Mort de Rémi Fraisse : la thèse d'une grenade des gendarmes privilégiée

Le procureur d'Albi a annoncé, mardi 28 octobre, que des traces de TNT, l'explosif utilisé dans les grenades offensives des gendarmes, ont été retrouvées sur les vêtements de Rémi Fraisse, le jeune homme retrouvé mort après une manifestation sur le site du projet de barrage de Sivens (Tarn). Le procureur a expliqué que l'enquête « ne peut donc aujourd'hui exclure le rôle de la grenade offensive jetée depuis la redoute où s'étaient retranchés les gendarmes », lorsqu'ils affrontaient des opposants au projet de barrage, à Lisle-sur-Tarn.

Le procureur d'Albi a également annoncé qu'il se dessaisissait du dossier au profit du parquet de Toulouse. C'est en effet du ressort du pôle criminel de Toulouse d'instruire des faits commis par des militaires de la gendarmerie, dans le Tarn.
Des centaines de manifestants se sont retrouvés à Albi pour défiler à la mémoire de Rémi Fraisse, lundi 27 octobre.

« JE M'ORIENTE PLUTÔT VERS UN TIR D'ARME »

Ces analyses des vêtements de Rémi Fraisse accréditent la thèse défendue par les proches du manifestant de 21 ans. L'avocat de la famille de la victime avait en effet annoncé lundi avoir déposé deux plaintes : l'une pour homicide volontaire et la seconde pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner » commis « par une ou plusieurs personnes dépositaires de l'autorité publique ».

« Je m'oriente plutôt vers un tir d'arme, un projectile, flash-ball, grenade, à tir tendu, assez proche, pendant une charge des gendarmes mobiles», avait fait savoir, mardi matin, sur France Info, Me Arié Alimi, avocat de la famille. « A la tragédie vécue par Rémi, et ses parents et ses proches, s'ajoute un véritable scandale sans précédent dont chacun devra tirer les conséquences, pour que plus jamais la violence d'État, sous toutes ses formes, ne puisse trouver encore à s'exercer », a-t-il affirmé mardi soir.

Les forces de l'ordre, gendarmes et policiers, emploient – outre les grenades lacrymogènes – deux types de grenades lors de manifestations comme celle de Sivens : celles dites de « désencerclement » ou « assourdissantes » , et celles dites « offensives ».

Les premières contiennent de petites billes en plastique qui éclatent lors de l'explosion, et « peuvent éventuellement blesser très légèrement, mais c'est très rare », selon une source policière travaillant dans le maintien de l'ordre. Les secondes sont en revanche plus puissantes. « Cela provoque un bon effet de souffle et pas mal de bruit », explique une source sécuritaire.

L'utilisation de l'une ou l'autre de ces grenades dépend de la situation et de l'appréciation des forces de l'ordre qui, lorsque cela est possible, doivent prévenir les manifestants que des grenades vont être tirées.

Si ce genre de grenade peut provoquer parfois de graves blessures, les spécialistes se montrent catégoriques : elles ne peuvent tuer, sauf improbable concours de circonstances. Dans l'hypothèse où l'une de ces grenades aurait provoqué la mort de Rémi Fraisse, tous les experts évoquent une combinaison avec un autre élément comme un fumigène, une cartouche de gaz ou même peut-être un aérosol.

SUSPENSION DE L'UTILISATION DE CES PROJECTILES

Dans la nuit de samedi à dimanche – le corps de Rémi Fraisse avait été récupéré par les forces de l'ordre dimanche à 2 heures du matin – les forces de l'ordre semblent avoir fait usage d'au moins une grenade assourdissante et de plusieurs grenades de désencerclement, selon des témoignages de manifestants rencontrés par l'Agence France-Presse.

Les résultats de l'autopsie communiqués lundi ont montré que le jeune Toulousain a été victime d'une explosion, qui a provoqué un arrachement important d'une partie du haut du dos. Sa mort a été instantanée.

« Sans attendre les résultats » de l'enquête administrative sur les conditions d'utilisation des grenades offensives, qui devrait intervenir d'ici à quinze jours, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mardi soir la suspension de l'utilisation de ces projectiles par la gendarmerie.