Un des policiers habillés en civil à la manifestation anti-austérité de vendredi soir a bien sorti son arme à feu, a confirmé le porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal, Ian Lafrenière, parce qu’il aurait été encerclé et pris à partie par des protestataires.
Quant aux allégations de la manifestante Katie Nelson selon lesquelles un de ces policiers l’aurait poussée au sol tandis qu’elle s’éloignait, ce qui a entraîné son hospitalisation, le SPVM procéderait actuellement à des vérifications, notamment à l’aide de photos et de vidéos.
Selon les explications de M. Lafrenière, le rôle des policiers habillés en manifestants n’était pas de jeter de l’huile sur le feu. «Ils ne vont pas là pour faire partie des casseurs ou pour briser des choses mais pour voir ce qui se passe et cibler les gens qui font des actes criminels. Ça nous a permis d’arrêter huit suspects», a expliqué M. Lafrenière, soulignant qu’il est possible qu’ils aient porté des couleurs sombres pour mieux se fondre dans la masse. Il n’a pas été en mesure de confirmer si certains d’entre eux étaient masqués.
Le conseiller de Projet Montréal Alex Norris, aussi vice-président de la Commission sur la sécurité publique, s’est dit inquiété par le témoignage de la manifestante Katie Nelson. «L’utilisation d’agents provocateurs est inadmissible. Je compte suivre son cas de près et poser des questions à la Commission de la sécurité publique, a-t-il affirmé à Métro. On s’attend à ce que le SPVM fasse preuve de transparence dans ce dossier.» Le maire Denis Coderre a pour sa part déclaré ne pas vouloir se mêler des activités du SPVM.
Les policiers sur la sellette
Les actions des policiers du SPVM déguisés en manifestants feront l’objet de plaintes devant le Comité de déontologie policière à la suite de la manifestation anticapitaliste de vendredi, qui a été sévèrement réprimée.
C’est ce qu’a confirmé par courriel une représentante du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) qui a préféré garder l’anonymat. Elle compte notamment porter plainte pour «détention illégale et sans motif valable» à la suite de son arrestation, qui a eu lieu lors de la manifestation anticapitaliste de vendredi dernier.
S’il n’a pas été possible d’obtenir plus de détails sur la plainte, voici quelques éléments du Code de déontologie des policiers du Québec qui pourraient faire l’objet de plaintes subséquentes. Les policiers déguisés en manifestants sont particulièrement visés.
«L’article 5.2 précise qu’un policier doit s’identifier si une personne le lui demande. Même si c’est un policier en civil, il est dans l’exercice de ses fonctions», a indiqué Hélène Tremblay, commissaire adjointe au Bureau du commissaire à la déontologie policière. Mais encore faut-il que les plaignants aient demandé aux policiers (même en civil) de décliner leur identité.
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Le SPVM pourrait aussi recevoir deux autres plaintes, une pour avoir disposé illégalement du bien d’autrui en saisissant le sac à dos d’un manifestant (art. 8.2) et une autre pour avoir exhibé une arme afin d’éloigner les manifestants qui les avaient reconnus (art. 11.2).
Ainsi, en 2009, les policiers de la Sûreté du Québec déguisés en manifestants avaient fait l’objet d’une plainte en déontologie après la manifestation de Montebello. Ils n’ont pas été reconnus coupables de manquement à cet article, car aucun manifestant ne leur avait demandé
de s’identifier, et ce, même si plusieurs d’entre eux les avaient démasqués. Ils ont par contre été sanctionnés pour insultes.
Les policiers déguisés du SPVM pourraient aussi se voir reprocher un usage de la force plus grand que nécessaire (art. 6.1). Katie Nelson, une manifestante qui a reconnu un des policiers déguisés vendredi dernier (elle avait déjà porté plainte contre lui), aurait ensuite été poussée dans le dos par un de ces policiers en civil, ce qui lui a occasionné un séjour à l’hôpital.
Selon une analyse des jugements des cinq dernières années réalisée par Métro, les agents du SPVM représentent 49 % des policiers sanctionnés en déontologie policière au Québec alors qu’ils ne représentent que 37 % des effectifs. Le manquement à l’article 6.1 est le plus répandu chez les agents du SPVM.
Ironiquement, ces policiers masqués enfreignent le règlement P.6, qui interdit de manifester masqué. «Mais malheureusement, les flics sont au-dessus des lois, donc ils s’en donnent le droit», déplore la représentante du COBP.
