Appel à témoignage

18 Décembre 2015

Manifestation de soir, Montréal, 18 décembre 2015

Je reste profondément ébranlée de la tournure qu’a prise la manifestation de soir du 18 décembre dernier. Plusieurs personnes ont partagé témoignages, vidéos, photos.
Nous n’avons pas été victime d’une paranoïa collective.

L’information est confirmée tant par les nombreux témoignages de manifestant-es que par un porte parole du SPVM : il y avait des policiers (en civil) infiltrés dans la manifestation de soir du 18 décembre dernier.

Peut-être que certain-es considèrent leur présence justifiée. Peut-être que certain-es considèrent que c’est un fait bien connu et presque banal. Mais la violence dont ont fait preuve ces policiers n’a toutefois rien de banal à mes yeux.

Je ne raconterai pas les histoires des autres, je ne parlerai pas de tout ce qui s’est produit au cours de cette manif. Je vais me contenter de relater une situation que j’ai vue et vécue.

Mise en contexte :
La manifestation avance sur la rue Panet vers le nord. Alors que nous arrivons à l’intersection de la rue Maisonneuve, il y a un mouvement de foule : un nombre important de policiers nous attend sur la rue Maisonneuve et ils exercent diverses manœuvres pour disperser la foule.

Alors que je tente de retrouver mes ami-es et que j’observe l’arrivée de plusieurs policiers en me tenant sur le trottoir, quelque chose attire mon attention : deux hommes en maintiennent un autre par terre, le brasse et au moins un autre homme se tient à proximité et observe la scène.

Je crois d’abord à une arrestation. Je m’approche un peu et je réalise que les deux hommes sont habillés en civil et portent des foulards qui masquent leur visage. Je m’approche encore pour mieux voir, mais des policiers en vélo arrivent de toutes les directions, me barrent la route. Je réaliserai plus tard en regardant des photos, qu’un périmètre de « sécurité » avait été établi par des policiers de façon à isoler les hommes impliqués dans l’altercation.

En bref, pendant qu’un homme se fait tabasser par terre par deux hommes, plusieurs policiers passent à proximité, aucun n’intervient, si ce n’est que pour empêcher l’accès à la scène et repousser les curieux et les curieuses.

Deux des hommes masqués qui étaient impliqués dans l’altercation passent près de moi. Je les suis du regard. Ils se dirigent vers un immeuble de la rue Maisonneuve, monte les escaliers, fouillent dans un sac. Je les perds de vue un instant en raison des manœuvres de dispersion qui sont exercées.

Quand le calme est relativement revenu, je me dirige vers les escaliers où j’ai vu les deux hommes, je regarde rapidement, je n’y vois rien.

Quelques minutes plus tard, je retrouve un ami. Il est accompagné d’un homme qui vient de se faire battre, menacer de mort avec une arme (un couteau) et voler son sac et son portefeuille. Je comprends tout de suite que c’est l’altercation que j’ai vu plus tôt et je décide de retourner voir dans les escaliers. Je monte et retrouve son sac à dos tout en haut, sur le balcon.

L’homme est sous le choc. Il ne parle pratiquement pas. Il hoche la tête quand nous lui posons des questions, mais il est très difficile d’établir un contact avec lui. Il est assez mince et doit mesurer 5 pieds 5. J’ai tiré des conclusions hâtives sure le moment, qui se sont avérées exactes après vérification : cet homme présente des signes de déficience intellectuelle.

Je ne peux parler pour lui, parler de ce qu’il a ressenti, de ce qu’il a compris. Dans le peu d’informations qu’il nous a communiqué, l’expérience qu’il a vécue est la suivante : il s’est fait attaquer, menacer avec une arme et voler par deux hommes. À ce moment, il n’est pas question de policiers dans sa tête.

Je suis purement et profondément en colère. J’ai très bien vu ses deux assaillants et je m’éloigne un peu afin de voir s’ils ne traînent pas dans les parages.

Un groupe de manifestants se tenaient à l’intersection des rues Panet et Maisonneuve. Ils parlent de gens aux comportements bizarres et pointent en direction de 3 individus qui se tiennent un peu plus loin sur la rue Panet. J’ai tout de suite reconnu l'un des deux hommes qui avaient agressé un manifestant plus tôt, puisqu’il portait un chandail gris, facilement reconnaissable.

Je me dirige vers eux, suivi de quelques autres personnes. J’aborde directement un des trois hommes en lui disant que je les ai vu tabasser un homme et le voler, qu’ils s’en sont pris à un homme qui présente des signes évident de déficience intellectuelle et que je veux savoir qui ils sont et pourquoi ils ont fait une telle chose. D’autres personnes les questionnaient aussi : « vous êtes qui », « vous faites parti de quel groupe », « pourquoi vous êtes là ce soir ». L’un des trois hommes s’éloigne en direction de la rue Sainte-Catherine, il n’en reste que deux. L’un après l’autre, les deux policiers me disent de me rendre dans les escaliers du premier immeuble de la rue Maisonneuve pour retrouver ce que je cherche, en faisant référence au sac à dos qu’ils ont pris à l’homme un peu plus tôt.

Les questions quant à la raison de leur présence continuent. Un des deux répond quelque chose d’un peu confus quant à son opposition à Israël comme raison de sa présence à la manif.

À aucun moment, je n’ai été témoin d’altercation physique, tant d’un côté que de l’autre.

Les deux hommes se séparent, chacun d’eux suivi de quelques personnes qui continuent de les questionner.
À un moment, un manifestant cri « IL A UN GUN !».

Les gens se reculent rapidement, certains semblent figer.

L’un des policiers nous menace de son arme à feu. Ses deux bras son tendus et il fait des mouvements en direction des gens, nous visant tour à tour avec son arme. Il paraît nerveux.

Les deux policiers quittent.

Alors voilà.

Les motifs de leur intervention sur l’homme me sont inconnus. Voulaient-ils le fouiller, lui faire peur?
Une chose est sûre, des hommes masqués, qui ne s’identifient pas comme policiers, qui tabassent un homme, le menacent avec un couteau et partent avec ses effets personnels est une pratique plus que questionnable, injustifiable.

Si vous avez des photos, vidéos des événements mentionnés, merci de les faire parvenir au COBP afin d’aider l’homme qui a été agressé par les deux policiers undercover et les personnes qui ont été menacées avec une arme à porter plainte.

cobp@riseup.net

Crédit photo : Martin Ouellet et Dylan Schaub

Corp policier (SPVM, SQ, GRC, agent de la STM, etc):