Suspendus pendant un quart d’heure - Le SPVM n’a pas l’intention d’accuser les policiers et pompiers qui ont mis le feu à des ordures devant l’hôtel de ville de Montréal

Les policiers et pompiers ayant mis le feu à des ordures lors d’une manifestation remarquée devant l’hôtel de ville, le 17 juin dernier, peuvent dormir tranquilles. Le Service de police de la Ville de Montréal n’a pas l’intention d’accuser ses employés ou ceux du Service des incendies. Tout au plus, certains d’entre eux pourraient être suspendus pendant une période allant d’un quart d’heure à une demi-heure, a appris Le Devoir.

Pompiers, policiers et cols bleus ont créé de toutes pièces un feu de joie en faisant brûler leurs casquettes et des déchets, le 17 juin dernier, devant l’hôtel de ville de Montréal. Pendant plus d’une demi-heure, près d’un millier de syndiqués ont été réunis pour protester contre le projet de loi sur les régimes de retraite, qui forcerait les employés municipaux concernés à cotiser beaucoup plus à leur fonds de retraite.

À coups de klaxons, de sirènes et de sifflets, ils ont voulu se faire entendre pour revendiquer leur droit à la négociation, qu’ils jugent bafoué par ce nouveau projet de loi. Certains passants avaient alors cru à un accident majeur ou à une quelconque tragédie. La circulation avait notamment été perturbée, rue Notre-Dame.

Mais les policiers ne feront face à aucun constat d’infraction, à aucune arrestation, à aucune accusation, selon le SPVM.

« Il n’y a pas d’accusation, parce qu’on n’a pas trouvé de matières criminelles, a soutenu le porte-parole du corps policier, Ian Lafrenière. Des centaines d’avis à des employés civils et policiers ont toutefois été émis, pour des absences sans permission. »

Ces « avis » correspondent à des suspensions sans solde d’une période allant de 15 à 30 minutes. Une amende qui sera prélevée à même la paie des employés, a expliqué M. Lafrenière.

« Suite à une demande de la Ville, il y a eu des vérifications. Il y a des employés qui se sont vu inscrire un 15 minutes d’absence. Bien entendu, les détails, comme ça fait partie des dossiers des employés, ça ne peut être [divulgué] publiquement. Mais, oui, il y a eu des conséquences. »

Les images prises lors de cette manifestation ont été remises aux Affaires internes de la police, « afin de voir s’il y a lieu de donner des constats d’infraction », dit-il. Un processus qui se poursuit, mais qui n’aurait mené à la transmission d’aucune contravention jusqu’à maintenant.

Double strandard

Interrogé à savoir si le règlement municipal P-6, adopté au plus fort du printemps étudiant, en 2012, pouvait s’appliquer à ce genre de manifestation, le SPVM a répondu par la négative.

Le règlement P-6 stipule qu’« une assemblée, un défilé ou un attroupement pour lequel le lieu ou l’itinéraire n’a pas été communiqué » est « tenu en violation ». Le SPVM a interpellé plusieurs centaines de personnes lors de manifestations en vertu de ce règlement. Récemment, lors de la traditionnelle manifestation du Collectif opposé à la brutalité policière, plus de 200 participants ont reçu un constat d’infraction de 638 $.

Les policiers n’en recevront vraisemblablement pas. « Il n’y a pas eu de mouvement, donc il ne devait pas y avoir d’itinéraire [fourni], affirme M. Lafrenière. S’il y avait eu des déplacements, des itinéraires auraient dû être donnés en vertu de P-6. Si les gens avaient décidé de ne pas obtempérer aux instructions, là des accusations auraient pu être déposées. »

L’avocat criminaliste Xavier Cormier, qui a commencé sa carrière comme procureur de la Couronne responsable des poursuites criminelles, voit les choses d’un autre oeil. La présente situation expose « un double standard », dit-il.

Témoin de la scène à partir de son bureau de la rue Notre-Dame, l’avocat s’est dit choqué par l’ampleur qu’ont prise les protestations, ce jour-là.

« Une telle manifestation, si elle avait été faite par un quelconque autre groupe d’individus privés, aurait donné lieu à une intervention policière tout à fait autre,observe-t-il. On aurait dispersé rapidement les manifestations. L’intervention des forces de l’ordre a plutôt été absente ce jour-là. »

Me Cormier rappelle que pour déposer des accusations à la suite d’un méfait, il est nécessaire de pouvoir déterminer les actions commises par des individus en particulier plutôt que par un collectif d’individus. « Le fait qu’il n’y ait pas eu d’accusations ne me choque pas. Puisqu’il n’y a pas vraiment eu d’intervention policière, il peut difficilement avoir des accusations. »

L’avocat ne croit pas aux arguments du SPVM, selon lesquels l’absence de déplacement ne permettait pas l’application du règlement P-6. En réalité, de nombreux véhicules de police et de pompier avaient été mobilisés au cours de la manifestation, note-t-il.

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