Le BEI veut enquêter tous les crimes commis par des policiers

Le nouveau patron du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) croit que ce sont ses enquêteurs qui devraient faire la lumière sur tous les dossiers d'allégations criminelles impliquant des policiers, qu'ils soient en service ou non.

«On va faire valoir [aux autorités compétentes] ce qu'on peut offrir comme service pour voir si le BEI pourrait être chargé de ça dans l'avenir. Moi, je pense que oui», a affirmé mercredi Me Pierre Goulet, lors d'une entrevue accordée au Journal.

Avocat de formation, Me Goulet a été nommé à la tête du BEI en décembre dernier, mais n'avait fait aucune sortie médiatique jusqu'ici.

Durant son mandat de cinq ans, le successeur de Me Madeleine Giauque souhaite améliorer la confiance du public – et celle des policiers – en son organisme.

«Je veux que le public sache ce qu'on fait au-delà de District 31, où il y a une méchante enquêteuse du BEI dans leurs bureaux. C'est aussi important que les policiers sur lesquels on enquête sachent que nous sommes compétents et impartiaux. Ce n'est pas vrai que les [enquêteurs] civils ne connaissent rien parce qu'ils n'ont pas fait de police», a illustré le directeur.

En ce moment, le BEI a le mandat de faire la lumière sur toutes les interventions policières lors desquelles un civil décède ou subit des blessures graves.

L'organisme enquête également sur les agressions sexuelles commises par des agents de la paix en fonction et sur les allégations criminelles impliquant des plaignants d'origine autochtone.

Me Goulet est d'avis que les tâches du BEI pourraient être élargies à tous les dossiers d'actes criminels commis par des policiers, qu'ils soient en service ou non.

C'est d'ailleurs la suggestion qu'avait faite Me Michel Bouchard dans son rapport découlant de l'enquête administrative sur la section des affaires internes de la police de Montréal (SPVM), en décembre 2017.

Le SPVM s'était retrouvé dans l'eau chaude après un reportage de J.E. où deux ex-haut gradés ont soutenu avoir été espionnés par leur employeur.

«Nous sommes indépendants, nous n'avons pas de lien hiérarchique avec les autres corps de police. Un policier qui enquête sur quelqu'un de son propre corps de police pourrait être affecté par l'image de son organisation s'il y a des accusations. Nous sommes au-delà des considérations d'images», a expliqué le patron du BEI.

À ses détracteurs qui diraient qu'aucun agent de la paix n'a été accusé au terme de plus d'une centaine d'enquêtes indépendantes complétées jusqu'à maintenant, Me Goulet répond que l'objectif du BEI n'est pas de faire condamner des policiers.

«Je trouve ça plate que crédibilité du BEI soit entachée parce qu'il n'y a pas eu d'accusations portées. C'est un jugement sévère. On n'enquête pas un crime, on enquête un évènement. On n'enquête pas à la suite d'une plainte et on ne cherche pas un suspect [à tout prix]», a-t-il détaillé.

«Je prendrais ombrage si le DPCP retournait la moitié de nos dossiers parce qu'ils sont bâclés, que la preuve est mal récoltée ou inexistante, mais ce n'est pas le cas», a-t-il conclu.
Me Pierre Goulet

Photo Chantal Poirier
Qui est Pierre Goulet ?

56 ans
Marié et père d'un adolescent
Avocat, membre du Barreau depuis 1989
A œuvré pendant 27 ans comme procureur de la Couronne
Comme procureur, il était spécialisé dans les dossiers de crime organisé et de meurtre
Nommé patron du BEI en décembre 2019, pour un mandat de cinq ans

Ce que le nouveau patron du BEI avait à dire sur...
Me Pierre Goulet

Photo Chantal Poirier

1- Les incidents à connotation raciste

Le meurtre de George Floyd, cet afro-américain tué par un policier du Minnesota qui lui a mis un genou sur le cou pendant de longues minutes.

«Si un évènement comme ce qui est arrivé à Georges Floyd était arrivé au Québec, on se serait déployés c'est certain, indépendamment de la couleur de sa peau. On traite tous les individus de la même façon. Ça fait partie de notre mandat.»

Les relations parfois tendues entre les autochtones et les corps policiers.

«Nous avons une agente de liaison autochtone, qui est elle-même autochtone. Elle a le mandat de tisser des liens avec toutes les Premières nations pour expliquer notre mission, tant en ce qui concerne les enquêtes indépendantes que criminelles. Je suis entièrement d'accord à recruter un enquêteur autochtone, mais je n'en ai pas en ce moment sur la liste d'éligibilité. Ils doivent être intéressés et aptes.»

2- L'enquête Serment, concernant les allégations de fuites médiatiques à l'UPAC

Lancée en 2017 par l'ancien patron de l'Unité permanente anticorruption Robert Lafrenière à la suite de reportages sur une enquête concernant l'ex-premier ministre Jean Charest.

Transférée au BEI octobre 2018.

Les rencontres de témoins ont été suspendues pendant la pandémie, puisque l'édifice où se trouvent les bureaux des enquêteurs a été fermé au public par son propriétaire.

«Les rencontres ont repris depuis une semaine. Pendant la pandémie, les 14 enquêteurs qui travaillent sur ce vaste dossier ont fait beaucoup d'analyse, ils n'ont pas perdu leur temps. J'estime qu'il y a plus de 50% du travail qui est accompli, mais une enquête, c'est évolutif, ça peut déboucher ailleurs. C'est possible qu'il n'y ait rien de criminel, mais que ça mène à des recommandations au ministère de la Sécurité publique, par exemple.»

3- Le BEI en chiffres

En fonction depuis juillet 2016
37 enquêteurs et 5 superviseurs, dont 22 sont d'ex-agents de la paix
Les 20 autres proviennent des domaines de la criminologie, des enquêtes civiles (CNESST, SCRS, commission Charbonneau), du droit, du travail social, de l'éducation et des communications
174 enquêtes indépendantes, dont 117 complétées
Aucune accusation portée
133 enquêtes criminelles
6 policiers accusés, provenant de 5 corps policiers différents

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Corp policier (SPVM, SQ, GRC, agent de la STM, etc): 

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