise pas si ce type d’arme de dispersion a été utilisé dans le passé dans le cadre de manifestations.

Notons que cet équipement a aussi été utilisé lors du Sommet des Amériques, et par la Sûreté du Québec, notamment lors de la manifestation violente du 4 mai 2012 à Victoriaville, précise Richard Dupuis, expert en enquêtes policières.

Tableau des spécifications

Outil de contrôle de foule qui projette une poudre chargée d’un agent chimique
Diamètre : 1,50 po / 37 mm
Longueur 5,5 po / 14 cm
Portée maximum : 30 pieds / 9,1 mètres
Agent actif : CN, CS ou OC
Temps de décharge : instantané
Conçu pour projeter un agent chimique avec un fusil à gaz de 37 mm dans l’environnement immédiat du grenadier (30 pieds)
Principalement utilisé comme outil de gestion de foules pour le déploiement immédiat et rapproché d’agents chimiques. A aussi prouvé son utilité lors d’opérations tactiques.
Est un outil de contrainte par la douleur. Un «excellent» outil pour déployer une poudre chargée d’irritants chimiques à distance rapprochée pour des opérations intérieures et extérieures.
Projette instantanément une bourrée d’agent chimique vers des sujets menaçants près du cordon policier ou dans des espaces confinés.
Le but du Muzzle Blast est de minimiser les risques en provoquant une contrainte par la douleur, un inconfort temporaire et de neutraliser des sujets potentiellement violents ou dangereux.
Il est recommandé que le grenadier et toute l’équipe à proximité utilisent des masques protecteurs.

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