LE PEUPLE MAPUCHE, L’ÉTAT ET LA POLICE

Depuis 1997, dans le contexte de l’approfondissement de la lutte mapuche pour la récupération des territoires usurpés par les États chilien et argentin, les deux principaux obstacles qui ont porté un frein à cette récupération de la souveraineté territoriale ainsi que de la dignité de la vie mapuche sont le capital et l’État.

Dans l’actualité, diverses communautés (lof) mapuche se sont manifestées en récupérant les terres que les armées chilienne et argentine leur avaient dérobées vers la fin du XIXe siècle. Les deux états ont répondu par la répression systématique et la militarisation du territoire, ce qui a mené à l’emprisonnement politico-culturel de beaucoup de personnes mapuche dans les prisons des villes de Temuco, Angol et Lebu, tout comme à l’assassinat de plusieurs jeunes militants (weichafe ou «guerrier») comme Alex Lemun, Matias Catrileo, Jaime Mendoza Collio, Camilo Catrillanca et Rafael Nawel. Ces derniers ont tous été assassinés par la police militarisée chilienne, les Carabineros de Chile, à l’exception de Rafael Nawel qui lui, a été assassiné par la police argentine. L’institution policière chilienne a joué un rôle clé dans la dépossession des terres vers la fin du XIXe et début XXe siècle, avec à sa tête le génocidaire Hernan Trizano. Tout au long du siècle, elle a donné son appui aux propriétaires terriens et aux colons européens afin de s’emparer des terres puis de répandre le terrorisme d’État au sein de la société mapuche.

De plus, elle a eu un rôle important dans les assassinats systématiques ayant eu lieu en territoire mapuche durant la dictature militaire de Pinochet. Ce dernier a cédé de nombreuses terres mapuche à des entreprises forestières privées, dans le contexte du processus de privatisation de toutes les entreprises d’État au Chili.

La présence des entreprises forestières a représenté le début d’un nouveau génocide pour le peuple mapuche. La main et le pouvoir du capitalisme ont maintenant entamé la destruction de la Terre mère (ñuke mapu) : les plantations d’arbres exotiques ont provoqué la sécheresse, l’érosion, l’extinction d’animaux et d’oiseaux et la pauvreté. Dans ce contexte, le peuple mapuche lutte pour éradiquer cette expression du capitalisme, par l’occupation des biens fonciers et immobiliers des forestières et le sabotage d’équipement forestier. L’État chilien a répondu par plus de répression, en installant des bases policières munies de véhicules blindés et fortement armés pour protéger les intérêts du capital.

Notre lutte mapuche est donc orientée tout d’abord vers la récupération du territoire, l’expulsion du capitalisme en tant que modèle d’économie et de vie, parce que ce modèle est responsable de la destruction systématique de notre planète. La lutte vise la récupération de la souveraineté de notre territoire, c’est-à-dire l’autodétermination. C’est vers cela que doit se projeter la vie mapuche. La lutte doit non seulement représenter un mode de vie anti-systémique, mais aussi un apport à l’humanité, par la protection et la récupération de la vie de la Terre mère ( ñuke mapu). En ce sens, est-ce que les mapuche auront leur propre police? La réponse du point de vue de la LUTTE MAPUCHE ANTICOLONIALE ne peut être que la suivante : JAMAIS la société mapuche déconstruite et décoloniale ne peut imiter les structures du colonisateur, qui a utilisé l’école et la police pour soumettre, dominer et domestiquer notre peuple dans le but de créer de la main-d’œuvre, qui à son tour pourrait contribuer à l’enrichissement de l’élite économique qui domine et détruit la planète.

La vie mapuche s’est développée jusqu’en 1860 hors de toute domination coloniale. Les structures sociales lui ont permis de conserver la liberté et la souveraineté jusqu’à la moitié du XIXe siècle, en occupant une grande part du territoire qui s’étendait de la rivière Biobio (futxa leufu fiufiu) au Chili jusqu’à Buenos Aires au nord de l’Argentine, puis au sud jusqu’à une grande partie de la Patagonie. Sur ce territoire, il n’y a jamais eu de police ni de prison. Les normes de vie mapuche (nor mogen), dont les valeurs sont la solidarité, la coopération et l’utilisation des biens communs, ont réussi à rétablir la justice, grâce à la transmission des connaissances mapuche (kimun) par les chefs (lonko) de communautés. Ce n’est pas que le châtiment qui était recherché, mais également la rétribution et la réciprocité. La police n’a jamais été nécessaire.

Les corps armés qu’on appelle la police, qui se sont fortement développés durant la Révolution industrielle, ont un objectif clair, soit celui de protéger l’élite économique, les usurpateurs, et de ne jamais se porter à la défense des personnes pauvres, de couleur, de la diversité sexuelle ou des Premières Nations. Au contraire, ils nous voient comme étant des ennemis. La lutte mapuche doit continuer et mettre fin à toutes ces structures coloniales. Elle doit déconstruire la vie et ses institutions en se sortir des griffes du capitalisme et de ses nœuds coloniaux.

Continuons de lutter, retournons à la vie mapuche et aux connaissances ancestrales. (Amuleai ta iñ weichan, wiñokintuaiñ ta iñ kuifi kimüm)

(Nous remercions solidairement Natacha pour la traduction et Amélia pour la révision du texte original)

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