Procédure d’enquête lors d’incidents impliquant des policiers
Déclaration commune pour un processus à caractère civil, transparent, impartial et indépendant
Considérant l’actuelle Politique ministérielle du ministère de la Sécurité publique portant sur le processus d’enquête lorsqu’un policier ou une policière est impliqué-e dans la mort d’une personne ou cause des blessures graves à une personne;
Considérant que ce processus n’impose pas de règles formelles et uniformes de fonctionnement et ne prévoit pas de sanctions en cas de non-respect de ces règles comme le ferait un dispositif législatif et réglementaire;
Considérant l’absence de transparence du processus d’enquête, entre autres, en ce qui concerne la diffusion des résultats de l’enquête et des motifs sur lesquels repose la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales d’entreprendre ou non des poursuites contre le ou les policiers ou la ou les policières impliqué-e-s;
Considérant que ces enquêtes sur la conduite de policiers ou policières sont menées par d’autres policiers ou policières et que cette pratique entache leur caractère d’impartialité et d’indépendance;
Considérant que, de la même manière, ce caractère d’impartialité et d’indépendance peut être entaché si les enquêtes devaient être menées par des enquêteurs civils qui seraient d’anciens policiers ou d’anciennes policières, tel que soulevé par l’Ombudsman de l’Ontario dans son rapport de septembre 2008 sur le mécanisme d’enquête ontarien;
Considérant que dans le cas de ces enquêtes, l’objectif n’est pas d’identifier les auteurs des actes commis, mais bien de déterminer s’ils ou elles ont agi de façon coupable ou justifié, en utilisant une arme contre un-e citoyen-ne ou en lui causant des lésions ;
Considérant que les fonctions dévolues aux policiers et policières ainsi que les pouvoirs considérables qui s’y rattachent, dont celui d’utiliser la force, nécessitent que des mécanismes de surveillance et d’imputabilité stricts viennent encadrer et contrôler l’exercice de ces fonctions et pouvoirs de manière à contrer tout sentiment d’impunité;
Considérant que le mécanisme d’enquête actuel ne fait l’objet d’aucune analyse ni de suivi au sein du ministère de la Sécurité publique de sorte qu’aucun mécanisme de surveillance de la qualité et de l’efficacité des enquêtes n’est prévu;
Considérant les rôles et mandats spécifiques du ministère de la Sécurité publique et du ministère de la Justice;
Nous demandons au gouvernement du Québec :
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Qu’il crée un processus d’enquête à caractère civil, transparent, impartial et indépendant chargé d’enquêter dans tous les cas où des interventions policières ont pour conséquence de causer la mort ou d’infliger des blessures à une personne (voies de fait causant des lésions);
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Qu’il établisse un texte législatif spécifique à ce processus d’enquête énonçant des règles uniformes de fonctionnement;
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Qu’avant son adoption, le contenu de ce projet de loi fasse l’objet d’un véritable débat public dans le cadre d’une commission parlementaire;
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Que ce processus d’enquête soit placé sous la responsabilité du ministère de la Justice;
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Que ce processus soit à tous égards indépendant des corps policiers;
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Que le texte législatif prévoie la mise en isolement immédiat de tout policier ou policière témoin et de tout policier ou policière impliqué-e ainsi que leur interrogatoire dans l’heure qui suit les incidents à moins de circonstances clairement exceptionnelles et justifiables;
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Que le texte législatif prévoie l’obligation pour tout policier ou policière témoin de collaborer pleinement à l’enquête et qu’une infraction déontologique soit prévue en cas de non-collaboration étant entendu, que les policiers et policières, comme tout autre citoyen-ne, tel que le prévoit la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, sont protégé-e-s contre l’auto-incrimination et que leurs communications aux enquêteurs ne peuvent servir de preuve contre eux ou elles dans un éventuel procès criminel;
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Que le texte législatif impose en tout temps la divulgation des résultats des enquêtes et des motifs détaillés de la décision de ne pas entreprendre de poursuites criminelles;
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Que le texte législatif impose au ministre de la Justice le dépôt d’un rapport annuel à l’Assemblée nationale qui :
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rende compte de la gestion des enquêtes,
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mesure le degré d’atteinte des objectifs recherchés par la mise en place d’un processus transparent, impartial et indépendant, et
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propose des solutions pour l’avenir, dans tous les cas où une enquête révèle une conduite policière problématique;
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Que le gouvernement du Québec alloue toutes les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ce nouveau processus d’enquête.
Pour adhérer à cette déclaration commune vous pouvez communiquer avec la Ligue des droits et libertés par courriel à direction@liguedesdroits.ca
Organismes signataires
Ligue des droits et libertés, Nicole Filion, coordonnatrice
Conseil québécois des gais et lesbiennes (CQGL), Steeve Foster, président
Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ), Marie-Éve Rancourt, porte-parole
Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), François Saillant, coordonnateur
Fédération des femmes du Québec (FFQ), Alexa Conradi, présidente
Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), Amélie Chateauneuf, porte-parole
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI),
Stephan Reichhold, porte-parole
PolitiQ-queers solidaires, Mathieu Berger, porte parole
Regroupement des comités logements et associations des locataires du Québec (RCLALQ), France Émond, porte parole
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes du Québec (RAPSIM), Pierre Gaudreau, porte-parole
Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, porte-parole
Confédération des syndicats nationaux (CSN), Lise Poulin, secrétaire générale
Action autonomie, Johanne Galipeau, porte-parole
Conseil central du Montréal Métropolitian-CSN, Gaétan Châteauneuf, président
Centre justice et foi, Élisabeth Garant, directrice générale
Table ronde des OVEP de l’Outaouais (TROVEPO), David Clément, porte-parole
Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), Alexandre Popovic, porte-parole
Montréal-Nord Républik, Will Prosper, porte-parole
Centre pour l'immigration en régions, Gabriel Garcia, porte-parole
Centre de femmes l'ÉRIGE, Pierrette Trottier, porte-parole
Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, Mercédez Roberge, coordonnatrice
Femmes en mouvement, Hélène Morin, coordonnatrice
Coalition Justice pour Anas, Samir Shaheen-Hussain, porte-parole
Collectif pour un Québec sans pauvreté, Diane Vincent, présidente
Centre des Femmes du Témiscouata, Jennifer Laforest, porte-parole
Centre des femmes de la Basse-Ville, Hélène Falardeau, coordonnatrice
The McGill Radical Law Community, Vincent Riendeau, porte-parole
Human Rights Working Group, Neesha Rao, porte-parole
Collectif régional de lutte à l’itinérance en Outaouais, Jenny Villeneuve, coordonnatrice
Réseau solidarité itinérance du Québec, Célia Corriveau, coordonnatrice
Coalition opposée à la brutalité policière (COBP), François Du Canal, porte-parole
[liste à jour en date du 3 octobre 2011]